(VOVworld) - L’exposition photographique « Les Hauts Plateaux dans les années 1950 » qui a lieu actuellement au musée d’Ethnographie du Vietnam n’est pas comme les autres. Elle raconte non seulement l’histoire des ethnies minoritaires vietnamiennes dans les Hauts Plateaux du Centre à cette époque, mais aussi celle de son auteur, Jean-Marie Duchange, de sa famille, et de son attachement pour le lieu d’origine de ces photos.
Il est inhabituel qu’une exposition dure aussi longtemps, de juillet 2014 en janvier 2015. Qu’est-ce qui est exceptionnel dans cette exposition ? Christine Hemmet du musée du quai Branly de Paris, Commissaire de l’exposition, nous fait savoir : « Les photos de Jean-Marie Duchange sont absolument magnifiques. Et ce qui est très intéressant, c’est qu’il n’était pas du tout photographe professionnel. C’est quelqu’un qui adorait la photo, qui a donc appris tout seul et qui s’est acheté un superbe matériel, un très bel appareil de photo : un Rolleiflex, et qui, donc, pendant toutes ses tournées sanitaires, parce qu’il travaillait dans le service médical sur les Hauts Plateaux du Vietnam dans les années 50, a fait beaucoup de photos. Je suis très contente parce que ce sont de très beaux tirages qui ont été faits à Paris par une photographe qui avait déjà exposé ici au musée d’Ethnographie sur le Mali. Et j’espère que le public qui viendra voir cette exposition, se rendra compte qu’il y a là une qualité de tirage photographique exceptionnelle. »
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L’exposition présente 34 photographies, développées dans un format original et imprimées sur une matière transparente. 200 photographies miniatures sont aussi disposées sur un panneau, ce qui permet au public de les admirer sous diverses formes. Tous ces clichés, mis en espace de manière créative et ouverte produisent une impression chaleureuse auprès du public. Les images nous transportent quelque 50 ans en arrière et nous font entendre l’écho d’autrefois. Les portraits tantôt familiers tantôt insolites des habitants, leurs activités quotidiennes (culture sur brûlis, le pillage du riz, le tissage…), leurs cérémonies (funérailles, sacrifice du buffle, rites de bonne récolte du riz…), ainsi que les habitats caractéristiques (maison longue, maison commune, grange, tombeau…)... tout est retracé avec naturel, et beaucoup de tendresse. Tâm Nguyên et Laurent Severac, deux visiteurs, partagent avec nous leurs impressions : « Ces photos, notamment les portraits, me font une grande impression. Le contraste entre les couleurs noir et blanc est toujours frappant. Je trouve que le photographe réussit à nous montrer la vie des habitants des Hauts Plateaux du Centre. À l’époque, leur vie n’était pas du tout difficile comme dans notre imagination, mais très prospère. Les habitants des Hauts Plateaux sont magnifiquement et naturellement présentés. Je suis très impressionnée par les bijoux que portent les femmes. ». « Les photos me rappellent certains endroits isolés que j’ai visités au Laos il y a 25 ans. Ce sont des photos d’un autre temps, en noir et blanc, avec des témoignages historiques. Intéressant, parce que c’est la vie quotidienne des gens dans des contrées isolées qui est retracée. Ils se dégagent une impression de sérénité. Et on devine que l’homme, le photographe qui prend ces photos aime le pays et le connait. »
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Comment ces photos sont-elles arrivées au Vietnam ? À l’origine, Jean-Marie Duchange voulait publier 200 des photographies qu’il avait prises entre 1952 et 1955 sous forme de livre. Son décès l’en a empêché. Heureusement, sa fille et sa petite-fille, Evelyne Duchange et Nadège Bourgoin, ont décidé de faire don de 1 500 négatifs au musée du quai Branly de Paris et des 200 plus beaux négatifs au musée d’Ethnographie du Vietnam. Evelyne Duchange nous explique : « Mon père était au Vietnam pour faire la guerre mais il est resté aux alentours de Ban Me Thuôt parce qu’il a rencontré ma mère et que je suis née là-bas. Après, sa mission consistait à vacciner la population des Hauts Plateaux, et c’est comme ça qu’il a pris énormément de photos de ces minorités. Pendant des années, il les a conservées, et à la veille de sa mort, il voulait absolument que ces négatifs soient donnés aux musées des arts à Paris et à Hanoi. C’est pourquoi, nous avons fait don au musée d’Ethnographie parce que ce musée présentait déjà les habitations des Hauts Plateaux et que les photos de mon père correspondaient vraiment à cette époque-là. Nous savons aussi que ce musée pourra conserver les négatifs au mieux. »
Jean-Marie Duchange avec sa femme et sa fille Evelyne
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Appareil Rolleiflex de Jean-Marie Duchange
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Fruit de son attachement pour les gens et les terres des Hauts Plateaux, les photographies de Jean-Marie Duchange sont de magnifiques témoignages de la vie de ces populations à une époque où les photos étaient encore rares. Le graphiste Patrick Hoarau, responsable du design de l’exposition, parle de leur valeur inestimable : « C’est le témoignage d’un moment donné dans l’histoire et c’est en tous cas un témoignage ethnographique exceptionnel parce que sans ces photos, on ne saurait rien des costumes, des tatouages, des cérémonies, des rituels… Ce qui est assez touchant, c’est que lui-même ne se disait pas photographe. C’est donc avec beaucoup d’humilité qu’il a réalisé ses photos en même temps qu’il exerçait son travail de médecin. Et honnêtement ce sont des photos qui ont une grande qualité esthétique. Sa femme était vietnamienne, ses enfants sont métisses… Cette mixité est aussi une belle aventure, un attachement entre le Vietnam et la France. Sa famille symbolise cette belle rencontre. »
Photos : VOV/Hoa Ha
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Jean-Marie Duchange a dit : « Je ne suis ni ethnologue, ni photographe... Je photographiais pour le plaisir, pour mon plaisir. ». Et sa passion nous a laissé d’incroyables et merveilleux témoignages. Après le musée d’Ethnographie, ses photos devraient être présentées à la population des Hauts Plateaux du Centre, leur lieu d’origine. Ainsi, le rêve de Jean-Marie Duchange sera t-il réalisé.