(VOVWORLD) - Les politiciens qui en manquent en sont réduits à jouer les seconds rôles, ceux qui en sont pourvus deviennent vite de véritables tribuns, adulés par les foules… L’éloquence, donc… «art de toucher et de persuader par le discours», nous disent les dictionnaires… La grande finale du concours d’éloquence du lycée français Alexandre Yersin a eu lieu le vendredi matin 23 avril dans l’enceinte de l’établissement! Neuf finalistes, un jury et un public enthousiaste, prêt à s’enflammer. Moyenne d’âge des orateurs 15 ans…
Photo: Thuy Linh |
Il est 9 heures. L’auditorium du lycée est archi-bondé. Tous les élèves sont venus soutenir leurs camarades dans une ambiance potache, certes, mais tout de même un peu fiévreuse... La petite vidéo qui est diffusée en guise de message d’encouragement aux candidats ne fait qu’accroître la tension. Les finalistes, eux, sont prêts à en découdre et c’est à qui aura le dernier mot...
Photo: Thuy Linh |
Pas facile, quand on n’a que 15 ans, de se présenter ainsi, sur scène, et de s’exprimer sur tel ou tel sujet pour tenter de convaincre un auditoire… Mais de ce point de vue-là, les adolescents qui défilent à la tribune ont un sacré tempérament à revendre. Ils font preuve, en outre, d’une maîtrise tout à fait précoce de l’art oratoire, à faire pâlir de jalousie bien des dirigeants de notre planète, dont la diction - soporifique à souhait! - laisse entendre qu’ils ne sont pas passés par un tel apprentissage!... À l’applaudimètre, en tout cas, il est clair que tous ces jeunes orateurs ont du talent, mais aussi du charisme… Lorsque finalement les membres du jury se retirent pour délibérer, on comprend que la barre est très, très haute…
Photo: Thuy Linh |
L’ambition de ce concours? Offrir aux élèves la possibilité de découvrir l’art oratoire et mettre en lumière des talents prometteurs dans l’art de manier les mots, nous explique Amadou Niang, professeur de lettres modernes et de latin, également membre du comité d’organisation.
«Nous avons organisé ce concours dans le cadre de notre programme de seconde, qui contient une séquence sur le discours et la presse. L’objectif est de développer le pouvoir de la parole et la capacité des élèves à convaincre et à persuader. Mais pour ça, ils doivent faire appel à leurs connaissances littéraires, philosophiques…», nous précise-t-il.
Les membres du jury en débat. Photo: Thuy Linh |
«Un regard suffit-il?», «Toute vérité est-elle bonne à dire?», «Faut-il arrêter celui qui rêve de voler?». C’est sur ces trois sujets que les candidats ont dû plancher, et ils n’ont eu que deux semaines pour préparer leurs prestations… Mais qu’à cela ne tienne, et les membres du jury, eux, en prennent plein la vue, à l’instar de Lucile Bruand, qui est attachée de coopération éducative de l’Ambassade de France au Vietnam.
«Ce sont des élèves qui sont en classe de seconde, qui ont donc 15 ans... Les trois sujets à traiter sont presque des sujets de terminale, des sujets de philosophie… Ils les ont tirés au sort et ils n’ont pas eu le choix… C’est quand même étonnant de voir la maturité dont ils peuvent faire preuve!», nous confie-t-elle.
Chékou Oussouman (au micro), représentant régional pour l'Asie et le Pacifique de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Photo: Thuy Linh |
Les performances oratoires des candidats sont d’autant plus remarquables qu’elles sont délivrées en français et que tous ne sont pas des locuteurs natifs, comme nous le fait très justement observer Chékou Oussouman, représentant régional pour l'Asie et le Pacifique de l'Organisation Internationale de la Francophonie.
«Nous les avons observés avec beaucoup d’attention et d’intérêt», nous dit-il. «Tous les candidats - certains sont des natifs, d’autres sont des personnes qui apprennent le français - sont extrêmement bien formés et en plus de ça, ils manient très bien la langue française. Cela montre qu’il y a des jeunes talents sur qui il est possible de compter pour maintenir la flamme de langue française au Vietnam. Avec la croissance économique que le Vietnam est en train de connaître et avec ses ambitions de se développer davantage, je suis convaincu qu’il y aura de plus en plus de demande pour les jeunes formés en français».
Lily Bleitrach, titulaire du prix du jury. Photo: Thuy Linh |
Bon… Et le gagnant, dans tout ça? Eh bien le gagnant est une gagnante: une certaine Lily Bleitrach. Retenez bien ce nom: cette jeune fille est partie pour faire des étincelles. Qui sait? Peut-être finira-t-elle présidente!... Elle a en tout cas une aura véritablement sidérante. Sa pratique régulière et soutenue de l’improvisation théâtrale (Eh oui, ça aide!) y est certainement pour quelque chose, mais quand même… Quel style! Et très sympa, avec ça: pas du tout du genre première de la classe un peu bêcheuse…
«J’ai choisi de faire un discours très théâtral, avec beaucoup de mise en scène. J’ai mis beaucoup de temps à trouver les idées et à les mettre en place... Je suis très contente! C’est important, pour moi, ce prix. Mais vous savez, à mon avis, aimer ou pas un discours, c’est subjectif… Si vous prenez plusieurs personnes, elles n’aiment pas forcément les mêmes choses au même moment. Je trouve en tout cas que les autres finalistes auraient mérité de gagner : ils ont fait un travail formidable!»
Bravo Lily, donc, et bravo à tous les autres finalistes qui auront donné raison à Corneille, qui écrivait, voici plus de trois siècles, qu’«aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années»…