(VOVworld)- Le «Xẩm» est un chant folklorique du Nord du Vietnam, qui remonte à loin dans le passé. Mais à Hanoi, on pratique un «Xẩm» d’un genre bien particulier et qu’on ne trouve nulle part ailleurs: le «Xẩm des tramways». Eh oui, «des tramways», vous avez bien lu! Oui, mais les tramways, ça fait une bonne vingtaine d’années qu’ils ont disparu de la circulation à Hanoi, devez-vous penser! Alors, qu’en est-il de ce «Xẩm»? Rassurez-vous, on peut encore l’entendre, en tout cas au musée des femmes vietnamiennes, qui vient justement de lui consacrer une manifestation.
Le «Xẩm des tramways» faisait de la vie culturelle de Hanoi, à l’époque où la ville était encore parcourue par des tramways, c'est-à-dire entre 1900 et 1992. Les lignes de tramways partaient toutes du lac de l’épée restituée et allaient jusqu’à Yên Phụ, jusqu’au marché Bưởi, jusqu’à Cầu Giấy, jusqu’à Hà Đông… «C’était le temps où Hanoi chantait», aurait dit Jacques Brel! Pour en revenir au Xam, c’était le chant des aveugles, des éclopés, des gagne-petit, des traîne-misère, qui essayaient tant bien que mal de gagner quelques sous en allant pousser la chansonnette dans les rames de tramways, en s’accompagnant d’un «đàn nhị», qui est une sorte de petit violon à deux cordes, ou d’un tambourin.
Dans les tramways, même avec le grincement des roues et les causeries des passagers, le Xam dominait toujours le brouhaha, nous raconte Xuân Hoạch, qui est un passionné de «Xẩm ». Les airs de Xẩm sont faciles à retenir, c’est vraiment de la musique populaire, au meilleur sens du terme.
Grâce à «Xẩm des tramways, culture des rues de Hanoi», la manifestation actuellement organisée par le musée des femmes vietnamiennes en coordination avec l’association du patrimoine, le visiteur est à même de déceler ce qui fait la différence entre le «Xam des tramways» et le «Xam» traditionnel, différence qui se manifeste à travers les paroles, les instruments et la tenue des artistes. Les chanteurs de «Xẩm des tramways» étaient souvent vêtus de marron et coiffés de casques coloniaux. Autre signe distinctif: ils portaient des lunettes noires. Quant aux chanteuses, elles portaient des tuniques de couleur claire et des jupes qui descendaient jusqu’aux genoux seulement. Les chansons du «Xam des tramways» étaient de courte durée et d’un rythme rapide, parfaitement adaptées en cela aux trajets effectués par les rames. Et pour le contenu, la simplicité était de mise, aussi bien dans les paroles que dans les brefs récits qui s’intercalaient parfois entre deux chansons. «L’étudiant lettré», «la joie d’être à Hanoi», «le vrai paysan», «le poisson rouge qui nage en virevoltant»… Autant de chansons qui sont restées gravées dans les mémoires, mais sans doute plus encore dans les cœurs des passagers… Mais pour en revenir à la manifestation en cours au musée des femmes, il faut savoir que la musique est accompagnée d’images 3D, qui nous font revivre la magie des rues de Hanoi à l’époque des tramways : une atmosphère unique, chère à tous ceux qui l’ont vécue.
Grâce à cette manifestation, le public redécouvre le «Xẩm», se réjouit Thanh Ngoan, la directrice adjointe du théâtre de chèo du Vietnam. Il y a bien sûr beaucoup de nostalgie là-dedans, mais ce serait bien que l’actuel groupe de chanteurs puisse s’étoffer un peu, qu’il y ait de nouveaux membres. Il faut de toute façon qu’il y ait quelque part un espace pour le «Xam», ne serait-ce que pour une question de témoignage.
Tout un siècle durant, le «Xẩm des tramways» aura nourri l’imaginaire des hanoiens, en leur apportant une touche de poésie absolument inimitable. «Xam des tramways, culture des rues de Hanoi» nous ramène bien sûr quelques décennies en arrière, mais on ne s’en plaindra pas, bien au contraire, puisqu’on a pu ainsi redécouvrir de véritables trésors culturels, enfouis dans les mémoires, qui avaient pourtant fait les belles heures du vieux Hanoi. Hoàng Anh Tú fait partie de la troupe de chanteurs et de danseurs de Thang Long. Il nous livre ses impressions: Par le biais de ce programme, nous espérons vulgariser ce «Xam des tramways», nous dit-il. C’est un aspect très attachant de la culture hanoienne, je trouve. Ca a quelque chose de très humain, ça va droit au cœur…
Aujourd’hui, les tramways ont disparu de Hanoi. Mais leur «Xam» n’est pas censé disparaître lui-aussi, il peut très bien leur survivre, après tout! Et d’ailleurs, ne dit-on pas que c’est le passé qui nourrit le présent et l’avenir? A méditer pour les jeunes musiciens vietnamiens!