(VOVWORLD) - Bùi Tiên Phuc a passé plusieurs années à étudier la préservation des patrimoines culturels à Taïwan. Aujourd’hui de retour au Vietnam, il est restaurateur de livres anciens.
C’est à la lumière des néons de son 30 mètres carrés d’Hô Chi Minh-ville que Bùi Tiên Phuc travaille (photo fournie par lui-même)
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C’est à la lumière des néons de son 30 mètres carrés d’Hô Chi Minh-ville que Bùi Tiên Phuc opère... «Opère», car effectivement, il a tout du chirurgien à l’œuvre: une concentration de tous les instants et, à défaut de bistouri, une petite pince à l’aide de laquelle il est pour l’instant en train d’ôter un minuscule brin de paille de la page d’un vieux livre confié à ses mains expertes. Un livre vieux de 70 ans, qui a subi les affres du temps… Exactement le genre de «patient» que Phuc aime traiter.
«Il y a beaucoup de façon de conserver un livre… On peut le scanner, le photographier… Mais ce qui est important, c’est de sauvegarder l’original, le document qui fait référence», nous dit-il.
Tout a commencé lorsque Phuc était étudiant à la faculté de lettres de l’Université des sciences sociales et humaines de Hô Chi Minh-ville et qu’il lui a fallu choisir un domaine d’étude principal. Ce domaine d’étude, ce sera le nôm, cette écriture sino-vietnamienne dont on retrouve de très nombreuses traces dans les pagodes et les maisons communales, lesquelles vont rapidement devenir le terrain de chasse favori de notre jeune homme.
«À chaque fois que je veux photographier une tablette en bois dans une pagode, je dois attendre que les personnes âgées aient demandé l’autorisation aux divinités en brûlant des bâtonnets d’encens. Je trouve ça très émouvant… Ça montre en tout cas à quel point ces tablettes représentent quelque chose de fort, aussi bien sur le plan culturel que sur le plan historique», nous confie-t-il.
Phuc travaille avec son professeur à Taiwan
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Diplômé, Phuc travaille d’abord pour une bibliothèque, où il est chargé de la collecte, de la restauration et de la numérisation des documents rédigé en nôm. En 2004, il décroche donc une bourse pour aller à Taïwan étudier la préservation des patrimoines culturel. Ce n’est que fin 2019 que, de retour à Hô Chi Minh-ville, il ouvre enfin son centre, le centre Han Nôm Duong, qui propose un service de restauration de livres et de tableaux
«Restaurer un vieux livre, ça demande beaucoup de patience et de minutie», nous explique-t-il. «On peut déterminer l’âge des livres et leur valeur grâce à l’analyse des caractères. Mais pour moi, c’est aussi une façon de progresser dans ma connaissance du nôm… C’est vraiment passionant, en tout cas!»
Pour les livres qui se sont pas trop abîmés, Phuc en détache soigneusement les feuillets, qu’il numérote aussitôt, de façon à ne surtout pas perdre la pagination. Ensuite, il nettoie les feuillets, un par un, puis comble les trous avant de passer à l’étape suivante, qui consiste en une sorte de marouflage, particulièrement nécessaire lorsque le papier est réduit à de la dentelle. Vient ensuite le séchage, et enfin la reliure. Tout cela, bien évidemment, suppose de ne rien perdre ni altérer de l’original, mais dans ce domaine, comme dans d’autres, un accident est vite arrivé...
«Je me souviens que quand j’étais encore à Taïwan, on m’avait demandé de restaurer une peinture d’une grande valeur», nous raconte Phuc. «C’était la première fois que je travaillais sur un objet d’une telle valeur. J’étais assez nerveux, forcément, et ce qui devait arrivé est arrivé: un petit fragment du tableau s’est détaché…»
La maladresse du débutant… Mais Phuc n’en est plus à ses premières gammes, et c’est en expert qu’il est désormais sollicité, notamment par le département de préservation et de rénovation du Musée des Beaux-Arts du Vietnam, qui lui a demandé de dispenser des cours sur la restauration des oeuvres à l'encre. Ça ne pouvait pas tomber mieux, car si Phuc est passionné par ce qu’il fait, il entend bien transmettre cette passion…
Restaurateur de livres anciens, un métier d’avenir? Et pourquoi pas…