(VOVworld) - C’est une image familière, que vous pouvez voir dans un parc, autour du lac Hoan Kiem ou devant une école primaire. Celle d’un monsieur en train de sculpter une statue en riz gluant, y ajouter un petit peu de couleur, et faire une épée en une fraction de seconde, avec ses mouvements rapides et habiles. Auparavant, les enfants faisaient foule autour de cet artiste, les regard gourmand, fixés sur ses représentations appelées “To he”. Ce sont des jouets traditionnels vietnamiens à déguster aussi bien avec les yeux qu’avec la bouche.
Photo: lucbatsaigon.vn
Personne ne connaît l’origine du “To he”, même au village de Xuan La, où il fait partie des traditions artisanales. Selon les anciens de ce village du district de Phu Xuyen, à Hanoi, on y transmet de père en fils depuis plus de 300 ans le métier pour façonner la sculpture. Originellement présentée comme une offrande, elle était comestible et prenait la forme des cochons, des buffles, des poissons et des oiseaux... Dang Dinh Hon, un de ces artisans, nous confie:
“Dans notre village, nous produisons des “To he” en riz gluant uniquement. Il faut moudre les grains, les faire cuire à la vapeur puis pétrir la pâte avant de la mélanger avec les couleurs, également naturelles. On fait le rouge avec la momordique [un fruit tropical], le jaune avec du curcuma, et le vert avec des feuilles d’arbres. A partir des trois couleurs primaires, vous pouvez les associer pour obtenir six ou neuf autres teintes supplémentaires. Les outils pour faire le “To he” sont aussi rudimentaires, il suffit de disposer d’un petit couteau, de tiges de bambou et un peigne. Voilà tout!”
Photos: youngphoto.vn
Au fils du temps, le “To he” est devenu non comestible, car les couleurs naturelles ont été remplacées par des pigments artificiels, plus commodes et moins coûteux. Les avancées technologiques ont par ailleurs fait tomber ce jouet en désuétude. L’apparition des jeux électroniques, des tablettes et des smartphones lui ont donné un coup de grâce, alors qu’il a marqué l’enfance de plusieurs générations de Vietnamiens. La mort du “To he” est-elle annoncée? Nous essayons de trouver la réponse à cette question en participant à un atelier du groupe Hanoi Kids.
L'artisan Dang Dinh Lan
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Le centre culturel du Vieux quartier de Hanoi, Hoan Kiem, est occupé par une cinquantaine de Vietnamiens et d’étrangers. Répartis dans différents groupes, ils sont en train d’observer les doigts agiles de Dang Dinh Hon et Dang Dinh Lan. Les deux artisans sculptent une rose et élaborent chaque nervure des feuilles a l’aide d’un peigne.
“N’est pas artisan de “To he” qui veut! - s'exclame Dang Dinh Hon. Par exemple pour sculpter un coq, il faut bien l’observer, mémoriser les traits, les couleurs, puis imaginer comment on va le récréer en riz gluant, avec quelles teintes. Il faut que cela ressemble à 80 ou 90% à la forme et l’apparence de l’original. En d’autres termes, il s’agit d’art, il faut avoir du talent! Auparavant, nous faisions surtout des “To he” Sun Wukong, Zhu Bajie [des personnages de romans classiques chinois] ... Mais maintenant, pour répondre au goût des enfants, nous faisons aussi des “To he” des superhéros [de mangas japonais] comme Doraemon.”
Seulement une ou deux minutes suffisent aux artisans pour fabriquer une sculpture, contre un bon quart d’heure pour les participants à l’atelier. Mais la plupart demande plus de temps pour peaufiner les œuvres. Aucune statue, plus ou moins bien faite, ne ressemble à une autre.
“Je suis vraiment impressionné par le fait que l’on peut manger les “To he”. J’en ai acheté, sans jamais essayer de la faire. Les artisans sont aussi étonnants, car il s’agit d’œuvres d’art créées a une vitesse incroyable.”
“Je m’appelle Minh, j’ai 11 ans, et je viens de faire ce petit cochon. Ce n’est pas si difficile de réaliser un “To he”, mais j’ai eu du mal à rattacher la bouche a son corps. J’essayerai d’en refaire d’autres chez moi après cet atelier.”
Le métier du “To he” n’est pas facile. Chacun se vend entre 15 et 20 mille dongs, soit le prix d’un ballon gonflable alors sa production est bien plus pénible. A Xuan La, les jeunes cherchent d’autres métiers pour mieux gagner leur vie. Autant dire qu’il y a péril en la demeure, car ces statues méritent d’être mieux considérées. Elles ne sont pas de simples objets, il ne s’agit pas d’un artisanat quelconque. C’est un art qui illustre au mieux l’esprit de création et l’habileté des paysans vietnamiens.