(VOVWORLD) - Créé au 13e siècle, le xâm est un art vocal vietnamien. Quasi disparu pendant des décennies, cet art populaire a repris de la vigueur ces dernières années grâce notamment à des spectacles donnés dans des endroits publics par des artistes chevronnés. Le spectacle qui se déroule tous les weekends, depuis près de quatre ans, au temple dédié au roi Lê Thanh Tông dans la rue piétonne de Hanoï est devenu le rendez-vous des professionnels et amateurs de Xâm et d’arts traditionnels vietnamiens.
Le spectacle commence à 20h30 mais la cour est déjà comble 15 minutes avant
Photo: Thy Loan
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Samedi soir, au cœur de Hanoi, dans la rue piétonne. Le calme habituel du temple dédié au roi Lê Thanh Tông est brisé par le son du tambour, de la viole à deux cordes et d’autres instruments traditionnels. Sans besoin de décor, la cour du temple se transforme en scène pour créer une plus grande proximité entre les artistes et les spectateurs. Le spectacle commence à 20h30 mais la cour est déjà comble 15 minutes avant.
Première interprétation du soir
Photo: Quang Tuân
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Suspendu pendant quelques mois en raison de la pandémie de coronavirus, ce spectacle a repris le 15 mai. Lancé en juin 2016 par le groupe Xâm Ha Thanh, ce rendez-vous musical rythme depuis la vie des Hanoiens. Mme Kiên An, 76 ans, habite dans le quartier de Hang Trông. Elle fait partie des plus fidèles spectatrices depuis sa création.
« Tous sont des artistes professionnels qui travaillent dans les grands théâtres de la ville. Je viens les écouter tous les weekends. J’aime beaucoup les chants traditionnels. Quand j’étais jeune, j’étais une artiste de cheo », a-t-elle fait savoir.
Thanh Thuy est une touriste de passage : « Je suis passionnée par les arts tradionnels. C’est intéressant ce spectacle. J’ai pu admirer le cheo, le xâm, le châu van…et c’est gratuit. Ces spectacles sont une très bonne idée et ils permettent au public hanoien et aux touristes de découvrir un pan de culture vietnamienne ».
Autrefois, le xâm était interprété par des chanteurs et musiciens aveugles, qui trouvaient là un moyen de subsistance. Ils voyageaient en groupe de deux à cinq, ou en famille, et se produisaient dans les lieux publics comme les marchés, les gares, les stations de tramway ou aux coins des rues animées. Les instruments de musique utilisés sont généralement une viole à deux cordes, des claquettes et cliquettes en bambou, ainsi que des tambourins.
Se produire dans une rue piétonne empruntée par des visiteurs venus des 4 coins du pays est la meilleure façon d’entretenir la flamme du xâm. « A l’heure des nouvelles technologies, on préfère écouter de la musique moderne. Les artistes de xâm ont du mal à trouver leur public », a confié l’artiste émérite Xuân Hai. « Ce spectacle est l’occasion de rencontrer le public et de préserver et valoriser un art traditionnel original typiquement vietnamien. Tous les artistes ont repris leur travail dès la fin de la distanciation sociale liée à la pandémie de coronavirus. Ils se réunissent ici tous les weekends pour servir le public », a-t-il ajouté.
L’artiste Xuân Hai (droite) interprète “Dứa dại không gai”, un air qui parle du culte de la fécondité de manière très humoristique
Photo: Quang Tuân
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À l’aide d’une viole à deux cordes appelée nhi et de claquettes, les artistes de rue chantaient des airs improvisés ou puisés dans le répertoire traditionnel. Le xâm est interprété aujourd’hui autant par des artistes professionnels que des amateurs. Il relate la vie rurale et citadine des Vietnamiens.
« Nous n’avons ménagé aucun effort pour faire revivre le xâm. Nous souhaitons qu’il soit traité sur le même pied d’égalité que les autres arts », a expliqué l’artiste émérite Mai Tuyêt Hoa. « Le Xâm est un trésor du répertoire musical traditionnel national mais durant très longtemps, cet art vocal était attaché à l’image d’aveugles chantant dans les rues en mendiant. A un moment donné, il a été sous estimé et est tombé dans l’oubli. Or, les chanteurs professionnels de xâm ne sont évidemment pas des mendiants. Ce sont des artistes qui ne demandent jamais d’argent à leur auditoire ».
