(VOVWORLD) - Vous êtes-vous déjà demandé comment se
découpait votre silhouette sur du papier?
Tô Hoàn, qui est un portraitiste d’un genre peu connu, ne se pose plus
la question. Ses portraits, ce n’est pas au crayon qu’il les exécute, mais avec
une paire de ciseaux.
L'artiste Tô Hoàn et son affiche «Découpage
d’art: un portrait en une minute»
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Il est 20 heures. Dans un coin du marché
piéton qui se tient chaque week-end dans le vieux quartier de Hanoi, un attroupement
se forme. C’est un certain Tô Hoàn qui suscite ainsi l’attention des badauds. «Découpage
d’art: un portrait en une minute»... L’enseigne est pour le moins attirante…
«Je ne pratique le portrait découpé que le week-end», me
dit Tô Hoàn. «Le reste de la semaine, je poursuis mes études universitaires. Mais
c’est un métier qui me fait voyager, un métier itinérant qui me conduit de
foires en fêtes foraines… En ce moment, par contre, je suis obligé de rester
sur Hanoi: mes examens de fin d’études approchent dangereusement…»
Indifférent à la foule qui
l'entoure, Tô Hoàn reste parfaitement concentré sur son travail. Des ciseaux
dans la main droite, une feuille de papier noir dans la main gauche, il fixe
intensément son modèle, une jeune fille qui pose de profil, à 1m50 de distance.
En moins d’une minute, devant les yeux ébahis des nombreux curieux qui se
pressent tout autour, apparaît un profil à la ressemblance troublante. Des
chuchotements d’admiration s’élèvent de la foule bigarrée. Quant à Thu Ngoc, la
jeune fille en question, elle hérite d’un portrait aussi original
qu’inattendu.
«C’est très ressemblant», me dit-elle. «Je
suis très contente du résultat, en tout cas. Il y a de la créativité, de
l'imagination et même un peu d'humour… C’est comme s’il venait de découper ma
silhouette.»
L’art du portrait au ciseau est peu
pratiqué au Vietnam. C’est pourtant un art authentique dont l’originalité tient
autant à la dextérité de l’artiste qu’à la simplicité de l’outillage et au
résultat, bien sûr. Il a fallu à Tô Hoàn des
mois de pratique pour acquérir la dextérité qui est la sienne actuellement.
«Moi et Hoàn, on pratique après les cours, entre
17 et 20 heures. Le reste du temps, on vaque à nos occupations. On se retrouve
chez Hoàn, en général, mais il nous arrive aussi de descendre dans la rue et de
tirer les portraits des passants qui nous le demandent», me raconte Nguyên Tiên
Dung, l'un des camarades d’université de Tô Hoàn.
Tô Hoàn ne demande jamais d’argent aux
enfants
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Sachant que le prix d'un portait se situe
entre 15 et 30 mille dôngs et que les recettes sont donc maigres, ce n’est
certainement pas l’appât du gain qui motive Tô Hoàn, mais plutôt le désir de
partager, de rencontrer…
«La plupart de mes clients sont des jeunes,
soit des étudiant, soit des élèves. Mais il y en a des plus âgés ou des plus
jeunes, parfois. Le plus vieux que j’ai eu avait 79 ans, le plus jeune trois
ans. J’ai quelques principes, d’ailleurs: je ne demande jamais d’argent aux
enfants, sauf s’ils viennent avec leurs parents, ni aux personnes âgées. Il y a
aussi le 8 mars, où c’est gratuit pour les femmes, et le 20 novembre, où c’est
gratuit pour les enseignants», m’explique-t-il.
On l’aura compris, Tô Hoàn ne pratique cet
art que par passion. Sa présence contribue à rendre les rues piétonnes encore
plus attractives. Si par hasard vous êtes à Hanoi, n'hésitez pas d'aller à sa
rencontre: il n’attend que de vous tirer… pardon, vous découper le portrait.
«Un homme qui déteste rester dans
l’ignorance ne partira jamais sans avoir vu son portrait», disait fort
justement Iain Pears…