(VOVWORLD) - Cap cette semaine sur Cô Tô, une île rattachée à la province septentrionale de Quang Ninh, dont la spécialité est la pêche à la méduse. À Cô Tô, être pêcheur des méduses, c’est un peu comme être chercheur d’or. Eh oui, ce métier autorise tous les fantasmes!
La pêche à la méduse à Cô Tô. Photo: VOV |
Il est minuit, l’heure du crime. Dans la brume, le bateau de Dinh Van Thuy se dirige vers le large. Comme bien d’autres bateaux de pêche de l’île de Cô Tô, le sien comporte des équipements vraiment rudimentaires, à savoir quelques filets, des ampoules de 1000 watts et de longues épuisettes. Mais ce n’est pas un problème, en tout cas pas tant que les méduses consentiront à se laisser prendre aussi facilement qu’elles le font. Chaque année, entre janvier et avril, ces demoiselles affleurent en effet à la surface pour faire admirer leurs affriolantes couleurs: presque de la provocation, pour le pêcheur chevronné qu’est Dinh Van Thuy…
«Quand elles surgissent, comme ça, il suffit de prendre une épuisette pour les ramasser... Pour les grandes méduses, on leur coupe l’ombrelle et on ne garde que le corps. Pour les petites, par contre, on prend tout. On peut en prendre autant qu’on veut. Parfois, on en récolte des milliers en une seule nuit et en une matinée, ça part comme des petits pains», nous raconte-t-il.
Si jadis les pêcheurs de Cô Tô cherchaient à tout prix à éviter les méduses (qui, reconnaissons-le, avaient une fâcheuse tendance à leur déchirer les filets), maintenant, ils les courtisent. Ils seraient presque prêts à leur faire des sérénades nocturnes, tant elles leur sont devenues indispensables à force de faire fureur sur les étals, aussi bien au Vietnam qu’à l’étranger d’ailleurs. Il faut dire qu’en termes de valeurs nutritives, les méduses ont quelque chose d’absolument… médusant.
L’île de Cô Tô est ainsi devenue «la» réserve à méduses du pays. Elle attire des milliers de travailleurs saisonniers provenant des provinces de Nam Dinh, Thai Binh, Thanh Hoa et Nghê An.
Cela étant, la pêche à la méduse n’a rien d’une sinécure et plus d’un bateau a failli se transformer en… radeau de la Méduse.
Gorgées d’eau, les méduses pèsent entre 15 et 20 kilogrammes. Mais certaines, véritables mastodontes, atteignent les 60 kilogrammes... Si vous ajoutez à cela que ces charmantes demoiselles ont la piqûre facile et que la sensation de brûlure qui s’en suit n’est pas forcément des plus agréables, vous êtes forcés d’admettre que certains métiers - pêcheur de méduses a fortiori - relèvent du sacerdoce.
Pourquoi, alors, se donner tant de mal? Eh bien tout simplement parce que chaque méduse peut rapporter de 10 à 40 mille dôngs de bénéfices et qu’à Cô To, il y en a des milliers…
Les méduses traitées sont empaquetées et mises dans des caisses en carton. Photo: |
Sur l’île, les ateliers manufacturiers tournent à plein régime. Nguyên Viêt Ngoi, lui, a décidé d’en faire son métier, un métier exigeant, dont il nous dévoile les grandes étapes…
«Il faut commencer par classifier les méduses et couper les tentacules venimeux. Ensuite, on les passe dans une centrifugeuse pendant 12 heures pour enlever les viscosités et éliminer les résidus venimeux. Ensuite, on les laisse mariner quelques jours, parfois tout un mois, dans des réservoirs à forte concentration de sel: ça permet d’extraire toute l’eau», nous explique-t-il.
Les produits finis sont empaquetés et mis dans des caisses en carton. Il faut savoir qu’une caisse contenant des méduses ordinaires coûte près d’un million de dôngs. Si ce sont des méduses rouges, par contre, il faut compter plusieurs dizaines de millions de dôngs. L’an dernier, Nguyên Viêt Ngoi a ainsi vendu plus de 20.000 caisses, ce qui lui a permis d’empocher plus d’un milliard de dôngs de bénéfice, à sa plus grande satisfaction et à celle de ses salariés, parmi lesquels Mai Thi Thao, à qui les méduses font l’année.
«C’est un peu fatiguant, c’est vrai, mais c'est un métier rentable. On peut gagner plus de dix millions de dôngs par mois, voire de 35 à 40 millions de dôngs en trois mois», nous dit-elle.
Trois mois… C’est le temps que dure la saison des méduses, à Cô Tô. Quand elle est terminée, les habitants de l’île retournent à la pêche traditionnelle (au grand dam des crabes qui croyaient, à tort, qu’on les avait oubliés) et au tourisme, qui s’est beaucoup développé, grâce aux méduses, et dans le respect de l’environnement, comme nous l’indique Dào Van Vu, qui est le vice-président du comité populaire de Cô Tô.
«Nous avons installé les ateliers de traitement loin des zones peuplées et des sites touristiques, de façon à pour protéger les plages et le cadres de vie des habitants. Avant de délivrer une autorisation à un atelier, nous lui demandons de prévoir des systèmes de traitement des eaux usées. Je dois dire que pour l’instant, les 28 établissements en activité respectent tous leurs engagements en matière de protection de l’environnement», nous fait-il observer.
Comme quoi, les méduses n’ont pas fini de nous surprendre… et de faire le bonheur des habitants de Cô Tô, comme elles font aussi celui des gourmets les plus exigeants, mais là, c’est une autre affaire…