Anne Nguyen : des arts martiaux au hip-hop

(VOVworld) - Anne Nguyen est une grande b-girl, de renommée internationale. Breakeuse, interprète et chorégraphe française d’origine vietnamienne, elle est venue le mois dernier au Vietnam pour présenter son spectacle « Autarcie (....) » et animer des ateliers de danse. Déjà auréolée de nombreux prix, elle revient pour nous sur ses débuts dans l’univers de la danse.

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Photo : compagnieparterre.com

Anne Nguyen : C’était en 2000 que j’ai commencé à danser. Quand j’étais plus jeune, je ne faisais pas du tout de danse. Parce que j’étais un peu timide. Par contre, je faisais des arts martiaux. Et quand j’ai découvert le hip hop et le break, j’avais l’impression que c’était presque des arts martiaux. Et ça m’a attiré. Je me suis dit « tiens, c’est vraiment une danse où je me sentirais à l’aise ». Mais le problème c’est que, je ne connaissais personne qui en faisait, alors, j’ai mis un long temps à commencer à en faire, parce qu’à l’époque, il avait moins de gens qu’aujourd’hui qui en faisaient. C’est pendant des études à Montréal que j’ai rencontré des danseuses qui faisaient du break dans un cours de capoiera, un art martial. Et du coup j’ai commencé à danser avec elles. Depuis, après que je suis rentrée en France, je continue à danser le break.

VOVworld : Comment les arts martiaux influencent votre danse ?

Anne Nguyen : Déjà les arts martiaux m’inspirent, parce qu’il y a des formes de corps où on joue beaucoup avec la souplesse, la rapidité, la fluidité des mouvements, les qualités de corps, être léger, être silencieux, être invisible… tout ça, c’est mon imaginaire des arts martiaux. Ça a influencé ma manière de danser. Quand on danse le hip hop, on se met dans un personnage. Je me mets toujours dans un personnage un peu comme un ninja, j’essaie de ne pas faire de bruit… Et puis, de toute façon, les arts martiaux ont influencé la danse hip-hop dans son ensemble, parce qu’à l’époque où elle a été créée aux Etats-Unis, on regarde beaucoup de films de kungfu au cinéma, et il y a des mouvements qui viennent vraiment des films de kungfu.

VOVworld : Vous êtes breakeuse, mais vous pratiquez d’autres styles de hip-hop et vous écrivez même des livres…

Anne Nguyen : En fait, quand j’ai commencé la danse hip-hop, j’ai pratiqué beaucoup de styles, dont les cinq principaux sont : le break, le popping, le locking, le hip-hop new style et la house dance. Au bout de deux ans environ, j’ai décidé d’arrêter les autres styles pour me consacrer uniquement au break, parce que c’est vraiment ce qui me correspond le plus. Chacun de ces styles est vraiment très différent. Chacun de ces styles, c’est une manière de bouger, une musique différente, une énergie différente. Donc c’est difficile, je trouve, de faire tous les styles. Souvent quand on fait du break, on ne fait que du break, c’est très particulier et c’est très déjà fatiguant pour le corps. Les autres styles demandent d’autres muscles, une autre manière de bouger avec plus de relâchement par exemple.

Et j’ai écrit des poèmes, sur la danse. C’est comme des petits textes en prose poétique qui décrivent comment je me sens quand je danse, par rapport à une chose que je fais. Par exemple je parle de moi et le poids vers le sol, en rapport avec le béton, l’environnement… J’écris une quarantaine de petits textes comme ça, avec lesquels j’ai fait un recueil, mais pour le moment il est publié uniquement dans un magazine, et je pense que bientôt je vais sortir le livre. J’ai écrit aussi pas mal de reportages sur la danse, et parfois des petits articles. Mais je n’écris que sur la danse hip-hop.

VOVworld : Et vous avez inventé un style dit « looping pop » ?

Anne Nguyen : Ah oui. Je travaille beaucoup pour mettre les danseurs en contact, faire des duos où ils se touchent, les corps se penchent l’un sur l’autre. Ça vient des arts martiaux, parce que dans le hip-hop, on est tout seul, on est souvent dans son cercle, alors que en arts martiaux, soit on imagine un adversaire, soit on en a un. Donc j’ai imaginé de créer une danse de couple en hip hop. On a pris les bases de la danse popping et puis on a donné des contraintes, qu’il faut se tenir les mains ou être face à face… Et on a décidé d’appeler ça le looping pop, comme ça vient du popping, c’est pop, et puis looping, c’est la boucle, parce qu’on est en boucle avec un autre danseur. On essaie d’apprendre ça, un petit peu, aux danseurs hip-hop en France.

VOVworld : On voyait le hip-hop comme une danse masculine et plutôt de rue. Reste-il encore des discriminations de nos jours ?

Anne Nguyen : Je trouve que ça a beaucoup changé. Au début, les premiers danseurs étaient presque tous des garçons. J’ai commencé en 2000 et les choses étaient déjà différentes. Il y avait déjà plus de filles. Mais c’était plutôt un groupe avec seulement une fille, un peu comme la mascotte. Et on était un peu mis en compétition. Aujourd’hui c’est vraiment différent. Il y a internet, les gens se déplacent beaucoup plus facilement. Il y a plus de mélanges et plus de filles. Je trouve que le hip-hop, ce n’est vraiment pas un milieu où il y a de discrimination parce que, par exemple, la danse classique, on fait des auditions, il faut faire telle taille, tel poids, être souple, alors qu’en hip-hop, on peut être petit, gros, pas souple du tout, on peut même parfois être handicapé, ce sont tous les gens différents qui vont faire de leurs différences une force. Dans le hip-hop, il faut vraiment trouver sa propre personnalité, même si on a appris des mouvements des autres. Etre une fille, ça peut aider aussi. Le hip-hop, je trouve que c’est un milieu vraiment universel. Quand on va dans d’autres pays et rencontre des danseurs hip-hop, tout de suite on peut se lier d’amitié et c’est comme un aspect de fraternité. C’est super !

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