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Un extrait du film
Photo: vnexpress |
Le film commence par un rappel des faits : à la fin des années 1990, le sida a commencé à toucher les régions les plus reculées du Vietnam. Il s’est propagé rapidement au sein d’une communauté de toxicomanes, qui utilisaient les mêmes aiguilles. Plusieurs d’entre eux sont morts, laissant une femme, elle-aussi infectée.
« J’avais le zona, j’avais très mal. Je m’évanouissais de temps en temps. Personne dans le village ne m’approchait. Les gens disaient à ma mère de me laisser crever lorsqu’elle allait me chercher des médicaments. Elle était furieuse. Elle leur disait qu’elle resterait à mes côtés jusqu’à la fin de mes jours. »
Vous venez d’entendre un extrait du film. La narratrice, Lo Thi Tuong, est une Thai vivant dans un village montagneux à Dien Bien. Née en 1990, Tuong a déjà perdu son premier mari et deux de ses enfants. Sa séroposivité est un héritage de son mari. Mais comme toutes les femmes Thai de Dien Bien, Tuong est la principale travailleuse de la famille. Phuong Thao, la réalisatrice du film :
« Tuong ressemble aux autres femmes dans son village. Elle n’a pas suffisamment de rizières pour cultiver du riz, et ne peut pas cultiver d’autres plantes que du manioc. Chaque jour elle doit donc marcher plus de trois kilomètres pour exploiter du bois, porter des fagots de quarantaine de kilos que je n’arrive pas à enlever. »
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La et Tuong, les deux protagonistes du film
Photo: vnexpress |
Egalement séropositive, Lo Thi La, le deuxième protagoniste, vit une existence moins précaire que celle de Tuong, tout en restant confrontée à la même discrimination.
« Mon mari était toxicomane et il m’a contaminée. Au début je ne savais pas ce qu’était le sida. Je savais seulement que c’était synonyme de mort. Je me suis isolée par peur des autres. La discrimination était violente, personne ne voulait se mettre à côté de moi à table. Tout le monde disait que j’allais bientôt mourir. Même ma mère pensait que j’allais mourir. Elle a nourri un cochon pour mes funérailles, comme le veut la tradition...”
Contredisant les prévisions « des autres », La et Tuong s’entêtent à vivre, en bonne santé, bien que séropositives depuis dix ans. La travaille d’ailleurs comme consultante. Son rôle: Aider d’autres femmes séropositives comme elle à mieux appréhender leur maladie. Avec Tuong, elle fait partie de « Tournesol », un groupe de plus d’une centaine de femmes séropositives qui s’entraident.
« C’est vraiment fatigant, d’aller au rendez-vous à vélo. Mais la joie de rencontrer les autres me fait tout oublier. C’est ma deuxième famille. »
« Nous nous rencontrons toutes les deux semaines, le dimanche. Nous sommes si nombreuses qu’il nous faut nous diviser en deux groupes. Nous parlons de tout: des hauts, des bas, de notre santé, de notre quotidien... »
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La, Tuong avec les réalisateurs Tran Phuong Thao et Swann Dubus
Photo: vnexpress |
Maintenant que tout le monde sait que je suis séropositive, je n’ai plus peur, nous a confié Tuong. La seule chose dont elle ait peur, c’est que ses deux enfants restant soient l’objet de moqueries ou de discrimination. Quant à La, qui est parfaitement consciente de son état, elle estime qu’il y a des autres maladies qui sont plus graves que le sida. Les regards des autres, pour elles, sont plus mortels. Mais heureusement, les choses changent peu à peu... Phuong Thao et Swann Dubus:
“La dernière fois, quand j’étais à Cao Bang, je lavais le linge avec une femme séropositive, et moi je voulais montrer que je n’avais pas problème de discrimination. Mais en même temps, j’avais quand même peur. J’avais parlé à Swann. Il m’avais dit que j’étais stupide. Les femmes séropositives, surtout dans le groupe Tournesol, elles ont tellement suivi des work-shops, elles sont devenues des experts dans la matière. Et s’il y avait quelque chose qui cloche, jamais elle ne m’aurait laissé faire. C’est toujours ces femmes là qui nous protègent. J’avais entièrement confiance.”
“C’est juste ce que La nous a raconté, qu’il y a quelques années, si elle allait manger chez quelqu’un, les gens caissaient le bol, jetaient les baguettes. On ne voulait pas s’assesoir à côté d’elle, ne voulait pas la serrer la main, personne ne voulait l’approcher. Et aujourd’hui, elle a une vie sociale normale. Tout le monde sait qu’elle est séropositive.”
“C’est vrai quand les gens voient que les séropositifs vivent en bonne santé, c’est la meilleure communication.”
Souvent, nous avons peur des choses que nous ne connaissons pas. Mais ce courage dont font preuve ces femmes au quotidien fait reculer les barrières de l’ignorance et nous amène à changer de regard.