Le collectionneur Ta Thu Phong

Ces anecdotes, dont Ta Thu Phong est si peu avare, ont en général trait aux difficultés qui sont le lot de tout collectionneur patenté mais qui font aussi le charme du métier, si tant est que c’en soit un. Il faut dire aussi que tous ces ouvrages qu’il recueille avec componction ont une histoire. Mieux, ils sont une histoire à eux seuls.   

Les étagères de Ta Thu Phong.

«Je tiens entre mes mains un numéro du journal de l’armée du Vietnam… Et là, c’est l’un des tous premiers bulletins de l’Assemblée nationale: un sacré document historique, quand même !... Vous savez, pour certains journaux, ça m’a pris plusieurs années, avant de pouvoir mettre la main dessus. Mais bon, c’est une passion, et une façon, pour moi, de préserver tout un pan de notre histoire nationale.», nous dit Ta Thu Phong.

«Phong Hoa», «Khai Hoa», les deux premiers journaux satiriques vietnamiens... «Phu Nu Tan Van», le premier journal destiné aux femmes, paru pour la première fois en 1929 à Saïgon… «Thuc nghiem dan bao», «Viet nu», «Dân cay»... C’est toute l’histoire du journalisme vietnamien qui défile sur les étagères de Ta Thu Phong.

Naturellement, il y a des pièces rares. D’ailleurs, dès que Ta Thu Phong a vent de l’existence de l’une de ces pièces rares, il part tout de suite, sans perdre une minute, qu’il pleuve ou qu’il vente. «J’y pense beaucoup plus qu'à mon épouse et mes enfants», avoue-t-il, le sourire aux lèvres... Pas sûr que Madame apprécie, mais bon!...  Depuis le temps que ça dure, elle a bien du se faire une raison. Elle a bien du se faire aussi au fait que sa maison soit devenu le repaire de tous les collectionneurs de vieux journaux de la ville… Ces vieux journaux, son mari les bichonne…  

«Je les range par thème.», nous explique-t-il. «'Histoire et culture de Hanoï', 'architecture', 'recueils de poésie'… Comme ça, les gens qui viennent ici peuvent facilement trouver ce qu’ils cherchent… Chaque week-end, j’organise de petites réunions chez moi pour partager des anecdotes avec d’autres collectionneurs. Il y a des histoires très touchantes comme celle de ce recueil de Hoang Ngon que j’ai trouvé dans une petite auberge de Lang Son et qui porte une mention manuscrite qui dit '16 heures: Ngôn me prie d’offrir ce livre à Kha Sam. 22 heures 45, Ngôn est décédé'…»   

Il arrive à Ta Thu Phong de prêter quelques uns des fleurons de sa collection pour des expositions. Il le fait d’autant plus volontiers qu’il souhaite de tout cœur faire connaître ses trésors à un public aussi large que possible.   

«Avec d’autres collectionneurs, on voudrait créer une association, histoire de partager des informations, des expériences... D’ici 50 ans, tous ces vieux journaux auront pris valeur de document historique, et il serait bon que les générations à venir puissent y avoir accès.», nous confie-t-il.   

Pour l’instant, Ta Thu Phong est en train de mettre en place un site web destiné à faire connaître sa collection, mais aussi et surtout à fédérer les amateurs. Un nostalgique, lui ? Allons donc…