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Nhung đưa tre trong suong (Enfants de la brume) de Hà Lê Diêm a remporté le Lotus d'or dans la catégorie «Films documentaires» lors du 23
e festival du film du Vietnam. Née en 1992 à Bac Kan, une province du Nord-Est du Vietnam, Hà Lê Diêm s’est lancée dans la réalisation de documentaires et a rapidement rencontré le succès. "Nhung dua tre trong suong" a d’ailleurs eu l’insigne honneur d’être nominé aux Oscars, après avoir été abondamment primé à l’occasion de différents festivals. Mais pourquoi cette réussite? La jeune réalisatrice nous dévoile les clés de son succès.
Ha Lê Diêm (au pupitre) a remporté le prix du Meilleur réalisateur dans la catégorie «Compétition internationale» au Festival international du film documentaire d'Amsterdam avec "Nhung đưa tre trong suong". Photo: Anh Thu |
Après avoir obtenu son diplôme en journalisme à la Faculté des sciences sociales et humaines de l'Université nationale de Hanoi, Hà Lê Diêm a suivi une formation en réalisation de documentaires au Centre de soutien au développement des talents cinématographiques (TPD). Au départ, son objectif était simplement de satisfaire une curiosité. Mais très vite, le septième art l'a captivée, au point de devenir une passion dévorante.
Le premier court métrage de Hà Lê Diêm, intitulé "Con đi trường học" (Sur le chemin de l’école), d'une durée d’une bonne vingtaine de minutes, raconte l'histoire d'une femme qui a été infectée par le VIH par son mari. Elle travaille dur pour élever son fils, toute seule. Ce premier film a été très apprécié pour sa narration visuelle subtile, suscitant de nombreux sentiments de compassion. Dans ce film, il n'y a pas de distance entre la réalisatrice et ses personnages.
“Beaucoup de gens m'ont demandé si j'avais peur d'être infectée quand je suis allée chez cette femme pour l'interroger. Eh bien non! Il faut dire aussi qu’elle a tout fait, cette femme-là, pour que je n’aie pas à m’inquiéter. Je me souviens par exemple d’un après-midi où j’avais traversé un ruisseau près de chez elle, avec de l’eau jusqu’aux genoux. Mon pantalon était trempé et il faisait très froid parce qu’on était en hiver. Elle m'a dit ‘Viens, je vais te donner un pantalon sec’. Mais elle s’est aussitôt ravisée: elle avait peur qu’en portant des vêtements à elle, je ne sois infectée à mon tour. Quand je suis restée pour manger, elle s'est assise à part. Moi et son fils, nous avons mangé notre propre nourriture», nous raconte-t-elle.
"Con đi truong hoc" a remporté le «Cerf volant d’argent» en 2013 dans la catégorie «Courts métrages» (Il n'y pas eu de Cerf volant d’or cette année-là dans cette catégorie).
Pour Hà Lê Diêm, le fait de réussir à établir une relation étroite avec ses personnages est une clé de la réussite. Comment faire en sorte que les personnages aient confiance et soient prêts à partager leur vie devant la caméra? Pas une mince affaire, a priori, mais force est de reconnaître que Hà Lê Diêm s’en tire à merveille: sans doute sa sincérité et sa simplicité lui rendent-elle d’immenses services…
Une scène dans "Nhung dua tre trong suong". Photo: Beta Cinema |
En 2017, elle est allée à Sapa, chez Di, le personnage central du documentaire Nhung đua tre trong suong, et elle a rapidement réussi à persuader sa famille de se prêter au jeu…
«Le père de Di m'a avoué quand la première qu’il m’a vue débarquer du bus avec autant de bagages, il a été surpris. Il faut dire que j’avais un grand sac pour les vêtements, un sac à dos pour la caméra et le matériel de tournage... Ce jour-là, il m'a directement emmenée dans les champs: c'était la saison des semis et personne n'était à la maison. Une fois là-bas, j'ai travaillé comme tout le monde. Et quand tout le monde est rentré pour dîner, je suis rentrée moi-aussi. Du coup, ça a rassuré le père de Di quant à mes capacités à vivre à la rude, comme une vraie Mông», se souvient-elle.
L’idée de faire un film sur l'enfance de Di a commencé à germer dans l’esprit de Hà Lê Diêm lorsqu’elle l’a vu jouer avec ses petits camarades, ce qui l’a ramenée à sa propre enfance… Après plus de deux ans de tournage, elle a fini par faire partie de la famille et même de l’entourage de Di…
«Pendant le tournage, je dormais chez Di. Mais parfois, je passais quelques jours chez des amis à lui. La mère de Di m’a dit: 'Vas-y, filme, puis quand tu auras fini, reviens chez nous’. Quand j'ai entendu 'reviens chez nous', j'ai senti que j’étais un membre de la famille à part entière. Si j'avais été considérée comme une invitée, on m'aurait plutôt dit 'reviens nous voir'... Ça m'a beaucoup touchée, en tout cas», nous confie-t-elle.
Il aura fallu trois ans à Hà Lê Diêm pour achever son film, en ne retenant finalement que 90 minutes sur plus de 100 heures d’images…
Vy Nguyên Anh Phong est un jeune réalisateur. Il a accompagné Hà Lê Diêm tout au long du processus d’élaboration du dossier pour obtenir des financements de festivals de cinéma et de fonds cinématographiques du monde entier. Il a remarqué chez elle un fort engagement et une grande détermination…
«Elle travaille presque seule. En tant qu'ami et collègue, nous avons pas mal échangé. Il y a eu des moments où le film semblait stagner, où nous ne pouvions pas avancer. Mais elle n’a jamais abandonné et ses efforts ont été récompensés», nous explique-t-il.
"Nhung đua tre trong sương" a permis à Hà Lê Diêm de voyager à travers le monde et de rencontrer de grands professionnels du cinéma. Mais elle n’en est qu’au début d’une carrière a priori des plus prometteuses…