Depuis le début de la semaine, les Etats-Unis ne transmettent plus de renseignement militaire à la Russie. Il semble bien que ce brusque silence radio décidé par Washington est la conséquence du peu d’empressement de Moscou à mettre en oeuvre certaines des clauses mentionnées dans le traité sur les armes conventionnelles en Europe. La Russie laisse pourtant ouverte la possibilité de poursuivre les négociations sur le controversé bouclier anti-missile en Europe, preuve de sa bonne volonté vis-à-vis des Etats-Unis. Pour l’opinion internationale, cette question soulève bien sûr celle du devenir des relations russo-américaines.
|
Le fait que les Etats-Unis ne communiquent plus de données militaires à la Russie comme il était pourtant prévu qu’ils le fassent dans le cadre du traité sur les armes conventionnelles en Europe n’est pas une chose vraiment surprenante. Ces derniers temps, le mécontentement allait grandissant du côté américain vis-à-vis de Moscou. Principale pierre d’achoppement: l’installation du bouclier anti-missile américain en Europe. Jusqu’à présent, l’accord auquel Washington et Moscou étaient parvenus sur ce dossier lors du sommet Russie-OTAN il y a un an à Lisbonne reste lettre morte. La Russie campe sur sa position, estimant que le système anti-missile proposé par les Etats-Unis pourrait modifier fondamentalement le principe d’égalité et menacer sa sécurité.
Dans ce contexte, les Etats-Unis semblent bien vouloir faire pression sur la Russie. Il faut toutefois rappeler qu’au début de cette semaine, le président russe Dmitri Medvedev avait laissé ouverte la porte à des négociations sur le dossier du bouclier anti-missile en Europe. Mais la Russie ne conçoit de relations avec les Etats-Unis que sur un pied d’égalité, aussi bien sur le plan économique que sur le plan militaire. Cette “égalité” a été mise en exergue par le président russe, qui estime que les conditions qu’il pose ne visent qu’à défendre la souveraineté et les intérêts de son pays. Selon lui, tant que Moscou n’aura pas reçu de garantie écrite assurant que ce système de défense anti-missile ne nuit pas à ses intérêts, la situation ne pourra pas évoluer favorablement. Le patron du Kremin a aussi rendu publiques les mesures de représaille que son pays appliquerait si les Etats-Unis et l’OTAN déployaient ce fameux bouclier anti-missile sans tenir compte de ses intérêts. Pour les Américains, cette réaction russe est tout simplement inacceptable. Les analystes estiment qu’en décidant de ne plus communiquer de données militaires à la Russie, les Etats-Unis ont changé de stratégie. L’avertissement est clair: l’heure n’est plus aux concessions, ni dans ce dossier, ni dans aucun autre.
En réalité, les désaccords russo-américains ne sont pas chose nouvelle. Mais il semble que le locataire de la Maison Blanche ait décidé de hausser le ton, au risque d’en venir à l’épreuve de force. Il faut bien comprendre qu’après avoir passé plusieurs années à discuter âprement sans jamais parvenir à s’entendre, les deux protagonistes de ce dossier - les présidents Obama et Medvedev - se retrouvent dos à dos, et dans une position singulière puisque l’un et l’autre achèvent un mandat de quatre ans et que la réélection du premier est loin d’être garantie. Et c’est sans doute l’une des données majeures du problème. A un peu moins d’un an des élections présidentielles, Barack Obama souhaite passer pour un homme à poigne auprès d’une certaine frange de son électorat, peu encline à voir l’Amérique arrondir les angles en matière de politique extérieure.
Cette décision américaine ne va pas sans risque. Il est évidemment prématuré de parler d’un retour de la guerre froide, mais il faut bien convenir qu’en de telles circonstances, le détroit de Béring semble décidement bien difficile à franchir./.
Ho Diep