(VOVWORLD) - Originaire d’Inde, de Chine et d’Asie du Sud-Est, le laurier d’Inde est également appelé arbre de l’intendance, ficus bonsaï, ficus ginseng ou ficus microcarpa. A l’évocation du bonsaï, l’image d’une plante miniature adaptée à nos intérieurs vient à l’esprit. Mais pas toujours, la preuve avec ce spécimen dont la surface équivaut à un demi-terrain de foot et la hauteur à celle d’un bâtiment de trois étages. Situé dans le village Nhon Khanh du district de Phong Dien, à 14km du centre de Can Tho (sud), cet arbre est vénéré par les villageois comme une relique sacrée multiséculaire.
Photo Thu Hang
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Le site, seulement accessible en moto ou à pied, attire environ une centaine de visiteurs chaque jour, qui repartent impressionnés par cet arbre dont on ignore l’origine ou l’âge exact.
En partie détruit pendant la guerre du Vietnam, l’arbre de 12 mètres de haut domine aujourd’hui sur 2.700 mètres carrés. Un enchevêtrement géant de milliers de branches de toutes tailles lui donne son apparence de cage. Lorsque les branches atteignent le sol, elles prennent racine et se multiplient rapidement. Monsieur Ut Hiên, un villageois, précise :
«C’est bien un seul laurier d’Inde. Il est imposant parce que le climat humide local est propice à son développement. Il a même survécu aux bombardements et à la guerre».
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Le lieu, autrefois stratégique et confidentiel, a beaucoup servi durant la guerre. Nombre de réunions du haut commandement de la révolution de Can Tho s’y sont tenues. Entre 1961 et 1975, les épais branchages servaient de dépôts d’armes et de stocks d’archives confidentielles. Le terrain était utilisé pour l’entraînement militaire et comme point de ravitaillement à destination de la guérilla urbaine. Phùng Van Chiên, ancien responsable de l’unité spéciale de la neuvième zone militaire, n’a jamais oublié les années où il se cachait sous les branches de l’arbre géant.
«Ce laurier d’Inde nous a littéralement hébergés, mes compagnons d’armes et moi pendant la guerre. On a vécu dans une casemate construite juste en dessous par les locaux. Ils nous ont nourris jusqu’à la libération de Cân Tho et la réunification nationale».
Nguyên Van Liên a participé à la guérilla locale. Il se souvient de cette époque.
«On a construit pas une, mais trois casemates sous cet arbre sacré pour les soldats. Beaucoup de gens y ont vécu, des militaires mais aussi des responsables du Parti».
En raison de sa fonction symbolique, l’arbre sert aujourd’hui à deux commémorations annuelles : la Journée des invalides de guerre et des morts pour la Patrie (le 27 juillet) et l’anniversaire de la fondation de l’Armée populaire vietnamienne (le 22 décembre).
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Mais cet arbre possède une histoire bien plus ancienne que ces récents remous. Les descendants des seigneurs Nguyên, qui ont exploré et régné sur le Vietnam du Sud du 16e au 19e siècle, se sont installés en nombre dans la région au 19e siècle. Plusieurs y ont fait fortune, dont un certain Ca Nguyên. Suite à un incendie qui a profondément endommagé l’arbre, sa famille a été victime d’une tragédie mystérieuse. Nguyên Van Hiên, de la sixième génération familiale, raconte :
«Au départ, l’arbre de l’intendance s’étendait sur 3.600 mètres carrés. Une partie de l’arbre a été mortellement endommagée par l’incendie. Peu après, beaucoup de membres de la famille ont succombé des suites de maladies suspectes. Un jour, un chaman est venu. Il a expliqué que l’incendie et la mort des Nguyen étaient liés. Il fallait que la famille prenne soin de l’arbre sacré et lui dédie un temple. On a suivi ses recommandations et la tragédie s’est achevée».
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En 2013, le site a été reconnu par les autorités locales comme vestige historique et culturel. La même année, l’Association nationale de protection de la Nature et de l’Environnement a enregistré le végétal sur la liste des plantes patrimoniales du Vietnam.