Nicolas Warnery: «Nous essayons de rebondir vers les 50 prochaines années…»

(VOVWORLD) - À l’occasion de la fête nationale française, le 14 juillet, Nicolas Warnery, l’ambassadeur de France au Vietnam, nous a accordé une interview spéciale. «Spéciale», car il s’agissait, pour lui, de dresser le bilan des célébrations du cinquantenaire des relations franco-vietnamiennes, mais aussi parce qu’il quittera le Vietnam à la fin de ce mois de juillet.
Nicolas Warnery: «Nous essayons de rebondir vers les 50 prochaines années…» - ảnh 1L'ambassadeur Nicolas Warnery | Photo: Duc Anh/VOV5
VOV: C’est votre deuxième interview avec notre Radio La Voix du Vietnam depuis le début de cette année, durant laquelle nos deux pays ont célébré le 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques et le 10e anniversaire de leur partenariat stratégique. Pourriez-vous dresser un bref bilan des activités qui ont eu lieu dans le cadre des célébrations depuis le début de l’année?

Nicolas Warnery: Nous avons essayé depuis le début de l’année - et nous essayons de poursuivre cet effort jusqu’à décembre prochain - d’avoir toute une série d’événements pour montrer toute la richesse et la variété de la coopération bilatérale entre la France et le Vietnam.

Il y a des visites politiques: Monsieur Bescht, ministre délégué au Commerce extérieur, est venu au Vietnam et le ministre des Affaires étrangères, Bùi Thanh Son, est allé à Paris. Mais il y aura d’autres visites d’ici la fin de l’année.

Il y a des événements économiques comme le Forum des Conseillers au commerce extérieur de toute la région Indopacifique, qui s’est tenu à Hô Chi Minh-ville début mars, lors de la visite de Monsieur Bescht.

Il y a des événements qui sont à la fois économiques et culturels comme les 12èmes Assises de la coopération décentralisée qui avaient un volet économique, l’événement Balade en France et la Fashion Week de Hô Chi Minh-ville.

Il y a des événements purement culturels, comme la première Biennale de photo Hanoï 2023, qui s’est produite dans 20 lieux différents de Hanoï, ou encore les deux concerts organisés à l’Opéra de Hanoï autour du Petit Prince.

VOV: Êtes vous satisfait des résultats obtenus et pourquoi?

Nicolas Warnery: Nous sommes satisfaits parce que nous parvenons à illustrer cette variété, cette richesse et cette intensité des liens entre nos deux pays et parce que nous essayons, à partir de ces événements, de rebondir vers les 50 prochaines années. C’est votre Premier ministre qui m’a dit «On fait le bilan des 50 ans et on rebondit vers les 50 prochaines années». C’est exactement ça! Le but est de continuer notre coopération dans tous les domaines que j’ai cités: dialogue politique, économie, événements culturels, événements institutionnels avec les collectivités locales, dans d’autres domaines aussi peut-être... Je n’ai pas terminé mon énumération, il y a aussi des événements dans le domaine universitaire, scientifique…

VOV: Quels sont les événements les plus marquants prévus pour les derniers mois de cette année?

Nicolas Warnery: Il y aura des rencontres scientifiques de haut niveau, peut-être à Quy Nhon et aussi à Hanoï. Un événement spécifiquement médical très important se tiendra en novembre. Nous espérons accueillir au Vietnam une très grande dame, qui est Madame Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel pour sa découverte du virus du SIDA et qui, il y a 20 ans, a travaillé sur la lutte contre le SIDA au Vietnam avec l’Institut Pasteur. Elle se rendra en novembre prochain à Hanoï et à Haiphong.

Un Forum de l’innovation est prévu à Hanoï, à Hô Chi Minh-ville et peut-être dans d’autres villes. Il y aura des événements cinématographiques à Haiphong et aussi une fête d’illumination à la citadelle à Huê début décembre. Ce sera sans doute le grand événement final de ce double anniversaire.

VOV: C’est pour faire un petit clin d’œil à Huê, la ville que la France a aidée à créer un festival?

Nicolas Warnery: Absolument ! Beaucoup oublient qu’au départ, le Festival de Huê est un magnifique exemple d’une coopération franco-vietnamienne qui est devenue un projet totalement vietnamien. Nous en sommes très heureux et nous participons de manière systématique avec un ou deux groupes pendant la grande semaine du Festival de Huê. Les organisateurs vietnamiens travaillent tout seuls maintenant. Ils maîtrisent complètement ce festival qui est un grand événement culturel international.

