(VOVworld)-La chique du bétel est - ou plutôt était, car les temps changent - une coutume solidement ancrée chez les Vietnamiens. Ça tenait presque du rituel, avec d’ailleurs toute une série d’objets indispensables : le couteau, avec lequel on coupait la noix d’arec, le petit mortier qui servait à broyer le bétel, la boîte qui le contenait, le récipient dans lequel on en recueillait les résidus, la petite chaîne en argent au bout de laquelle se trouvait une petite capsule contenant de la chaux vive...Autant d’objets qui appartiennent à une époque presque révolue et que l’on peut désormais voir au musée national d’Histoire, qui leur a consacré une exposition.
Petit mortier qui servait à broyer le bétel (photo : Vietnamnet)
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Transposons-nous au 18ème siècle. Nous sommes au Vietnam, bien sûr, dans une demeure anonyme, laquelle possède naturellement son autel des ancêtres. Et sur l’autel, que voit-on ? Une boîte joliment ouvragée, incrustée de nacre, remplie de noix d’arec et de feuilles de bétel... Toute une époque, c’est vrai, mais aussi toute une frange de la culture traditionnelle du Vietnam, comme nous l’explique Nguyen Van Cuong, le directeur du musée national d’histoire.
Tout le monde chiquait le bétel : les seigneurs et les mandarins comme les gens du commun, nous précise-t-il
. Le bétel était présent partout, il était indispensable aux funérailles ou aux mariages, mais pouvait servir aussi à sceller des demandes en mariage... Au fil du temps, il a fini par façonner le comportement des Vietnamiens.
Récipient pour recueillir les résidus du bétal (photo : Vietnamnet)
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Revenons maintenant au musée national d’Histoire et à son exposition sur la chique du bétel. On peut y découvrir de véritables trousseaux contenant tout le nécéssaire à chiquer le bétel, qui étaient utilisés par l’aristocratie aux 18ème et 19ème siècles. Chefs d’oeuvre artisanaux s’il en est, ce sont des objets particulièrement raffinés, faits à partir de matériaux précieux ou rares. On retiendra sinon un récipient à chaux datant de la dynastie des Ly, c’est à dire du 11ème siècle. Assez simple en ce qui concerne ses motifs décoratifs, il détonne par son anse en forme de crevette au dos recourbé et par son émail vert brillant qui fait ressortir l’élégance de sa forme. Les récipients à chaux des dynasties Le ou Nguyen que l’on peut également voir sont différents, sans doute plus sophistiqués, réflétant en cela un certain âge d’or du bétel. Quant aux nécessaires à chiquer des ethnies Cham, Khmer, Tay, Lolo, VAn Kieu, Muong, Thai, également visibles au musée, ils sont évidemment plus rustiques, mais non moins fascinants. A noter que l’exposition est agrémentée de démonstrations vivantes de chique de bétel, faites par des groupes de femmes vêtues de tuniques anciennes. Un visiteur étranger nous livre ses impressions : "C’est une exposition vraiment passionnante, nous dit-il. Ça m’aide à comprendre toute une facette de la culture vietnamienne, d’autant que les objets qui sont présentés sont vraiment représentatifs. C’est une vraie découverte pour moi ! "
Petite chaîne en argent au bout de laquelle se trouvait une petite capsule contenant de la chaux vive (photo : Vietnamnet)
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Il n’y a pas que les étrangers à être intrigués par la chique du bétel. Les Vietnamiens aussi ont envie de savoir pourquoi et comment leurs grands-mères avaient des dentitions toutes noircies. "Ma grand mère chique le bétel, nous confie Pham Thuy Anh, alors ces objets, je les connais bien. Le mortier, pour broyer le bétel, le récipient à chaux, la boîte... Tout ça, je connais. Ce que j’ai découvert, ici, ce sont les mêmes objets, mais faits à partir de matériaux différents. Dans certains cas, c’est vraiment étonnant ! "
De nos jours, rares, et surtout vieillissants, sont ceux qui chiquent encore le bétel ! Le bétel fait néanmoins toujours partie des objets symboliques que l’on retrouve lors des funérailles ou des mariages, par exemple. Thanh Hai Duong est un collectionneur. Il possède 40 des nécéssaires à chiquer qui sont exposés. "Chacun des objets présentés ici porte la nostalgie d’une époque, nous dit-il. De nos jours, on ne chique plus le bétel, mais c’est une belle coutume qui a connu un âge d’or et qui restera gravée dans les mémoires, je pense..."
« La nostalgie d’une époque »... Sans doute, mais aussi l’espoir de voir certaines valeurs traditionnelles perdurer dans le coeur des gens, passer du vécu à l’imaginaire, du réel au symbolique...