(VOVWORLD) - Celles et ceux qui se rendent au musée de la victoire de Diên Biên Phu peuvent y découvrir de nombreux objets uniques et importants, témoins de ce qui fut l’une des plus importantes batailles de l’Histoire. On y trouve notamment quelques-uns de ces fameux vélos renforcés qui ont joué un rôle vital dans la logistique de notre armée, et qui ont été aux Vietnamiens ce que les taxis de la Marne avaient été aux Français en 1914: les instruments de la victoire…
Photo: TTXVN |
20.000 vélos ont ainsi été mobilisés pour le ravitaillement du champ de bataille de Diên Biên Phu sur un parcours de près de 1.500 kilomètres. Véritables bêtes de somme, ces «chevaux d’acier» se sont révélés particulièrement efficaces sur les routes et les pistes étroites de cette région du pays. Ils pouvaient en effet aller là où les camions ne pouvaient pas aller. Ils avaient en outre l’avantage d’être silencieux et a priori peu repérables par l’ennemi… Ils étaient faciles à réparer, capables d’avancer quelles que fussent les conditions météorologiques, et ne nécessitaient pas de carburant… .
Pour Thai Huu Hoành, qui faisait partie de la 292e compagnie de la Brigade de jeunes volontaires 34, ces vélos auront été des moyens de transport miracles. Quant aux porteurs, ils auront été de vrais héros…
«Imaginez un peu! Les charges étaient déjà très lourdes des deux côtés du vélo, et il y avait toujours une charge supplémentaire à l'avant. En descendant les pentes, une ou deux personnes tiraient à l'arrière, puis revenaient pour pousser. Ils faisaient tout ça de nuit, dans l’obscurité, mais leur détermination et leur courage étaient incroyables!», se souvient-il.
Au début, chaque vélo ne pouvait transporter que de 80 à 100 kilos, puis la charge a été progressivement augmentée grâce à un renforcement de la structure grâce à des barres de bambous, pour atteindre jusqu’à 200 kilos. Grâce à ces deux-roues, tout au long de la bataille, l'armée vietnamienne a pu maintenir un approvisionnement constant en nourriture, médicaments et autres fournitures essentielles, comme l’a souligné Trân Khôi, un ancien porteur.
«Toutes les provinces, tous les districts montagneux ont participé à cette ‘bataille logistique’, avec des radeaux, des camions, et même des chevaux... Mes camarades et moi, nous avions un ordre de mission simple: il s’agissait d’acheminer les vivres le plus rapidement possible pour faire en sorte que le champ de bataille soit suffisamment approvisionné en nourriture pour permettre une grande victoire», nous explique-t-il.
Photo: TTXVN |
Pendant toute la durée de la bataille de Diên Biên Phu, malgré les bombardements de l’ennemi, chaque groupe de transport, que ce soit avec des vélos, avec des charges sur le dos, des chevaux de bât ou même des radeaux, a transporté des armes, de la nourriture et des médicaments sur des centaines de kilomètres de montagnes escarpées et de cols dangereux.
Le «record» du transport à vélo appartient à un certain Ma Van Thang, un porteur venu de la province de Phu Tho, avec 350 kilos de marchandises pour un cycle de transport. Vient ensuite Cao Văn Tỵ originaire de la province de Thanh Hóa, qui a réussi à transporter plus de 320 kilos de marchandises par voyage.
Au total, plus de 25.000 tonnes d'armes, de nourriture et de fournitures ont été acheminés à Diên Biên Phu, dont une partie non négligeable grâce aux porteurs comme Thang ou Ty et à leurs véhicules rudimentaires.
Les Français, lorsqu'ils ont commencé à s’installer au Vietnam, ont apporté avec eux les vélos: un symbole, parmi d’autres, de la civilisation occidentale... Ils auraient été bien en peine d’imaginer, alors, que ces mêmes vélos allaient contribuer à l’une de leurs plus cuisantes défaitres militaires… Il faut dire que - ironie du sort - les vélos en question sortaient tout droit des usines Peugeot de Saint Etienne!...
Pour le colonel Vu Tang Bông, ancien chef du département d'histoire de la logistique militaire à l'Institut d'Histoire militaire du Vietnam, il y a là tout un symbole…
«Ces vélos témoigne de la résilience et de la détermination du peuple vietnamien face à l'adversité. Ils nous ont permis de vaincre le général Navarre», nous dit-il.
Le général Navarre, qu’évoque le colonel, était le commandant en chef des troupes françaises en Indochine: c’est lui qui avait cru tendre un piège à nos troupes en créant un camp retranché à Diên Biên Phu…
«Pour gagner la guerre, il faut assurer ses arrières»... Napoléon, en son temps, l’avait déjà noté... Mais c’est finalement Vo Nguyen Giap qui aura retenu la leçon…