Vêtu d’un ao dai, le costume traditionnel des femmes vietnamiennes, l’artiste Mai Tuyêt Hoa chante un air du “xâm au tram” intitulé “Ne m’aime pas” en jouant de la viole à deux cordes. Sa belle voix ensorcèle son auditoire. Avec Nguyên Quang Long, elle a persuadé les autorités de l’arrondissement de Hoan Kiêm de reproduire un spectacle de Xâm en plein centre de la capitale millénaire.
« Notre objectif est de présenter au public un art traditionnel original du pays, un art qui faisait partie de la vie culturelle de Hanoi d’antan. Nous essayons de reproduire un spectacle de xâm en interprétant des airs anciens. Mais en même temps et pour le plus grand plaisir du public, nous chantons également des airs écrits par des artistes contemporains qui relatent la vie d’aujourd’hui », nous a dit Nguyên Quang Long, l’un des fondateur du club Xâm Ha Thanh qui a dirigé ce spectacle.
Le musicologue Nguyên Quang Long
Photo: Quang Tuân
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Pour aider le public à comprendre la performance, des explications sont données avant et après chaque interprétation. « Sur scène, nous essayons toujours de donner au public des explications sur l’histoire, l’origine de l’art ou les anecdotes qui les entourent. Le but est d’aider le public à mieux comprendre et à entrer réellement dans le spectacle. Dans notre groupe, quelques artistes parlent anglais et peuvent expliquer les subtilités de notre art au public étranger » a-t-il expliqué.
Le spectacle est varié. Outre le xâm, le cheo (théâtre populaire), le quan ho (chants alternés) ou le châu van (chant des médiums) sont également mis à l’honneur.
Nous sommes dans un spectacle de hâu dông, un rite du culte de la Sainte-Mère, un patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Ce rite est interprété aujourd’hui par l’artiste Ngoc Nu Minh Hiên au rythme du châu van.
« Le hâu dông est un patrimoine culturel que l’on trouve uniquement au Vietnam. Je suis fière de le présenter au public. A cause de l’épidémie, les touristes étrangers ne sont pas là mais quand ils étaient présents et que je dansais avec le feu, ils m’accompagnaient en dansant aussi. L’ambiance était joyeuse et conviviale », nous a confié Minh Hiên.
Un petit échange avec les artistes venues de Thai Binh
Photo: Quang Tuân
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L’ambiance se réchauffe avec les numéros des jeunes artistes de la province de Thai Binh. Vu Hang Nga, directrice du Centre de la jeunesse et de l’adolescence de la province fait savoir:
« C’est la première fois que le club du théâtre populaire du Centre de la jeunesse et de l’adolescence de la province ce Thai Binh se produit dans la rue piétonne de Hanoi. L’occasion pour nos jeunes artistes de présenter au public hanoien et aux touristes vietnamiens les airs les plus connus de théâtre populaire de Thai Binh. C’est aussi une opportunité pour elles d’apprendre auprès des artistes expérimentés du groupe Xâm Ha Thanh. Toutes sont très enthousiastes ».
Elles sont élèves en primaire ou en secondaire et elles pratiquent le cheo ou le xâm depuis qu’elles ont 5 ou 6 ans. Certaines ont obtenu des prix lors des festivals organisés dans leur province. Tuê Minh a 15 ans. Elle peut chanter le cheo, le xâm ou encore le châu van…
“Le xâm est l’un de mes chants traditionnels préférés car il nous conseille de respecter ses parents, d’exprimer sa reconnaissance envers nos ancêtres, de ne pas être égoiste ni orgueuilleux… Aujourd’hui, je suis très heureuse d’être ici et de me produire sur la même scène que mes artistes préférés”, a-t-elle confié.
Le spectacle a duré près de deux heures et les artistes ont interprété 18 numéros. Le public a découvert un aperçu de ce qu’est le xâm, la châu van, le quan ho, le cheo…Ce spectacle est terminé mais plusieurs autres programmes d’art traditionnel vont se succéder.