(VOVworld) - Eté comme hiver, sous le soleil ou sous la pluie, « qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente », comme le veut l’expression consacrée, il est toujours là, à proximité du temple Bà Kiêu, au bord du lac de l’Epée restituée. Tout le monde le connaît, ici. Il faut dire que ça fait plus de 55 ans que ça dure… « Il », c’est un vieux monsieur, un certain Lê Van Quy, qui peut se targuer d’être le dernier graveur sur stylo de Hanoi.
C’est un matin de la mi-décembre. Une nouvelle vague de froid vient de frapper la capitale. Même ici, au centre de Hanoi, la circulation est anormalement calme. Je ne mets pas longtemps à apercevoir la silhouette familière de celui que je suis venue chercher. Lê Van Quy est toujours là, au pied du banian centenaire, près de la statue monumentale « Prêts à se sacrifier pour la Patrie ». Il me gratifie d’un sourire éclatant en se remémorant ses débuts :
« Je viens ici pour graver sur des stylos depuis 1960. A cette époque, le pays était encore plongé dans la guerre. Tous les jeunes s’enrôlaient. On donnait à chaque nouveau soldat un stylo Truong Son, des enveloppes et du papier pour écrire des lettres. Avant de partir pour le front, beaucoup venaient ici pour me demander de graver des dates sur leurs stylos. Ceux qui venaient de la campagne me demandaient plutôt de leur graver une image de leur village natal. Et après, ces stylos ne les quittaient jamais. ».
Autrefois, Lê Van Quy était cordonnier. Mais, révolution oblige, son commerce n’a pas résisté longtemps à la mode des sandales en caoutchouc taillées dans de vieux pneus. Il a donc dû s’adapter et tenter une reconversion apparemment réussie, contrairement à d’autres qui n’ont pas persévéré dans cette voie de la gravure. Il confie : « Il y a pas mal de gens qui se sont aussi lancé dans la gravure, mais sans y mettre le sérieux qui est nécessaire. On ne peut pas s’enrichir en se contentant de graver de petits quolifichets ! Moi, c’est un travail qui m’intéresse vraiment ! Je suis réellement heureux quand je voie qu’un client apprécie mon travail. De toutes façons, je suis déjà assez âgé, alors, ce n’est pas maintenant que je vais me lancer dans du commerce ! Non, c’est vraiment un beau métier, qui me satisfait pleinement ! »
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Certains jours, Le Van Quy grave des centaines de stylos. Mais il arrive aussi qu’il n’ait aucunn client. Qu’à cela ne tienne ! Il lit des journaux ou s’improvise gardien de motos, sans jamais se départir de cet optimisme serein qui est sans conteste l’un de ses traits de caractère dominants. « Oh, je sais bien que ce n’est pas l’âge d’or, mais j’ai toujours des clients ! Un stylo gravé à la main, ça plaît toujours ! Ça peut faire un petit cadeau ! J’ai des clients qui sont des Vietnamiens vivant à l’étranger et qui sont toujours contents de me retrouver ici. Et puis j’ai aussi des clients étrangers qui apprécient mon travail et qui viennent me voir régulièrement pour que je leur grave de nouvelles images. »
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Les premiers clients arrivent vers midi. Très vite, Lê Van Quy ouvre sa petite boîte à outils, des outils qu’il a fabriqués lui-même. Et il grave, méticuleusement, sans avoir besoin de lunettes. Il faut dire que du haut de ses 76 ans, il garde la forme ! Il pratique toujours le culturisme et peut soulever des haltères de 40-50 kg ! Qui peut en dire autant ?
Il grave, en tout cas, et ça va vite. Souvent, les clients restent là, à le regarder, ébahis…
« C’est la troisième fois que je viens ici, nous confie Ngoc Minh
, M. Quy est très ouvert et sympa. Il est vraiment passionné par tout ce qu’il fait ! Il m’arrive de le recommander à des amis qui veulent avoir des accessoires gravés ! ». Hùng Son éclate son admiration :
« Je lui demande de graver un peigne que je compte offrir à ma copine. Je suis très impressionné par son habileté par la beauté de son écriture. Il s’intéresse non seulement à son produit mais aussi aux clients et aux histoires que racontent les objets. »
Photos : VOV/Hoa Ha |
Et c’est ainsi que Lê Van Quy consacre sa vie à graver, graver encore et toujours, comme s’il voulait laisser une empreinte à son image… « Je resterai en poste autant que possible, jusqu’au jour où je ne pourrais plus me déplacer », m’a-t-il dit. Le plus tard possible, alors !