Bill Gates et Paul Allen… Steven Jobs, Stephen Wozniak et Ronald Wayne… Voilà des «succes story» qui ont commencé dans des garages. Et visiblement, ces géants de l’informatique ont fait des émules. Prenez Trần Thắng et Hoàng Hiệp, les deux figures de proue de Pentatonic (Ngũ Cung), l'un des groupes de rock les plus connus du Vietnam.

Eh bien, ils ont créé leur «Guitare plus» il y a 5 ans, dans un petit studio niché au 14B rue Hào Nam, à Hanoï, pas très loin de l'Academie nationale de Musique.

Trần Thắng

«A cette époque, il n'y avait que des guitares importées », se souvient Trần Thắng. «Comme n'importe qui, j’ai essayé pas mal d’instruments, sans jamais en trouver un seul qui soit vraiment satisfaisant. Il y a par exemple des guitares qui sont bien en solo mais qui sont noyées dès qu’on met une batterie à côté… Alors, c’est comme ça que petit à petit, on a eu envie de fabriquer une guitare bien à nous, qui corresponde vraiment à nos désirs.»     

Jouer sur une guitare que l’on a fabriquée soi-même… Le pied total, si vous me passez l’expression - c’est un reportage pour les jeunes, après tout, c’est vrai quoi! 
Oui mais… encore faut-il être capable de fabriquer soi-même une guitare...  Et là, quand on a aucune notion de lutherie, ça n’a rien d’une partie de plaisir. Alors comment faire quand on ne sait pas vraiment comment c’est fait, une guitare? Eh bien, c’est comme en médecine, on pratique une autopsie! 

Photo: guitarplus.vn

«On a commencé par démonter des guitares de marque», confesse Trần Thắng. «On avait envie de voir comment c’était fait à l’intérieur. Alors, oui, je sais, une Taylor, c’est pas donné, mais bon… Il faut ce qu’il faut! Hiệp a réussi à emprunter de l'argent à sa copine… Moi, de mon côté, j’ai carrément subtilisé quelques guitares à mon oncle, Thanh Phuong, qui est assez connu dans le milieu musical… Mais là, ça a bardé parce qu’il s’en est vite aperçu et que bien évidemment, ses guitares en avaient pris un sacré coup!»      

Oui, et des coups, Trần Thắng en a pris quelques uns. On peut même dire qu’il aura laissé quelques plumes…  
«Regardez mon pouce droit», nous dit-il, «il a été cassé par un bloc de bois qui est tombé dessus. Et ce n’est qu’un des multiples avatars de notre intrusion dans le monde de la lutherie…   Hiệp avait carrément sa famille contre lui. Moi ce n’était pas mieux, à part peut-être mes grands parents qui ont toujours su m’encourager. Je crois même qu’ils auraient été prêts à vendre leur maison pour me permettre de continuer!...»      

Bon, qu’on se rassure, il n’y aura pas eu besoin de recourir à une telle extrémité et les grands parents de Trần Thắng coulent encore des jours paisibles dans leur maison. Quant à nos deux apprentis luthiers, il leur aura fallu trois années de labeur acharné, d’expérimentations parfois hasardeuses, pour finalement donner naissance à cette fameuse «Guitare plus» et pour s’imposer comme les nouveaux Antonio de Torres des temps modernes, Antonio de Torres étant le luthier qui a mis au point la guitare, telle que nous la connaissons encore de nos jours. 

Hoàng Hiệp

«En fait, ce qu’on a fini par comprendre, c’est que rien ne vaut le bois, pour faire une bonne guitare», nous explique Hiệp. «D’ailleurs, tous les guitaristes du monde entier sont d’accord sur ce point: rien ne vaut un vieil instrument. Pourquoi? Tout simplement parce qu’en vieillissant, le bois développe ses qualités acoustiques. C’est un peu comme un grand vin que tu ferais vieillir, si tu veux… Alors nous, comme on voulait que ce soit entièrement du ‘made in Vietnam’, on a utilisé des bois qui viennent des quatre coins du pays.»

Alors, du «made in Vietnam», oui, mais à condition que ce «made in Vietnam» n’ait rien à envier au «made in Japan» ou au «made in USA»…  Question qualité, cela s’entend… Pour ce faire, la marque « Guitare plus » est associée avec des musiciens et des luthiers étrangers. Et depuis 2012, deux ateliers fonctionnent à plein régime, l’un à Hanoï et l’autre à Bien Hoa, dans le Sud. 

«‘Guitare plus’ propose tout une gamme d’instruments qui sont conçus selon les mêmes principes», nous dit Hiệp, « utilisation des matériaux locaux, finition soignée, une fabrication, son haut de gamme à un prix attractif. La guitare «Standard F4» reste pour l’instant  le produit qui se vend le plus en milieu professionnel.  Il y a la «Fingerstyle», aussi, qui est conçue évidemment pour les spécialistes, la «Studio F4», qui est vraiment faite pour le studio… Quant à la «Premium», qui est incrustée de nacre, c’est pour les jeunes et jolies guitaristes!»      

Avec une fourchette de prix comprise entre 4.000.000 et 5.000.000 de dongs (de 150€ à et 185€), ces guitares «made in Vietnam» ont décidément tout pour plaire. Même si…  
«Au départ, on ne pensait pas faire de publicité. L’idée, c’était juste de créer des instruments, d’en jouer et de nous éclater avec…  Mais bon, le succès aidant!...»  nous dit Hoang Hiep.    
Ces guitares, originale dans tous les sens du terme, séduisent de plus en plus de musiciens vietnamiens, y compris les plus célèbres: Quốc Trung, Thế Phương, Mạnh Hoàng, pour ne citer que ceux-là… 

Reste à espérer que leur renommée dépasse nos frontières et qu’elles s’imposent comme le nouvel instrument des temps modernes… Eric, si tu es toujours avec nous…