Histoire d’un couple américano-vietnamien vendeur de liserons d’eau

(VOVworld) - Etre Vietnamien à Washington sans connaître « Cho Vuon », c’est tout simplement impossible ! « Cho Vuon », marché-jardin en français, est entretenu par un couple américano-vietnamien. On y achète des légumes typiquement vietnamiens cultivés sur place : des liserons d’eau, des courges-torchons, des corètes potagères, des salades et des herbes parfumées…

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Dès potron-minet, un septuagénaire au visage austère travaille la terre avec sa vieille bineuse bruyante. Il dit que c’est son « café du matin » depuis une trentaine d’années. Une fois binée, la terre sera couvée avec des tourteaux de soja, dans l’attente d’un nouveau semis. Un client l’appelle, il laisse précipitamment sa bineuse pour le servir…
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Voilà un petit aperçu du quotidien de Jean, propriétaire de ce jardin maraîcher connu dans toute l’agglomération de Washington, que les Vietnamiens aiment à appeler « Cho Vuon », marché-jardin. Aux Etats-Unis, tout endroit où se déroulent des transactions s’appelle « marché », même s’il y a parfois un seul vendeur. Si vous voulez des légumes vietnamiens, allez à Cho Vuon et toutes vos demandes seront exaucées ! Il y a de tout, ici, même des légumes dont on aurait du mal à imaginer qu’ils puissent exister en Amérique, comme la colocase de l’Inde, la baselle, la corète potagère ou encore la renouée odorante, pour ne citer que ceux-là… Si vous ne voulez pas de légumes pré-coupés, alors allez choisir directement dans le jardin. A part les herbes parfumées qui sont préparées en bottes, tous les autres légumes sont vendus au kilo. Ce marché-jardin est tout le temps animé. Sa clientèle ne se limite pas à la communauté vietnamienne. Il y a également des Occidentaux, des Chinois, des Indiens... Il ne se passe pas une semaine sans qu’Ania Sowinska, une habitante de la Virginie, fréquente ce lieu. « J’adore ce marché-jardin situé tout près de chez moi et où je peux parler au jardinier et trouver tous les fruits et légumes que je ne peux pas trouver dans des magasins ordinaires, dit-elle. C’est super de pouvoir choisir ce qui nous plaît à même le jardin et de tester le goût des fruits et des légumes nouveaux. Car c’est vrai qu’ils sont délicieux ici, parce que beaucoup plus fraîs. Ils sont récoltés à temps et on n’a pas à les transporter ailleurs pour les vendre. »
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Le jardinier, c’est Jean. On pourrait l’appeler « Jean le Laconique », puisqu’il parle très peu. Quand on lui pose une question, rarement sa réponse fait plus d’une phrase. D’ailleurs, personne ne connaît son nom complet. Ni même sa femme, Ngo Thi Boc, originaire de la province de Hung Yen. Elle dit que son mari est trop timide pour communiquer avec les étrangers. Mais plus il est discret, plus elle est ouverte. Ngo Thi Boc adore raconter sa vie : « Mon père travaillait pour l’armée française. Après la libération de Hanoï en 1954, toute ma famille a émigré dans le Sud. J’avais 7 ans. Mon travail quotidien consistait à aider maman à garder mes petits frères et sœurs et à aller au marché. Adulte, j’ai commencé par faire du tissage avant de travailler pour une pharmacie à Saigon, l’actuelle Ho Chi Minh-ville. Le soir, je suivais des cours d’anglais. En 1968, les Américains ont afflué massivement au Vietnam. Ils ont fait passer des annonces dans les journaux pour recruter des travailleurs. J’ai été retenue en tant que standardiste d’un hôtel fréquenté par des Américains. »

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C’est dans cet hôtel que Mme Boc a fait la connaissance de son mari, un Américain, ce qui était tout simplement impensable, pour elle. En 1975, avant même la libération du Sud, elle déménageait aux Etats-Unis. Les premiers jours, elle se contentait des travaux ménagers. Puis, elle a trouvé un emploi dans un atelier de confection. Et c’est là qu’elle a découvert que finalement, le jardinage potager était sa vraie passion. « Pendant les 3 ans passés dans l’atelier de confection, les autres collègues Vietnamiens m’ont conseillé de cultiver des légumes dans mon jardin, qui était vaste. Je leur ai dit que je ne savais pas faire. Alors ils m’ont dit que c’était tout simple, qu’il suffisait de biner la terre et d’y mettre des graines. J’ai suivi leurs indications. Mon mari adore aussi le jardinage. C’est pourquoi à chaque week-end, nous plantions ensemble des légumes. Tous les jours, je coupais les légumes, toutes sortes confondues, les mettais dans un sac et les transportais à l’atelier pour les distribuer aux autres. »

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Sa clientèle grossissant, Mme Boc a décidé d’abandonner son travail à l’atelier de confection pour se consacrer entièrement à la culture maraîchère. En 1980, son couple a acquis un terrain d’un hectare, l’actuel marché-jardin. Elle est fière que ses légumes soient bien plus délicieux que ceux qu’on trouve normalement sur les marchés américains. « Depuis des dizaines d’années que je suis attachée à ce métier, je me lève tous les jours à 3h du matin et ne me couche jamais avant 11h du soir. En été, je ne prends que quelques heures de repos. Mais je ne me sens jamais fatiguée. En voyant les légumes pousser, je suis heureuse. Ça me fait plaisir d’entendre des Vietnamiens me dire que grâce à moi, ils peuvent manger des légumes aussi frais. Cette confidence me rend aussi nostalgique. »

Tous les ans, au mois de novembre, quand les températures baissent à Washington DC, Mme Boc et son mari regagnent leur maison en Floride au sud pour fuir le froid. Les clients exigeants devront attendre jusqu’en avril de l’année prochaine pour pouvoir cueillir, de leurs propres mains, des feuilles de moutarde ou de salade, les premiers légumes que ce couple américano-vietnamien cultive lorsqu’il revient à Washington, à la fin du printemps./.

Nhat Quynh & Huy Hoang, VOV, Etats-Unis

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