(VOVworld) - Sous les auspices de la délégation Wallonie-Bruxelles au Vietnam, a vu le jour une première formation à long terme et de haute qualité, réunissant l’Institut national supérieur des Arts du Spectacle (Bruxelles) et l’Académie du Théâtre et du Cinéma de Hanoi (ATCH). D’ici 2019, les cinéastes experts de l’INSAS interviendront chaque année pour une période de 14 semaines pour enseigner à une dizaine d’étudiants de l’ATCH, en vue de former un contingent de cinéastes vietnamiens de niveau international. VOV5 a eu au micro Rob Rombout, documentariste chevronné, premier intervenant à cette formation.
Photo: Rob Rombout
Rob Rombout: Je suis venu il y a cinq ans, c’était l’INSAS qui m’avait envoyé, avec pour mission de faire un atelier. Les deux premières années, j’ai fait l'atelier seul, et puis il y a eu d’autres profs intervenants. Tout doucement, ça s’est agrandi un peu. Mais on avait quand même l’impression que nos interventions étaient trop ponctuelles. Et ce n’est pas que nous qui avons remarqué ça, l’école aussi ! La délégation Wallonie-Bruxelles au Vietnam a eu l’idée de nous mettre ensemble dans un projet commun. On a eu une aide de la communauté française en Belgique, pour une période de trois ans, pour faire une formation avec des étudiants en cinéma et en télévision. L’idée, c’est que l'on suit les étudiants pendant quatre ans avec des intervenants différents de l'INSAS. Ce sont des intervenants de la fiction, du documentaire, mais aussi des profs de théorie, d’histoire du cinéma etc...
VOV5: Quel est alors le résultat attendu?
Rob Rombout: On espère former un groupe d’élite, les préparer à ne pas être uniquement actifs au Vietnam, mais aussi au niveau international. On demande une maîtrise de l’anglais parfaite à la fin, parce que c’est la langue internationale dans l’audiovisuel. J’espère par ailleurs qu’on puisse leur donner une attitude indépendante, critique, autonome.
Les étudiants de l'ATCH en tournage. Photo: MLT
VOV5: Quelle est votre remarque sur les étudiants?
Rob Rombout: Ils sont de différents niveaux. Il y a des gens qui ont un certain âge, d’autres qui sont très jeunes. Il y a des gens qui connaissent un peu la technique, d’autres pas du tout. C’est un peu à nous de les équilibrer, les mettre en groupe de telle façon qu’ils soient opérationnels. C’est ma neuvième mission donc je peux comparer un peu avec les cours que j’avais donnés au début. Ce qui me frappe maintenant c’est l’engagement des étudiants. Je suis content qu’il y ait beaucoup d’énergie. Ils sont très motivés, mais ils ont aussi très peur - ce qui est plutôt bien, puisque on n’est jamais rassuré, et c’est un bon signe: ils vont faire de leur mieux. Mais évidemment quand ils veulent faire de leur mieux, ils ont des angoisses. Même moi quand je fais des films je suis angoissé, encore et toujours.
Tournage du documentaire "Amsterdam Stories USA"
VOV5: Qu’est-ce qui caractérise un bon documentaire, selon vous?
Rob Rombout: La réponse va être différente d’après chaque réalisateur. Il y a deux côtés. Il y a des documentaristes qui sont très engagés dans un message, qui veulent faire parler des gens. De l’autre côté, il y a des gens qui sont préoccupés par la forme, par le langage, par la poésie. Je me trouve plutôt parmi les deuxièmes. Mais il y aura d’autres intervenants qui se trouvent à l’autre côté. Je dis aux étudiants qu’il n’y a pas un intervenant qui dit la vérité, qu’il y a plusieurs vérités. Il faut avoir une philosophie, et cette philosophie doit avoir une forme originale. En même temps, cela doit être une forme qui se reconnaît à travers plusieurs films de ce même réalisateur, une sorte de signature. C’est très important.
Personnages du documentaire "Sur les traces de Robert van Gulik" de Rob Rombout.
VOV5: Dans vos films, vous mettez les personnes interrogées dans une semi-obscurité...
Rob Rombout: Le problème du documentaire, c’est son outil. La caméra-vidéo est super réaliste tandis que la réalité n’est pas si réaliste. Je dois donc faire des interventions pour arriver à la perception que j’ai sur le moment. Par exemple si quelqu’un est mystérieux, c’est pas que son histoire est mystérieuse, il faut intervenir au niveau de la lumière. A la télévision, on fait souvent parler des gens devant leur travail, devant leur situation. Cela limite les gens. Ce n’est pas parce que quelqu’un est boulanger qu’il doit parler que du pain. Mais si l’on le met devant la boulangerie, il va parler du pain. Donc si je l’isole dans le noir, si je mets son visage dans la pénombre, je mets le son parfait, alors peut-être il peut parler de quelque chose d’autre, peut-être de ses espoirs. Il a son propre moment où il quitte la réalité. C’est un aspect poétique que je veux obtenir. C’est dans le même sens que dans un interview, le silence peut être parfois très intéressant.
Tournage du documentaire "Amsterdam Stories USA". Photos fournies par Rob Rombout
VOV5: Dans cet atelier, vous apprenez aux étudiants comment travailler avec l’image, le son mais aussi comment approcher les gens...
Rob Rombout: Je ne lis pas le scénario puis attends de voir le résultat, mais je les suis sur place. On va à moto, d’un lieu à l’autre, c’est très physique, le professeur vient sur place. Je vois ainsi comment ils travaillent.
Quand on fait des documentaires, c’est des choses qui doivent vivre longtemps. Il y a quelqu’un qui faisait un documentaire sur son grand-père qui a 90 ans. Je lui ai dit que pour l’interview, il faut faire le mieux possible, le meilleur son, la meilleure image... parce que peut-être cette personne ne sera plus là dans un certain temps. Et quand on revoit ça quand il n’est plus là, on se reproche de ne pas avoir été assez attentif. Donc la rigueur et l’éthique, c’est ce qu’on leur apprend aussi.
VOV5: Merci à vous !
Rob Rombout est documentariste indépendant et co-fondateur du Erasmus Mundus master Doc Nomads.
Professeur à l’INSAS, LUCA Bruxelles, l’Université Paris 8, l’Université Marc Bloch (Strasbourg), l’Ecole supérieure du Théâtre et du Cinéma (Lisbonne), l’Université de Sao Paulo, l’Académie du Théâtre et du Cinéma de Hanoi... il dirige souvent des ateliers dans le monde entier (Brésil, Vietnam, Chine, Canada, États-Unis, Liban...)
Il a réalisé une vingtaine de documentaires, dont plusieurs primés. Entre autres: “Amsterdam Stories USA”; “Amsterdam vis Amsterdam” (co-réalisés avec Rogier van Eck); “Canton, The Chinese” (co-réalisé avec Robert Cahen); “Entre deux tours”; “Perm-mission”…
Rombout a siégé dans des jurys cinématographiques à Bruxelles, Munich, Lisbonne…
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