Nous avons une autre ambition. Cette année, la biennale Photo Hanoi a été co organisée avec, entre autres, l’Institut français qui avait proposé ce projet, le comité populaire de Hanoï et le ministère de la Culture. L’idée, c’est que les prochaines Biennales soient organisées uniquement par le partenaire vietnamien, avec notre aide si besoin, mais en très grande autonomie de la part de Hanoï.

VOV: Cette année, l’ambassade de France prévoit quelque chose de plus spécial à l’occasion des célébrations du 14 juillet, parce que cette année, c’est quand même une année très spéciale…

Nicolas Warnery: Il y aura deux choses. D’abord, la thématique des discours sera fortement orientée sur le double anniversaire. Et puis, nous inviterons un plus grand nombre de nos partenaires vietnamiennes que l’an dernier. Nous étions assez contraints par l’ambiance encore post-Covid et par la sobriété qu’on nous demandait. Mais comme 2023 est une année exceptionnelle, nous avons élargi la liste de nos invités. Nous invitons tous nos partenaires dans tous les domaines où traditionnellement, il y a un ou deux membres du gouvernement au niveau ministre ou vice-ministre. Cette année, la représentante du gouvernement sera à priori une vice-ministre des Affaires étrangères, celle qui s’occupe spécifiquement de nous. Et puis, nous invitons un certain nombre de vice ministres, de directeurs généraux ou d’agents des différents ministères avec lesquels nous travaillons. Et puis, tous nos partenaires des universités, des centres de recherche, un ou deux que vous connaissez, au comité populaire de Hanoï bien sûr... Il arrive aussi qu’un ou deux comités populaires avec lesquels nous avons des relations particulièrement intenses, viennent à la réception offerte à l’ambassade. En plus, il y a évidemment les collègues du corps diplomatique et un petit noyau de Français actifs, institutionnels dans la relation.

Nicolas Warnery: «Nous essayons de rebondir vers les 50 prochaines années…» - ảnh 2Nicolas Warnery terminera son mandat d'ambassadeur de France au Vietnam à la fin juillet | Photo: Duc Anh

VOV: Votre mandat au Vietnam se termine bientôt : à la fin de ce mois-ci. Pendant ces quatre dernières années, vous avez vécu beaucoup de choses. Pourriez vous nous citer les moments les plus exceptionnels de votre mandat au Vietnam?

Nicolas Warnery: J’ai eu à la fois la malchance et la chance d’y vivre la pandémie. La malchance parce que la pandémie a été meurtrière ici comme ailleurs et donc c’était des moments graves. Mais en même temps, être au Vietnam, dans un pays que pour différentes raisons personnelles et professionnelles, j’aime beaucoup... Être loin et coupé de ma famille pendant presque deux ans a été une expérience humaine et professionnelle exceptionnelle. Il a fallu tenir et continuer à remplir la mission dans des conditions très différentes. Il n’y avait plus de visite. Nous faisions beaucoup de choses en ligne. Il a fallu maintenir la flamme et faire avancer les projets, pour que dès la reprise de l’activité qui s’est produite l’an dernier au début de l’été, nous puissions repartir de plus belle. Et une de mes grandes fiertés, je le dis souvent, c’est que nous n’avons abandonné aucun domaine. Tout a pris du retard, mais rien n’a été abandonné ni annulé. Tout a lieu plus tard.

VOV: Avant d’être ambassadeur de France, de 2004 à 2007, vous avez été le Consul général de France à Hô Chi Minh-ville. Quels sont les changements les plus frappants que vous avez pu observer, au Vietnam, pendant ces deux séjours en tant que conseiller général et ambassadeur de France?

Nicolas Warnery: La chose la plus manifeste, bien sûr, c’est la modernisation du pays, l’agrandissement des villes, leur «verticalisation», donc la construction de tours très hautes qui existaient encore peu au début des années 2000 et qui se sont multipliées à Hô Chi Minh-ville. Quand je suis parti, dans le centre-ville, on voyait des terrains entiers qui avaient été détruits et des panneaux qui annonçaient la construction de tours, mais rien n’avait vraiment commencé. Quand je suis revenu 15 ans plus tard, les tours étaient là. De la même manière, l’élargissement des grands axes à l’intérieur de Hô Chi Minh-ville était en cours. La circulation est beaucoup plus fluide et l’impression générale est celle d’une ville beaucoup plus moderne.

