(VOVworld) - Hanoi suffoque sous la chaleur. Tout le monde reste terré chez soi ou dans son bureau. Pour rien au monde on ne mettrait le nez dehors. Enfin... presque !... On peut bien faire une exception pour le chè de Madame Thin. C’est au numéro 1 rue Bat Dàn, une échoppe connue aussi sous le nom « xôi chè Hàng Bô ». Mettez votre chapeau et vos lunettes de soleil, Hoa Ha vous y emmène.
Nous sommes en plein après-midi. Le thermomètre a allègrement franchi le cap des 40 degrés. Il faut être fou pour quitter son chez-soi climatisé et se rendre dans le vieux quartier, aux ruelles étroites et poussiéreuses. C’est pourtant ce qu’ont fait des milliers de badauds, qui se retrouvent ici, au croisement des rues Hàng Bô, Hàng Thiêc et Thuôc Bac. Des dizaines de personnes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, sont assis sur de petites chaises en plastique, un verre ou un bol de chè à la main. Est-ce l’effet de la chaleur ou celui du chè ? Tous semblent plongés dans une profonde méditation...
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"Mon arrière-grand-mère était marchande ambulante dans les années 1930. Elle faisait son commerce autour du vieux quartier et surtout au numéro 21 rue Lan Ong. La notoriété est arrivée dans les années 1950. A ce moment, c’était ma grand-mère Thin qui tenait la boutique. Au bout du compte, nous avons ce petit restaurant, ici, rue Bat Dàn. Je me sens bénie d’être aimée des clients. J’aime aussi beaucoup ce métier. C’est de famille! Je suis la quatrième génération, tout de même !"
Tout en me parlant, Thu Giang me remplit un verre de chè aux haricots noirs. Le parfum authentique des haricots et du sucre cristallisé me met l’eau à la bouche. Et effectivement, ça valait le détour ! Les haricots noirs ne sont pas du tout pâteux. Ils fondent au bout de la langue, et imbibés de sirop, ils font oublier la chaleur torride... Un vrai délice !
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"Au début, mon arrière-grand-mère vendait différents types de riz gluant pour le petit déjeuner. Thu Giang poursuit. Mais à l’époque de ma grand-mère, il n’y avait plus que du riz gluant à déguster avec du chè hoa cau*, du chè bà côt** et du chè aux haricots noirs. Nous avons aussi du sirop de fruit de pancovier quand vient la saison."
Quand on jette un coup d’œil au chè aux haricots noirs, il n’y a rien de très particulier. Mais en regardant de plus près, on peut apercevoir un petit éclat rose dans le noir du sirop. C’est ce qui fait toute la différence ! Des clients étrangers semblent être séduits par ce chè :
"C’est délicieux. Quand vous goûtez les haricots et puis le sirop, c’est un peu étrange, mais dans le bon sens du terme !"
"Nous participons à un circuit gastronomique, axé autour de la cuisine vietnamienne. C’est la première fois que nous goûtons ce dessert aux haricots, mais franchement, c’est une bonne surprise !"
Maintenant que les conditions de vie s’améliorent, de nouveaux types de chè font leur apparition, et la clientèle est au rendez-vous. On pourrait presque croire que le chè thaïlandais, le chè de Huê ou le chè de Saigon va détrôner celui de Hanoi. Mais qu’on se rassure, tant que le chè de Madame Thin existera, Hanoi restera la capitale du chè ! Il n’y a pas de secret. Tout commence par le mot « naturel ». Thu Giang, encore :
"Nous avons depuis très très longtemps des fournisseurs d’ingrédients fiables. Je peux m’en remettre à eux les yeux fermés. Je suis sûre que les produits sont de très bonne qualité et qu’ils sont diversifiés. De toutes façons, j’ai des principes très stricts : pas de colorant ou de conservateur ! Tout doit être 100% naturel et de bonne qualité. C’est un principe immuable, chez nous !"
Thu Giang
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En près d’un siècle d’existence, le chè façon Madame Thin s’est taillé un succès qui n’est pas prêt de se démentir. A chacun son goût, ses préférences... Thu Giang se fait fort de satisfaire les palais les plus exigeants... Et puis, qui résisterait à son sourire et à sa jovialité ?
"Ici l’hygiène alimentaire est assurée et les chè sont vraiment délicieux. Je viens presque tous les jours. Pour la petite histoire, je suis friand de plats sucrés et aussi un grand gourmet !"
"Je suis une cliente fidèle depuis des années. Le chè d ici est exquis, les grains de lotus sont plus doux et parfumés que ceux des autres restaurants. Je viens ici, été comme hiver..."
Prenant ensuite un verre de jus de fruit de pancovier, je reste flâner dans ce coin du vieux quartier en songeant qu’il doit faire bon y déguster un autre chè lorsqu’arrive la fraîcheur de l’automne... Chez Madame Thin, bien entendu !...
* chè hoa cau : soupe sucrée faite avec de la poudre de koudzou avec des haricots mungo concassés
** chè bà côt : soupe sucrée avec de la mélasse et du gingembre