(VOVworld) - Julie Vola aime la photographie, l’histoire et Hanoi. Pour elle, chacun d’entre nous a un lieu spécifique où est gravé un souvenir inoubliable. La photographe marseillaise a passé près de cinq ans à arpenter les rues de la capitale vietnamienne, en photographiant une centaine de personnes sur ce lieu-là, ce lieu qui est un peu leur capitale intime. “Recalling Hanoi” - ainsi s’intitulait son projet photographique - nous propose donc une carte de la ville millénaire, jalonnées de petites histoires.
[Crédit photo]: Julie Vola
VOV5: Comment avez vous trouvé vos personnages?
Julie Vola: J’ai fait des interviews pendant plus de trois ans et demi, voire quatre ans, je demandais à des gens que je connaissais de participer au projet, ou est-ce qu’ils connaissaient quelqu’un qui pourrait être intéressé à participer au projet. Toujours des personnes soit expatriés, soit des Vietnamiens qui parlent anglais, des jeunes gens etc… Etpuis j’ai engagé une assistante, puis une autre, elles ont, à ce moment là, utilisé leur propre réseau de famille et de connaissance. Etpuis au bout de deux ans et demi, je commençais à avoir beaucoup de personnes, et j’ai pu commencer à regarder “oh là là j’ai trop de jeunes gens entre 20 et 30 ans, il faut commencer à interviewer des gens plus de trente ans, puis “oh j’ai trop de jeunes filles de vingt ans, il me faut des jeunes hommes”. Donc après on a commencé à définir les personnes interviewées en essayant d’avoir un éventail d’âge différent, et d’avoir autant de filles que de garçons, de femmes et d’hommes. Et quand l’équilibre est arrivé, j’ai plutôt commencé à penser à des lieux dans Hanoi que j’aimerais photographier et que j’aimerais être présents dans mon projet.
|
|
Par exemple il y a un petit lac entre Hoang Hoa Tham et Doi Can, avec ce qu’on appelle le B52. Et je voulais absolument cet endroit parce que c’est intéressant et peu de monde le connaît en fait. Donc mon assistante a passé un après-midi à prendre du thé chez chaque dame dans le quartier, et à parler avec elle, disant « Voilà je travaille avec une photographe française, est-ce que vous voulez participer au projet? » Et finalement elle a trouvé une dame d’une soixantaine d’année, qui était « Oh mais j’ai toujours habité dans le quartier, j’étais même là le jour où l’avion est tombé, je veux bien participer à votre projet, on peut parler de ce souvenir là ». J’étais trop contente. Du coup, j’étais plus soit sur des lieux spécifiques que je voulais présenter dans le projet, soit des catégories de personnes. Par exemple, les combats de coq, c’est quelque chose très courante au Vietnam. Je n’avais pas d’histoire sur les combats de coq, mais je voulais avoir une représentation du combat de coq, donc mes assistantes ont trouvé quelqu’un qui était champion de combat de coq, et qui a participé au projet.
|
|
VOV5: Qu’avez-vous fait pour amener les personnes que vous avez rencontrées à partager leur histoire avec vous ?
Julie Vola: Comme le travail est toujours le lien entre un souvenir et le lieu où ce souvenir se passe, où l’histoire s’est passée, la meilleure façon pour moi d’amener chaque personne à me parler d’un lieu et du souvenir qu’elles ont par rapport à ce lieu là, était de leur demander “Parlez-moi d’un lieu où vous avez un souvenir, comme ça je peux vraiment être sure que chaque histoire avait un lieu défini, parce que le but du projet est justement de montrer le lien entre des espaces urbains et les souvenirs personnels que nous avons dans la ville. Du coup, il fallait aussi diriger un peu les interviews, pour que les gens puissent avoir aussi la liberté de se souvenir de plein de choses, mais en même temps essayer de localiser dans des espaces spécifiques ces souvenirs-là.
VOV5: Parlez-nous un peu des appareils photo utilisés dans ce projet?
Julie Vola: C’est un projet qui a été complètement photographié en film. J’utilise un appareil 24x36 Canon pour faire photographier les portraits. Et pour photographier les lieux, j’utilise un Holga qui est un appareil photo en plastique, qui vient de Hongkong, et qui fait des photos en format carré, c’est-à-dire un pénicule un peu plus large par rapport à un appareil photo normal.
Je préfère le film au numérique. La qualité matérielle du film je trouvais plus intéressante que le côté très plat du numérique. Ce qui est fantastique avec le Holga, comme c’est un appareil à jouet, sa lentille est en plastique, et ça crée un forme qu’on appelle un effet de tunnel, ou de vignette, les bords de la photo sont plus sombres, qui concentrent le regard du spectateur au centre de l’image. Et ça en fait, c’est une image qui est beaucoup plus proche dans sa forme, qui est proche du regard humain. Une photo en fait quelque part, ce n’est pas du tout la même chose qu’on voit, nous, en tant qu’être humain. Par exemple, maintenant, je suis au centre de votre vision, alors qu’en photographie, l’une des premières choses qu’on vous dit, c’est qu’il faut pas centrer le sujet, il faut la décaler un petit peu pour créer une photo plus dynamique. Résultat, quand on regarde une image, ce n’est pas l’image qu’on voit, nous, en vrai. Donc ce n’est pas la façon dont on a des souvenirs. Et les photos des lieux sont aussi les photos qui représentent aussi des souvenirs. Du coup je trouvais que ça avait beaucoup plus de sens, de travailler en Holga, qui est une image plus proche, une image mémorielle.
|
|
VOV5: Selon vous, qu’est-ce qui catactérise une bonne photo?
Julie Vola: Une bonne photo, ce n’est pas forcément la plus belle des lumières, le plus beau des sujets. C’est une photo qu’on veut prendre du temps à la regarder. Il y a pleines de raisons pourquoi elle est belle, la belle lumière, la belle composition, le sujet est intéressant, mais ça, ce sont des choses factuelles. Une photo qu’on apprécie, on passe le temps devant elle.
VOV5: Merci à vous!
* "A la recherche du temps perdu" - nom d'un roman de Marcel Proust.
* Pour plus de détails sur le travail de Julie Vola, veuillez consulter son site: julievola.com ou le magazine Word Vietnam: wordvietnam.com