(VOVworld) - Installé aux Etats-Unis depuis ses 17 ans, Nguyen Qui Duc a su se faire une renommée internationale dans le monde littéraire et journalistique en passant la majeure partie de sa vie très loin de son pays natal. En 2006, à l’âge de 50 ans, il a décidé de poser enfin ses valises au Vietnam. L’homme aux multiples talents est maintenant patron de “Tadioto”, un bar et espace artistique très connu de Hanoi. Doux et modeste, Nguyen Qui Duc nous parle d’abord de ce qu’il a réalisé :
Photo : Julie Vola
Nguyen Qui Duc : J’ai eu l’occasion de faire beaucoup de choses dans ma vie, mais je suis de formation journaliste. J’ai fait du journalisme, j’ai écrit et traduit des bouquins pendant 30 années. Et puis, depuis que je suis rentré au pays, j’ai décidé d’ouvrir un bar et une galerie, comme ça je pourrais rencontrer les gens et promouvoir la culture vietnamienne.
VOVworld : Pourquoi ce retour au Vietnam ? Comme vous le savez, pour beaucoup de gens, une fois à l’étranger, on ne veut plus de cette vie vietnamienne, cette vie orientale...
Nguyen Qui Duc : Il y a beaucoup de gens qui sont à l’étranger, qui se sont installés là-bas et qui sont à l’aise. Mais il y en a d’autres qui ont toujours un désir de retourner, de retrouver le pays. Dans mon cas c’est plutôt de me retrouver, de retrouver le gamin que j’étais avant que j’ai quitté le pays. J’avais 17 ans, donc déjà j’avais une vie ici et j’ai envie de la retrouver. Ce n’est pas facile. J’ai beaucoup changé. Le pays a beaucoup changé aussi. Mais j’ai toujours l’idée de revenir, de découvrir le sens de communauté, la vie dans le pays natale. Et puis j’avais une mère, ma mère était assez malade, et je voulais m’occuper d’elle, et je trouvais qu’ici au Vietnam, c’est plus facile.
Photo : New York Times
VOVworld : Vous avez choisi de vous installer à Hanoi, et pas à Dalat, votre ville natale, ou Ho Chi Minh-ville, où il fait bon vivre…
Nguyen Qui Duc : J’ai vécu dans beaucoup de grandes villes, New York, Londres, San Francisco. Mais Hanoi me convient parce que c’est une ville qui change beaucoup. Il y a beaucoup d’énergie. Il y a toute une jeunesse qui est très différente par rapport à celles que je connaissais. Il y a des changements de températures, de climat, il y a beaucoup d’influences ici, de partout dans le monde. Ici je trouve beaucoup d’amis. Depuis 1989, la première fois que je suis venu à Hanoi, j’ai rencontré beaucoup de gens que j’aime bien. Et c’est une ville assez dynamique, un peu trop comblée maintenant, mais j’ai une maison à la montagne donc je peux faire ma retraite là-haut. J’adore Hanoi, j’adore voir comment le gens essayent d’avoir une vie assez chargée. Dalat a beaucoup changé, là où je suis né, j’y suis revenu, mais je ne peux plus reconnaître la ville, je ne connais plus les personnes là-bas. A Hué où ma famille était depuis des siècles, je connais les gens, c’est une ville charmante, mais je n’y trouve pas beaucoup de choses à faire. Je n’ai jamais aimé Saigon. C’est une grande ville, on bouscule beaucoup. Il y a pour moi un manque de culture. Je ne veux pas être arrogant mais c’est la variété ici à Hanoi que j’adore.
Photo : Mark Bowyer
VOVworld : C’est pour être entouré d’un monde artistique que vous avez ouvert « tadioto » ?
Nguyen Qui Duc : Au début j’ai trouvé un bâtiment, un coin, comme ça, je pense alors faire un bar, des galeries. Je voulais présenter les œuvres de mes amis ou des autres artistes que je connaissais et pour découvrir le monde d’art au Vietnam. Et plus, c’est comme un point de rencontre avec mes amis, qui sont artistes, journalistes, photographes. Là c’était comme un salon, où je recevais mes amis. Et ça fait presque dix ans, le bar est devenu un coin où les étrangers peuvent rencontrer les Vietnamiens, où les cinéastes peuvent parler de leurs œuvres, développer leurs idées, leurs histoires. Et donc ce n’est pas vraiment un business, je n’ai jamais gagné d’argent, mais j’ai beaucoup gagné, des amis, de voir comment la vie se passe au Vietnam, et aussi de rencontrer les gens qui viennent d’outre-mer, qui ont une idée sur le Vietnam qui se développe et qui veulent apprendre beaucoup de choses sur le Vietnam. Alors pour moi, c’est le processus d’apprendre, avec eux. Il y a un bon mélange. Il y a toujours des artistes qui passent, de Hongkong, de Dubai, de la Suisse, de la France, des Etats-Unis, des journalistes qui viennent de partout. Et il y a des artistes vietnamiens. Parfois on donne des soirées de cinéma, de musique, de truc expérimental, on fait beaucoup de lecture, de poésie, donc c’est un coin où tout le monde se rencontre et peut apprendre des choses, lire, voir, parler…
Photos : Mark Bowyer
VOVworld : Vous avez aussi un petit resto, Moto-san Uber Noodle, pourriez-vous en parler en quelques mots ?
Nguyen Qui Duc : Moto-san est un espace très étroit. J’ai des employés qui ont travaillé pour moi depuis 10 ans. Donc je voulais créer quelque chose pour eux, qu’ils peuvent gérer et gagner leur vie. Ils ont appris à faire les nouilles japonaises, et c’est pas mal ! Et c’est aussi l’idée de continuer l’esprit de Hanoi, où on mange dans la rue, mais au lieu de manger sur le trottoir, on monte un peu les sièges. C’est intéressant d’avoir un bol de nouilles japonaises, de se rencontrer, de se parler. C’est très étroit, il y a juste 10 sièges, mais c’est un point de rencontre aussi.
Photo : Moto-san Uber Noodle
VOVworld : Vos bar et resto ont tous une grande authenticité. Parlez-nous un peu de votre style ?
Nguyen Qui Duc : Je ne sais pas si j’ai un style particulier. Moi j’avais des idées de ne pas trop gaspiller, d’acheter des meubles usés, de refaire un peu des pièces particulières. Je n’avais pas d’espoir, mais les gens ont bien aimé le style, alors j’ai continué ça avec tous les bars que j’ai ouverts ici, et ça fait presque 10 ans, je suis reconnaissant que les gens aient adopté ça, et il y a d’autres bars qui adoptent un peu le style de « tadioto », mais c’est juste pour que les gens soient confortables.