Histoire de trois femmes de soldats morts pour la Patrie à Y Yên, Nam Dinh

La guerre est terminée il y a 37 ans, mais des milliers de femmes vietnamiennes vivent toujours dans le tourment : elles ne peuvent toujours pas   faire enterrer les ossements de leurs maris. Dans la commune de Yen Loc, une commune du district d’Y Yen, dans la province septentrionale de Nam Dinh, trois femmes de soldats morts pour la Patrie s’occupent quotidiennement et silencieusement des tombes du cimetière des morts pour la Patrie de la commune, afin de soulager leur tourment et dans l’espoir que les tombes de leurs maris, si elles existent, soient aussi bien soignées.




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Tous les jours, Nguyen Thi He, Nguyen Thi Hot et Nguyen Thi Nghia quittent leurs maisons dès potron-minet pour le cimetière de la commune. Comme d’habitude, avant de partir, elles brûlent des bâtonnets d’encens sur l’autel à la mémoire de leurs maris. C’est un rituel quotidien, mais à chaque fois que leurs regards croisent ceux de leurs chers défunts, leurs cœurs se tordent de douleur.   

Ces trois femmes qui partagent une même douleur commencent la journée en allant balayer le cimetière de la commune. Ça leur fait chaud au cœur de pouvoir chaque jour brûler elles-mêmes des bâtonnets d’encens sur les tombes des morts pour la Patrie. Au fond d’elles-mêmes, elles ne cessent de se poser ces questions : comment mon mari est-il mort ? Où repose-t-il ? Puis elles se disent : nous nous occupons comme nous pouvons du cimetière de la commune et quelque part ailleurs, d’autres feront de même pour les tombes de nos maris. Essuyant les gouttes de sueurs qui lui perlent au front, Nguyen Thi He nous confie que chaque fois qu’elle se rend ici, son cœur est soulagé. « Nous venons ici pour soigner le cimetière. Puis, nous nous asseyons pour causer un peu avant de rentrer. Quand nous voyons les familles venir brûler des bâtonnets d’encens, nous ne pouvons pas contenir nos larmes. Nous pensons que quelque part, d’autres personnes brûlent également des bâtonnets d’encens sur les tombes de nos maris comme nous le faisons ici. » A-t-elle ajouté.

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Les trois femmes arrachent les mauvaises herbes, taillent les fleurs et nettoient les stèles tout en papotant. Chaque tombe est décorée d’une plante fleurie bien soignée durant toute l’année grâce à ces trois femmes. La voix légèrement étranglée, Nguyen Thi Hot dit que si les personnes dans ces tombes étaient encore en vie, elles auraient sans doute son âge et elles aimeraient aussi décorer leur maison avec des fleurs. Dans le monde d’au-delà, elles seraient sans doute satisfaites de voir ces fleurs sur leur tombe. « Nous cultivons des œillets d’Inde sur les tombes. Elles fleurissent plusieurs fois par an. Au Tet, nous cultivons des plantes d’agrément. Si la tombe de mon mari était là, je la couvrirais de roses, de chrysanthèmes et de lys. » A-t-elle dit.

Les villageois sont très touchés par les gestes de ces trois femmes. Nguyen Thi Khoi, octogénaire, se rend souvent au cimetière pour parler avec elles. Khoi nous fait savoir : « Quand elles balayent, je les aide à brûler des bâtonnets d’encens. Je les encourage dans ce qu’elles font. Je souhaite que les ossements de leurs maris soient ramenés au village pour être plus près d’elles et pour qu’on puisse soigner leurs tombes. »

Chaque fois qu’il passe par le cimetière, Nguyen Van Hai s’y arrête : « Souvent, quand on passe par ici et qu’on voit qu’elles travaillent, on les aide. Elles sont très assidues. Elles brûlent des bâtonnets d’encens sur les tombes. J’étais soldat, moi aussi, mais je suis rentré au village, malgré mes blessures. Eux, leurs maris, ils sont tombés au champ d’honneur. Je viens donc encourager ces femmes et prendre soin des tombes des morts pour la Patrie. »

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Trois femmes, trois destins, mais un même regard plein de conviction, d’espoir et de tristesse. Leurs maris étaient partis au front quand elles avaient à peine vingt ans. Nguyen Thi He n’avait aucun enfant quand son mari est parti. Elle reste seule jusqu’à aujourd’hui, adoptant un fils de son frère pour lui tenir compagnie. Nguyen Thi Nghia s’estime plus heureuse que son amie car elle a deux enfants, bien qu’ils soient tout le temps malades. De son côté, Nguyen Thi Hot vit avec sa fille et la mère de son mari, âgée aujourd’hui de 95 ans. Ces trois partagent un même sentiment : la fidélité.

« Je n’ai jamais songé à me remarier. Mon mari n’est plus là, mais au fond de mon cœur, il est toujours vivant. »

« Je n’ai jamais songé à me remarier. Je reste veuve à élever mes deux enfants malades dans la pauvreté. »

« Moi non plus, je n’ai jamais songé à me remarier. J’ai ma belle-mère âgée et ma fille. J’aime beaucoup ma fille. Je ne veux pas me remarier. »

A cause de la guerre, elles ont passé leur jeunesse dans l’attente de leurs maris. Ces trois femmes d’Y Yen ont attendu pendant plus de 30 ans et elles attendent encore. Elles attendent un miracle ou espèrent retrouver les ossements de leurs maris pour les enterrer au village. Leur destin commun les rapproche. Elles espèrent que l’âme des soldats morts pour la Patrie qui reposent dans ce cimetière aidera celle de leurs maris à retrouver leur famille. Cela fait plus de 30 ans. Les années passent et laissent les rides sur leurs visages. Bien qu’elle l’accepte, Nguyen Thi Hot ne peut s’empêcher de s’apitoyer sur son sort. « Maintenant, la nourriture ne nous manque plus, mais les sentiments nous manquent toujours. Quand un événement survient, c’est difficile quand l’homme n’est pas à la maison. C’est triste de voir les autres régler les choses en couple, tandis que moi, je fais tout toute seule. » A-t-elle déploré.

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Finalement, leur conviction et leur attente sont aussi en quelque sorte récompensées. Nguyen Thi He vient d’apprendre que la tombe de son mari se trouve dans le district de Vinh Hung, de la province de Long An, au Sud. Les larmes coulant abondamment sur le visage marqué par le temps, elle éclate en sanglot :« Finalement, nous pourrons bientôt nous retrouver. Durant des dizaines d’années, nous vivions dans l’attente anxieuse. Parfois, j’ai même espéré qu’il était encore en vie. Le miracle ne s’est pas produit, mais au moins, sa tombe a été retrouvée. »

Nguyen Thi He se réjouit de la nouvelle tout en pensant à ses deux amies. Quand est-ce qu’elles retrouveront les restes de leur mari comme elle ? Elle souhaite que les maris de leurs amies soient bientôt ramenés au cimetière de la commune pour que leurs proches puissent brûler des bâtonnets d’encens de leurs propres mains sur leur tombe.

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