(VOVWORLD) - À l’occasion de la visite en France du secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Tô Lâm, la France et le Vietnam ont renforcé leur partenariat stratégique. Les deux nations ont décidé d’unir leurs forces sur un sujet clé: les minerais et métaux stratégiques. C’est dans cette optique que Benjamin Gallezot, délégué interministériel français aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, s’est rendu au Vietnam en janvier pour une visite de travail. Il a bien voulu nous exposer les priorités de la coopération franco-vietnamienne dans ce secteur clé.
Benjamin Gallezot (gauche), délégué interministériel français aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, avec le vice-Premier ministre vietnamien Trân Hông Hà. Photo: TTXVN |
Ces matériaux sont essentiels non seulement pour l’industrie en général, mais aussi pour le développement de l’économie décarbonée, des énergies renouvelables et plus généralement pour la transition énergétique. C’est un sujet très important pour le développement industriel de la France et du Vietnam, mais c’est aussi un projet très important pour la planète parce que pour pouvoir réaliser la transition énergétique, nous allons devoir nous passer de pétrole et de gaz. Mais en revanche, nous aurons besoin de ces métaux pour construire les lignes électriques, les panneaux solaires, les batteries pour les véhicules électriques… C’est un sujet stratégique. C’est pourquoi les deux pays ont considéré qu'il était important de travailler ensemble dans ce domaine. La France a fait du développement de cette coopération avec le Vietnam, l’une de ses priorités. C’est d’ailleurs la raison de ma visite...
VOVWorld: Quels sont les objectifs partagés entre la France et le Vietnam concernant l’exploitation des métaux stratégiques?
Exploiter ces métaux, ça ne se résume pas simplement à des activités minières. Ce sont aussi des activités en aval, de transformation métallurgique. Il y a toute une chaîne de valeurs ajoutées… Il faut notamment s'assurer que les méthodes qui sont appliquées pour l'extraction et la transformation de ces métaux soient respectueuses de l'environnement. Mais il faut aussi prendre en considération la souveraineté des différents pays, celle du Vietnam, en l’occurrence, dans l'exploitation de ses ressources, mais aussi celle de la France dans la sécurisation de ses approvisionnements. Et dans ces relations franco-vietnamiennes, il y a un accord pour que chacune des deux parties respecte bien la souveraineté de l’autre.
VOVWorld: Quels sont les principaux axes de coopération entre la France et le Vietnam en matière de gestion des ressources minérales et des métaux stratégiques?
Il y a d’abord les coopérations entre les gouvernements et notamment leurs services géologiques ou instituts de formation ou instituts techniques. Il y a un historique de coopération entre la France et le Vietnam dans ce domaine-là, mais l'ambition est d'aller beaucoup plus loin et de pouvoir appliquer les meilleures techniques d'exploration qui ont beaucoup évolué ces dernières années avec la géophysique, avec la géochimie, avec l'intelligence artificielle, avec le traitement des données... Mais il y a également la formation, c'est quelque chose qui a été demandé très fortement par la partie vietnamienne... Et nous avons en France des écoles d'ingénieurs dans ce domaine-là, extrêmement réputées, qui sont parmi les meilleures de l'Europe, comme l'école nationale supérieure de géologie de Nancy ou l'école des mines de Paris, qui sont connues mondialement. Il faut aussi parler de la coopération sur les normes en matière de durabilité, et de la coopération administrative sur la manière dont sont gérées les ressources minières. C’est vraiment très important parce que c’est sur ce socle solide de travail des administrations que l'on peut développer la coopération industrielle. Une coopération industrielle avec un double intérêt de part et d'autre, un intérêt du côté des entreprises vietnamiennes de développer des ressources nouvelles et de développer des chaînes de valeur. Et puis du côté français, il y a d'une part les apports que les industriels peuvent apporter en termes de technologie et puis aussi la possibilité de sécuriser nos approvisionnements.
VOVWorld: Comment la France prévoit-elle de collaborer avec le Vietnam pour renforcer son expertise dans l'exploitation des terres rares et fans les techniques d'exploration minière?
