(VOVWORLD) - Lancé en 2014 par Batik international en collaboration avec le Gret, le projet «Phu nu» («femmes» en français) profite à des milliers de femmes de la zone industrielle de Khai Quang, dans la province de Vinh Phuc. Les actions menées dans le cadre du projet favorisent leur insertion sociale et améliorent leurs conditions de vie.
Nous voici devant la chambre de Nguyên
Thi Nhung, une ouvrière d’une société sud-coréenne implantée dans la zone industrielle de Khai Quang. Nhung partage cette chambre d’environ 8 mètres carrés avec une autre ouvrière depuis deux ans. Et des chambres de ce type, il y en a une bonne vingtaine dans le bâtiment où nous nous trouvons. Toutes disposent d’un robinet situé à l’extérieur, ce qui permet aux locataires de faire la cuisine ou de laver le linge à la main. Mais grâce au projet « phu nu », Nhung peut désormais avoir accès à l’eau propre, ce qui, pour elle comme pour toutes ses consoeurs, est une nouveauté plus qu’appréciable.
«Grâces aux subventions qui lui ont été accordées dans le cadre du projet « phu nu », la propriétaire a construit un système de filtrage d’eau», nous raconte-t-elle. «Avant, on était toutes assez inquiètes parce qu’en zone industrielle, l’eau est souvent polluée.»
Construire un système de filtrage d’eau, réhabiliter des toilettes, réparer un toit, construire une maison communautaire… Autant de travaux qui ont été rendus possibles par « phu nu », dont l’un des principaux objectifs est de donner des conditions de vie décentes aux ouvrières. Une somme de 8 ou 10 millions de dôngs a ainsi été accordée aux 15 propriétaires du quartier de Khai Quang. En échange, ceux-ci se sont engagés à ne pas augmenter les loyers et à favoriser la création d’un club de femmes. Mais si elle est bien évidemment très importante, l’amélioration des conditions de vie n’est pas l’unique but que poursuivent les concepteurs du projet « phu nu », parmi lesquels Julien William, qui a bien voulu nous en parler.
«L’objectif, c’est d’abord de sensibiliser les femmes à leurs droits, que ce soit les droits en matière de travail, d’accès à la sécurité sociale, d’accès à l’éducation ou d’accès à la santé», nous explique-t-il. «Ça se fait par le biais des clubs qui se réunissent tous les quatre ou six semaines pour discuter de ces sujets et recevoir des formations dispensées par des personnes émanant de l’autorité locale ou de différents services de la province. Ensuite, l’objectif, c’est bien sûr d’améliorer leurs conditions de vie et de travail par le biais de travaux au sein des logements mais aussi par le biais d’une sensibilisation aux questions de droits des femmes, d’égalité, ce qui nous tient beaucoup à cœur, à Batik, où on est spécialisé sur ces questions-là. Alors ça, ça passe par de la concertation et des discussions entre les femmes et les autorités locales parce que notre objectif final c’est que ces femmes aient la capacité de dire ‘Bon, on a des idées, on a des envies, on a des conceptions dont on aimerait discuter’ et que de leur côté, les autorités locales puissent voir que les avis de ces femmes-là sont importants.»
L’ambassadeur de France au Vietnam Bertrand Lortholary (à gauche) et Julien William (à droite) lors d’une visite sur place
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Les réunions périodiques du club de femmes se tiennent souvent le soir. Aujourd’hui, les femmes viennent plus nombreuses car un responsable de la Fédération du Travail de la province va venir leur parler de l’assurance sociale, un sujet qui les concerne toutes. Luu Thi Nam, une membre très active du club:
«Avant, on n’était très peu au fait de nos droits en matière de travail et de santé», nous dit Luu Thi Nam, une membre très active. «Grâce aux explications qui nous sont données ici, on est mieux au courant. Pareil pour tout ce qui concerne la nutrition ou encore la santé reproductive. Ça nous permet de mieux contrôler notre vie et le cas échéant de faire valoir nos droits auprès de nos employeurs.»
Vu Thi Thu Hoa est la vice-présidente de l’antenne provinciale de l’Union des femmes, et à ce titre, partenaire du projet «Phu nu» qu’elle soutient chaleureusement.
«C’est vrai que toutes ces femmes ont besoin de savoir ce que sont leurs droits, mais elles ont aussi besoin d’échanger, de sortir de leur train-train quotidien, et c’est aussi à ça que servent toutes ces réunions. Ça va du reste dans le sens de ce que prône l’Union des femmes de la province qui a toujours cherché à établir le dialogue entre les ouvrières et les autorités locales et entre celles-ci et leurs employeurs.», nous indique-t-elle.
En seulement trois ans, près de 200 rencontres de ce genre ont été organisées par les 15 clubs de femmes du quartier de Khai Quang. Trois ateliers de formations sur la gestion ont en outre été dispensés à une trentaine de femmes susceptibles de mener elles-mêmes des projets dans le futur.
Mais le projet «Phu nu» entre maintenant dans sa deuxième phase, avec un maître mot : «autonomie». Julien William:
«Notre objectif est surtout de permettre une certaine autonomisation des clubs de femmes», nous confie Julien William. «Mais pour que ce projet soit pérennisé dans les zones industrielles autour de Hanoi, forcément, les femmes doivent mettre en place des projets par elles-mêmes, mener des combats par elles-mêmes en collaboration avec les différentes institutions. On va notamment travailler pour autonomiser les femmes leaders pour qu’elles puissent mener des actions de formation et de sensibilisation avec un autre soutien extérieur.»
La deuxième phase du projet devrait donc débuter dès avril 2018. Mais il faut savoir que «Phu nu» a également été mis en oeuvre dans les zones industrielles de Nam Sach, dans la province de Hai Duong (Nord).
Le Projet «Phu Nu», première phase, a été mis en oeuvre entre 2014 et 2017 dans les provinces de Vinh Phuc et Hai Duong par Batik international et le Gret. Le projet a bénéficié d’un financement de 490.000 euros en provenance de l’Agence française de développement, de l’Oxfam belge et des fonds CCFD-Terre solidaire, CG93, Juristes-Solidarités et FIND.