(VOVworld)- « Le Vietnam a gagné la guerre car son armée et son peuple le méritaient. Je regrette d’avoir participé à cette guerre ». C’est ce qu’a affirmé un ancien parachutiste français capturé par le Vietminh à Dien Bien Phu en 1954. À l’époque, Pierre Bonny était caporal de la quatrième compagnie du 2/1 RCP (Régiment de Chasseurs Parachutistes) de l’armée française.
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Pierre Bonny à l'âge de 19 ans |
« Je suis arrivé à Dien Bien Phu en parachute le 3 avril 1954. Le contact avec la bataille a été immédiat parce que j’étais dans un avion qui était pris dans les tirs de mitrailleuses, quand je suis arrivé à la hauteur de la porte, je voyais du sol des petits points phosphorescents qui montaient en bouquet comme des fleurs de différentes couleurs. C’était en fait des balles traçantes des mitrailleuses Vietminh. Ça fait une drôle d’impression. Ensuite, j’ai sauté dans cet univers de balles traçantes pour arriver au sol sur une zone qui était complètement battue par les tirs de mortiers… La transition a été particulièrement brutale. Pour la première nuit sur Dien Bien Phu, j’ai beaucoup de mal à retrouver mes compagnons qui ont été dispersés par le saut. En fait, il n’y a eu d’organisation que le lendemain. »
60 ans se sont écoulés mais les images de cette première nuit passée à Dien Bien Phu restent gravées dans la mémoire de l’ancien caporal Pierre Bonny. À l’époque, il n’avait que 19 ans. Son régiment, placé sous la direction du lieutenant-colonel Bigeard, avait pour mission de regagner la colline A 1 alors que l’armée française était déjà au bord du gouffre.
Le 7 mai 1954, Pierre Bonny faisait partie des quelque 12 000 militaires français capturés par l’armée vietnamienne. Quatre mois plus tard, il était libéré et rapatrié en France. Contrairement à certains anciens prisonniers qui gardent leur rancune, Pierre Bonny porte un regard objectif sur ses jours de captivité : « Quand j’étais prisonnier, je n’ai jamais été maltraité physiquement par les commissaires politiques, par les gardes des camps. Je sais qu’il n’y a pas eu l’intention de faire le mal. le mal est venu du fait qu’il y avait insuffisance de nourriture et surtout absence totale de soins médicaux. »
À notre question : Que pensiez-vous au moment où la France perdait à Dien Bien Phu, Pierre Bonny répond : « Je considère que les Vietminh ont gagné parce qu’ils méritaient de gagner. Ils ont tout fait pour gagner. Ils ont été particulièrement courageux, particulièrement résistants. L’État major français de son côté a commis des erreurs magistrales. Il s’est trompé sur la capacité des avions à ravitailler le camp retranché de Dien Bien Phu. Les avions n’ont pas pu ravitailler longtemps parce qu’ils étaient cloués au sol par des tirs d’artillerie. Donc, il y a eu des erreurs manifestes de la part du commandement français et il y a eu en face la volonté et le courage et la ténacité des combattants Vietminh. »
Pierre Bonny et sa femme aujourd'hui
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De retour en France, Pierre Bonny a mis fin à sa carrière militaire, s’est marié et a eu quatre enfants. Mais les souvenirs de Dien Bien Phu restés très vivaces dans sa mémoire l’ont poussé à être l’un des premiers anciens prisonniers français à revenir sur l’ancien champ de bataille en 1995 et en 1998. L’occasion pour l’ancien caporal de constater des changements et un développement vigoureux de Dien Bien Phu. Aujourd’hui presque octogénaire, en jetant un regard rétrospectif sur cette période passée au Vietnam en tant que militaire, Pierre Bonny nous affirme qu’il regrette d’avoir participé à la guerre et qu’il tient le Vietnam en haute estime.