La formation peut concerner des spécialistes vietnamiens qui viennent se former en France, par exemple pour un master ou un doctorat, et qui, une fois diplômés, sont intégrés dans les services géologiques du Vietnam. C'est l'une des demandes formulées par le Vietnam. Mais il s'agit également de cadres plus expérimentés qui viennent se former à Orléans, ce qui constitue un autre exemple. Nous avons travaillé sur les techniques d'exploration qui ont beaucoup évolué. Dans le domaine industriel, il y a clairement une compétence française très forte sur les terres rares. C'est un domaine dans lequel les entreprises françaises ont une expertise particulière, non seulement en Europe mais aussi dans le monde, avec des installations industrielles et une connaissance des meilleures méthodes pour traiter ces minerais qui sont extrêmement complexes. Ce n'est pas le seul sujet que nous envisageons comme coopération mais c'est très prometteur si j’en juge par les éléments dont j'ai pu discuter pendant cette visite.
VOVWorld: Et comment évaluez-vous du potentiel de coopération entre le Vietnam et la France dans ce domaine?
Alors je pense qu'il est très important, et pour deux raisons, d'abord parce que tout indique que le Vietnam dispose de ressources importantes. Ça a un intérêt en soi pour le Vietnam, et plus largement pour tous les partenaires du Vietnam que ces ressources puissent être utilisées, parce qu'une ressource géologique qui reste sous terre, c'est intéressant mais ça ne bénéficie pas à l'économie. Et bien sûr tout ça - je le répète - en respectant les meilleures méthodes de développement durable... La deuxième raison, c'est qu’il y a une expertise importante au Vietnam et en France et donc quand on a cette expertise là on peut capitaliser sur une bonne coopération. Et la troisième qui est évidemment majeure, c'est la volonté politique partagée et le partenariat stratégique entre nos deux pays et à partir du moment où il y a une volonté commune de travailler sur ce type de sujet. Je suis très confiant quant au fait que l'ensemble des acteurs, qu'ils soient étatiques ou industriels, sauront s'appuyer finalement sur cette entente stratégique entre la France et le Vietnam. Et donc, je suis très optimiste. Nous voulons travailler sur le long terme. Nous sommes là dans un domaine qui nécessite des investissements de très longue durée où il faut construire solidement et durablement.
VOVWorld: Selon vous, quels sont les défis auxquels les deux pays devraient se confronter en matière de gestion de ces ressources?
Le premier défi réside dans la connaissance des ressources, car, par définition, il est très difficile de savoir ce qu'il y a dans le sous-sol, surtout pour les métaux dont les conditions de formation sont complexes. Ainsi, la priorité est l'exploration, et c'est pourquoi nous travaillons ensemble pour mieux connaître le sous-sol. Cette problématique concerne tous les pays. En France, nous avons relancé un programme d'exploration de grande envergure, car les nouvelles techniques nous permettent désormais d'accéder non seulement à ce qui se passe en surface, mais aussi en profondeur. Le deuxième défi est l'exploitation durable. Il est essentiel d'exploiter les matières premières, et en particulier les terres rares, dans les meilleures conditions environnementales possibles. Cela est nécessaire pour protéger l'environnement, et pour respecter les droits de ces populations, ce qui est une volonté commune. C’est aussi indispensable pour pouvoir utiliser ces ressources dans le monde actuel, où les clients exigent de connaître l'origine des matières premières et où les réglementations, y compris au sein de l'Union européenne, deviennent de plus en plus strictes. Pour garantir l'acceptation des clients, il est crucial de bâtir une confiance dans le développement durable. Le troisième défi concerne évidemment la compétitivité économique. L’extraction et l’utilisation efficace des ressources ne sont possibles que si elles sont économiquement compétitives, c’est-à-dire de bonne qualité.
VOVWorld: Comment la France prévoit-elle de financer et d’organiser des projets de coopération avec le Vietnam?
Nous n'avons pas encore élaboré les conditions financières mais nous avons des outils qui permettent d’aider les entreprises ou de soutenir des programmes de coopérations gouvernementales. Par exemple, l’Agence française de développement est très présente, ici au Vietnam, et elle peut soutenir des programmes. Et puis pour les projets plus industriels nécessitant des investissements plus importants, nous avons aussi des outils financiers de soutien, des garanties financières, qui permettent d’aider aux projets industriels. Notre priorité reste d’établir une feuille de route très rapidement avec des actions concrètes, ce qui correspond à la volonté partagée que nous avons avec les autorités vietnamiennes. Quant à l’organisation et au financement de ces initiatives, nous utiliserons les instruments classiques de la coopération. comme il y a eu beaucoup de projets franco-vietnamien déjà menés dans d'autres domaines, nous avons une véritable boîte à outils pour soutenir ces projets.
VOVWorld: Merci, Monsieur, pour cet entretien.