(VOVworld)- En ces beaux jours de mai, les îles Truong Sa résonnent de chants à la fibre éminemment patriotique, repris en choeur par tous les soldats en faction. Ces chants, ce sont ceux que les artistes du théâtre de Hanoi sont venus interpréter devant toutes les garnisons de l’archipel.
Il a suffi à Thu Thuy, l’une des chanteuses du théâtre de Hanoi, d’élever la voix pour que le silence se fasse dans le public, un silence mêlé d’une indicible émotion qui était palpable jusque sur les visages embrunis des jeunes combattants. Parfois proche du murmure ou de la confidence, parfois entrainante comme une charge de cavalerie, la voix limpide de la chanteuse semblait dominer le murmure des vagues et du vent.
En apprenant qu’elle allait chanter à Truong Sa, Thu Thuy s’est empressée de glâner tous les renseignements qu’elle pouvait sur cette contrée insulaire presque mythique, pour tout Vietnamien qui se respecte. Et la veille de son départ, elle n’a pas fermé l’oeil de la nuit: “J’étais très honorée de pouvoir mettre pour la première fois les pieds à Truong Sa, où j’ai été accueillie si chaleureusement par la population et les soldats. Même si les conditions de vie sont rudes sur les îles, les soldats gardent un moral à toute épreuve. En chantant ici, j’ai éprouvé des sensations très particulières: de la fierté, bien sûr, mais aussi beaucoup d’émotion et de ferveur patriotique.”
Thanh Minh, un chanteur de la troupe, en était aussi à son premier séjour à Truong Sa. L’archipel ne lui était bien sûr pas inconnu puisqu’il avait eu maintes fois l’occasion de compulser des documents s’y rapportant, mais cette fois, il a pu voir de ses propres yeux quelles étaient les privations qu’enduraient les combattants. Tous les soirs, assis en tailleur sur une natte, il a entonné des airs au milieu des soldats, des airs que toute l’assemblée reprenait en choeur. “Je suis très heureux de pouvoir échanger avec nos soldats, avec ces jeunes combattants qui ont dû quitter leurs foyers pour aller défendre notre pays sur ces îles lointaines. J’ai chanté pour eux avec une énergie particulière, sans du tout ressentir la fatigue du voyage en mer”, confie Thanh Minh.
Cette tournée du théâtre de Hanoi n’aurait sans doute pas eu autant de signification sans la participation de Phuong Hoa, une chanteuse qui pour le coup, en était à son 5ème séjour à Truong Sa. Son premier voyage remonte à une bonne vingtaine d’années, à une époque où vivre sur les îles supposait une rare force d’abnégation: “La première fois que je suis venue ici, j’étais encore très jeune. A l’époque, les officiers et les soldats étaient sans nouvelle de leurs familles, ce qui était très dur pour eux. Comme ils n’avaient pas de fleurs, ils nous ont offert des branches de coraux. Rien que d’imaginer qu’ils ne pourraient revoir les leurs qu’après avoir passé plusieurs années en faction sur les îles, nous étions bouleversés. Nous avons chanté pour eux, nous leur avons recousu leurs vêtements… Et la séparation a été déchirante!...”
Truong Sa, c’est donc l’apprentissage de l’ascèse, y compris lorsqu’il s’agit de chanter en public: pas de véritable scène, pas de sonorisation, pas de micro… Il faut se contenter d’une guitare et y aller avec ferveur… Mais à ce jeu-là, on est souvent récompensé de la plus belle des façons: tout le monde reprend les chansons en choeur avec entrain. Quant aux cadeaux que l’on reçoit, ce ne sont pas des roses, mais des fleurs de badamiers ou des coquillages aux reflets nacrés.
Les artistes du théâtre de Hanoi sont ainsi passés d’île en île, pour apporter un moment de joie aux soldats. Et partout, ils ont été accueillis avec une chaleur qu’ils n’auraient sans doute pas pu imaginer, au départ. Longtemps après leur départ, leurs chants résonnent encore, comme pour proclamer haut et fort que les îles sont tenues par des mains fermes et résolues.