(VOVWORLD) - Pham Phao est un village de la province de Nam
Dinh, tout ce qu’il y a de plus rural, en tout cas à première vue. Mais si vous
avez l’occasion de vous y rendre, vous serez sans doute surpris d’y entendre résonner
une fanfare. Drôle d’endroit, allez-vous me dire… C’est pourtant bien
ainsi : à Pham Phao, les agriculteurs fabriquent des instruments, et en
jouent.
A Pham Phao, les agriculteurs fabriquent des instruments, et en
jouent - Photo Ngọc
Thành/ vnexpress.net
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Pham Phao … Un village bien tranquille qui doit
son nom aux Pham, qui en ont été les bâtisseurs, et à sa forme qui n’est pas
sans évoquer le canon, canon se traduisant par « phao » en
vietnamien.
Mais Pham Phao, c’est aussi une paroisse. Le
christianisme y a été introduit au début du 16ème siècle et a
profondément marqué la vie des villageois. Témoin l’église qui a été construite
en 1908 et qui, dès le début disposait, d’une fanfare, destinée surtout à
accompagner les offices religieux, mais qui pouvait éventuellement servir en
d’autres occasions.
Au début, les villageois devaient acheter des instruments
importées de l’étranger. Même chose lorsqu’il fallait les réparer : il
fallait alors les retourner à leur pays d’origine. Nguyên Xuân Phat se souvient
encore de cette valeureuse époque.
« Si on remonte à avant 1945, il y avait déjà
une fanfare à Pham Phao, qui accompagnait surtout les offices religieux »,
nous raconte-t-il. « Mais à cette époque, quand il fallait réparer une
trompette, on l’expédiait à l’étranger… C’était toute une histoire ! Alors
on a fini par prendre le problème à bras-le-corps et à apprendre à les
fabriquer nous-mêmes, nos trompettes ».
« Nos trompettes »… A ce stade, il n’est
sans doute pas inutile de préciser que si la trompette est ici l’instrument
roi, les autres instruments de la fanfare, c’est- à-dire essentiellement les
cuivres, sont également concernés.
Nguyên Van Cuong - Photo Ngọc
Thành/ vnexpress.net
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Depuis une bonne dizaine d’années, maintenant, on
remarque un véritable engouement pour les fanfares, notamment dans la province
de Nam Dinh. Du coup, nombreux sont les habitants de Pham Phao qui se sont
reconvertis et qui sont maintenant facteurs d’instruments à vents. Pour
d’autres, c’est une affaire de famille, comme ça l’est pour Nguyên Van Cuong.
« C’est un métier qui se transmet de père en
fils », nous explique-t-il. « Moi, je représente la 4ème
génération d’une famille qui a bâti sa notoriété sur la qualité de son travail.
Chez moi, on a tous la fibre musicale. D’ailleurs, je compte bien que mes
enfants reprendront le flambeau ».
La fibre musicale, c’est vrai, et aussi un solide
coup de main artisanal, avec à l’arrivée des instruments qui sonnent vraiment
bien, pour le plus grand bonheur des musiciens, et plus particulièrement de Quyên
Van Minh, un jazzman qu’on ne présente plus, dont Nguyên Van Cuong est le
facteur attitré, et ce depuis une bonne trentaine d’années.
« Je connais Nguyên Van Cuong depuis plusieurs
dizaines d’années. Je lui fais une totale confiance. C’est bien qu’il y ait des
gens comme lui qui fabriquent des cuivres à la vietnamienne», nous dit-il.
À Pham Phao, on ne compte pas moins de 1.500 personnes
qui possèdent des compétences en musique. Beaucoup jouent d’un instrument, bien
sûr. Il y a même 7 jeunes qui sont des musiciens diplômés, mais à Pham Phao, la
différence entre amateurs et professionnels importe bien peu : il s’agit
de jouer avec cœur. C’est peu mais c’est beaucoup…
« Une
nation s’éteint quand elle ne réagit plus aux fanfares ; la décadence est
la mort de la trompette. » écrivait Emil Cioran… qu’un séjour à Pham Phao
aurait certainement rasséréné.