Une « french ceramist »…

(VOVWORLD) - La page Francophonie vous invite cette semaine à rencontrer Chris Pelletier, une céramiste de la génération Y vivant à Hanoi, plus connue sous son nom d’artiste: Thi.bli. A son premier séjour dans la capitale vietnamienne lors d’un stage de laque, la jeune française s’est découvert un intérêt pour la céramique et a alors décidé d’y retourner. Après des mois passés à faire la navette entre son logement, dans le quartier de Tay Ho, et Bat Trang, Thi.bli a présenté, samedi 10 juin  à VUI studio, sa première collection intitulée «Hai-Tam». 
Une « french ceramist »… - ảnh 1Thi.bli en pleine création. Photo: E.K

Thi.bli: J’ai découvert Hanoi il y a quatre ans. Le laqueur chez qui je faisais un stage m’a emmenée un jour à Bat Trang. Entre deux verres d’alcool de riz chez un de ses amis, on s’est baladé dans le village où il y avait beaucoup de boutiques, toutes les céramiques se ressemblaient. Mais j’ai repéré quelques tasses identiques à celles dans lesquelles je buvais et je mangeais chez mon laqueur. A partir de ce moment-là, j’ai développé une envie de m’entourer moi aussi de belles céramiques que j’utiliserai dans mon quotidien. En rentrant en France, j’ai vu que les prix étaient exorbitants pour une simple étudiantes, et je me suis alors dit : «si c’est aussi cher, tu n’as qu’à apprendre à les faire toi-même». Et c’est comme ça que j’ai postulé pour faire des études de céramique pour y être finalement acceptée.

VOV5: Et pourquoi cette décision de retourner à Hanoi?

Thi.bli: Je suis vraiment tombée amoureuse des gens, de leur façon de vivre, de leur façon d’être solidaires les uns envers les autres. C’est vraiment quelque chose qui m’a beaucoup touchée. Quand je suis revenue en France, j’avais juste l’envie de retrouver cette capitale.

Une « french ceramist »… - ảnh 2 Photo: E.K 

VOV5: Comment caractérisez-vous votre style?

Thi.bli: J’ai beaucoup d’intérêt pour les formes organiques, pour ce qui évoque une idée de prolifération, quelque chose de mouvant et d’émouvant ... J’aime beaucoup travailler avec les textures. Quand on touche mes pièces, on a quelque chose à toucher, il y a une sensation par des gravures ou des textures de terre ou d’émail. Par conséquent je porte un intérêt sur le travail de ressenti. Je veux que les gens ressentent quelque chose quand ils touchent mes pièces.

Une « french ceramist »… - ảnh 3 Photo: Thi.bli

VOV5: Que pensez-vous de la céramique de Bat Trang?

Thi.bli: La céramique de Bat Trang a beaucoup évolué dans le temps, comme beaucoup de choses. En ce moment, ce que je vois autour de moi, ce sont des boutiques qui vendent beaucoup de céramiques faites grâce à des moules. Le travail à la main passe uniquement à travers des décors. Et encore parfois, ce n’est vraiment plus le décor à la main, ils utilisent un système d’impression avec papier. Durant mes études, j’ai vraiment appris le travail avec le tour, c'est-à-dire à modeler la terre avec les mains sur un plateau qui tourne et non pas en versant la terre liquide dans des moules. Du coup les pièces qui sortent sont beaucoup plus personnelles, ce sont vraiment des pièces uniques, j’y ai intégré ma main. A Bat Trang, j’ai pu voir encore quelques artistes qui travaillent sans moule, avec un tour, avec des décors au pinceau … je trouve juste dommage que ce ne soit pas assez répandu …

Une « french ceramist »… - ảnh 4 Photo: E.K 

VOV5: Vous considérez-vous comme artisane ou artiste ?

Thi.bli: Je me considère plus comme artiste. Même si mon travail en ce moment est plus artisanal : ma touche artistique est moins présente parce que je fais beaucoup de pièces utilitaires. Mais j’essaie quand même d’inclure dans les décors ou dans la recherche de l’émail, des couleurs, quelque chose de plus recherché et donc de plus personnel.  

VOV5: Parlez-nous un peu de votre prochaine collection?

Thi.bli: C’est la collection «Hai-Tam» qui a été pensée par rapport à Vui studio, qui est un espace à la fois très minimaliste et chaleureux. J’aime beaucoup la couleur gris béton qui recouvre toutes les surfaces. Mais tout est réchauffé par la couleur du bois qui est assez naturelle. J’ai donc essayé de faire une collection qui s’accordait au mieux à cet espace. J’ai voulu garder un côté moderne qui se différencie de ce que l’on peut voir à Bat Trang : j’utilise une terre rouge, assez foncée, qui est très peu utilisée au village. Je trouve que la couleur est assez intéressante et beaucoup plus chaude. L’émail que j’utilise, qui normalement ressort bleu, là apparait gris, grâce à la couleur de la terre qui n’est pas blanche.

Une « french ceramist »… - ảnh 5Thi.bli. Photo de Chuoi.vn 

VOV5: Etre céramiste, ce n’est pas facile. Surtout quand on ne sait pas quel sera le résultat...

Thi.bli: Il faut beaucoup de patience… et être assez calme quand on est céramiste. Il y a beaucoup de choses qui sont compliquées. Il faut réussir à rester calme et à accepter l’échec qui peut de toute façon apporter que de l’expérience. On passe beaucoup de temps sur une pièce, et même si elle est parfaite avant la cuisson il se peut que quand on la sort du four, elle soit en mille morceaux. On ne comprend pas toujours pourquoi. C’est très compliqué de garder une pièce intacte jusqu’à la fin. J’ai un souvenir d’une touriste à Bat Trang qui a dit «ah oui, l’émail, c’est vraiment la petite touche finale». J’avais envie de lui dire: «Non. C’est la touche fatale.» C’est tellement aléatoire. Parfois une pièce peut sortir du four, complètement explosée à cause d’un défaut d’émail, de cuisson, de température ou de séchage.

VOV5: Vous rêvez d’avoir votre propre studio à Hanoi…

Thi.bli: Je rentrerai en France pour mettre de l’argent de côté. Tout cela pour revenir à Hanoi et espérer trouver un espace pour y ouvrir mon propre atelier. J’irai acheter mon four à Bat Trang, j’essaierai de définir les dimensions. J’aimerais vraiment être libre, de ne plus dépendre des compagnies, des fours, des vendeurs d’émaux ... Je souhaite pouvoir faire mes propres choix et créations.

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