À Hanoï, il s’est produit le même phénomène, de manière sans doute un peu différente, parce que les quartiers nouveaux et les tours se construisent à l’extérieur et non dans le centre-ville historique qui a donc été préservé. C’est ce dont je me réjouis parce que j’aime beaucoup le centre-ville d’Hanoï.

On dit toujours que selon qu’on est arrivé à Hanoï ou à Hô Chi Minh-ville, on a une vision qui est marquée pour toujours. Moi, c’est Hanoï, je suis Hanoïen. Ce que j’aime à Hanoï, c’est la beauté de la ville, tous les souvenirs qu’elle me rappelle et cette atmosphère culturelle, poétique très particulière... À Hô Chi Minh-ville, ce qui est amusant, c’est qu’on travaille de manière très ludique. C’est une sorte de grande compétition économique, presque égotique. Il y a aussi une manière de s’amuser assez spécifique. D’ailleurs, quand on prend l’avion de Hanoï à Hô Chi Minh-ville le weekend, on voit qu’il y a des familles entières qui y vont s’amuser, voir des amis, fêter un anniversaire ou retrouver des bandes de copains. C’est une ambiance un peu extravertie.

J’aime bien travailler et m’amuser à Saigon, mais je préférerais, par exemple, toujours passer le Têt ou le weekend ici à Hanoï. J’aime beaucoup l’histoire et la tradition et la longue mémoire des pierres et des personnes. Et donc, je me sens à l’aise dans les vieilles villes, partout dans le monde. Mais à mon avis, c’est Hanoï qui a gardé le mieux cette atmosphère du passé, mieux que toute autre ville au Vietnam. Hô Chi Minh-ville, elle, est la ville qui s’amuse le plus à se projeter dans le futur.

Mon travail et mon plaisir consistent à trouver beaucoup de points communs ou de points de convergence entre la France et le Vietnam et à travailler à les renforcer ou à partir de ces points de convergence, à faire des projets de coopération. Nos deux pays partagent le goût des beaux bâtiments et des beaux jardins. Dans votre histoire, il y a des citadelles, des palais, des temples, des pagodes architecturalement très beaux, et aussi de très beaux jardins. Nous avons ce même goût. La préservation de ce patrimoine est naturellement un domaine de coopération et tout ce qui est patrimonial nous intéresse.

Je veux mentionner une chose qui relève aussi de la période française à laquelle je tiens beaucoup, c’est le pont Long Biên. C’est un ouvrage industriel en métal qui travaille encore aujourd’hui, puisque le train, les motos et les piétons passent dessus. C’est aussi un objet culturel qui relève d’une époque et d’une technologie ancienne. Il est devenu un symbole politique de la résilience de Hanoï, parce qu’il a tenu sous les bombardements. Soyez conscients qu’il vous renvoie à une période où tout le monde regardait le Vietnam et était admiratif de la capacité du Vietnam à tenir. Donc, ce pont, à lui seul, représente tout ça. C’est aussi le tout premier pont qui traverse le fleuve Rouge. Je pense que sa préservation, à long terme, est quelque chose d’extrêmement important.

J’ai dit au président de la République: «J’espère que le pont Long Biên restera aussi longtemps le symbole de Hanoï que la tour Eiffel qui est le symbole de Paris». En effet, la tour Eiffel est devenue le symbole de Paris alors qu’elle n’a que 120 ans. Et le pont Long Biên, c’est la même chose. Avec le lac Hoàn Kiêm, c’est le symbole universellement connu de Hanoï dans le monde. Il a donc une grande valeur patrimoniale, sentimentale et historique.

VOV: Après le Vietnam, avez-vous déjà un autre projet ?

Nicolas Warnery: Je suis affecté pour les 3-4 ans qui viennent ambassadeur à Bucarest. Pour des raisons personnelles et familiales, je suis content de retrouver l’Europe pour rester assez près de ma famille.

La fin de la mission est toujours un moment nostalgique. C’est le moment où l’on va dire au revoir. En ce moment, je rencontre les autorités de l’État à qui j’ai rendu une visite d’au revoir et de courtoisie pour les remercier de tout ce qu’elles avaient pu faire et tout ce que nous avions pu faire ensemble. Je vois aussi certains ministres avec lesquels nous avons des projets en cours que je ne peux malheureusement pas faire aboutir, mais pour lesquels, je «lègue» à mon successeur le soin d’aboutir avec eux. Je vais voir aussi le comité populaire de Hanoï avec lequel nous avons beaucoup de projets de coopération dans tous les domaines. Ce sont des moments émouvants mais j’espère aussi utiles pour préparer la suite!

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