(VOVworld) - Ici la Voix du Vietnam, émettant de Hanoï, capitale de la république socialiste du Vietnam. C’est l’indicatif des émissions d’actualités de la radio nationale la Voix du Vietnam sur fond sonore de la chanson « Anéantissons les fascistes ». Il éveille en moi des souvenirs inoubliables.
Je suis née et j’ai grandi à Hanoï dans une famille bourgeoise nationaliste. J’ai fait mes études dans les écoles françaises jusqu’à l’université, puis j’ai suivi une formation privée en anglais pendant trois ans avec une professeur anglaise du nom de Lucille Ha Van Vuong. Après la libération de la capitale, par le biais de Madame Thi, l’une de mes copines, j’ai appris que la Voix du Vietnam recherchait une speakerine en anglais. Je me suis dit qu’il était temps pour moi de faire quelque chose pour la Révolution et j’ai décidé de venir travailler à la radio nationale la Voix du Vietnam.
J’ai eu la chance de rencontrer le président Ho Chi Minh après le transfert du siège de la VOV du maquis de Viet Bac à la capitale. Je me souviens qu’un soir, alors que j’étais venue à la radio pour préparer une émission en anglais, j’ai appris que le président Ho Chi Minh se trouvait à la radio. Notre président se trouvait dans une salle au 58 rue Quan Su, assis derrière une table à côté de Monsieur Tran Lam, le chef de la VOV. Soudainement, il a relevé la tête et il m’a vue. « Qui est cette demoiselle en tunique traditionnelle? a-t-il demandé à Tran Lam. « C’est une élève hanoïenne qui collabore avec la radio... » a répondu Tran Lam.
Le président Ho Chi Minh a hoché la tête et a repris sa conversation avec les employés de la VOV. Le 14 avril 1955, j’ai eu l’honneur de présenter la première émission en anglais de la VOV émise depuis la capitale après la libération de Hanoi. À l’époque, les studios se trouvaient au 58 rue Quan Su. Plus tard, ils ont été transférés rue Ba Trieu. My Dien (un collaborateur qui travaillait au ministère des Affaires étrangères) et moi même avons mis des heures pour enregistrer une émission de 30 minutes car les équipements étaient désuets et le micro tombait souvent en panne. Parfois, nous devions faire du direct. La radio-diffusion était un travail tout à fait nouveau, mais aussi très intéressant car j’adorais l’anglais. Grâce à un journaliste australien chevronné du nom de Wilfred Buchett (décédé malheureusement aujourd’hui) et plus tard à des formateurs australiens, j’ai pu atteindre la maturité dans mon travail. Mon premier formateur à la radio-diffusion était également australien : il s’appelait Dick Diamand et sa femme Lilian Diamond.
En 1965, lorsque les soldats américains ont été massivement envoyés à la guerre dans le sud du Vietnam, la Voix du Vietnam a collaboré avec le Département de propagande et d’agitation dans le camp de l’ennemi, relevant du ministère de la Défense, pour produire des émissions destinées aux GI’s américains au sud du Vietnam. J’étais chargée d’animer ces émissions avec certains de mes collègues. Après quelques émissions, nous avons reçu un écho de la radio La Voix d’Amérique qui nous a été fourni par le ministère vietnamien des Affaires étrangères. Cela nous a fait un énorme plaisir et nous étions encore plus conscients de notre tâche. La première émission s’intitulait «Message aux GI’s américains » (A small talk to American GI’s) et avait duré cinq ou six minutes. Elle était insérée au milieu d’une émission quotidienne de la section anglaise. Puis, elle est passée à 15 puis à 30 minutes avant de se transformer en une émission complète avec de la musique destinée aux soldats américains. Feu le Premier ministre Pham Van Dông s’est ensuite rendu à la radio pour mieux connaître les émissions destinées aux GI’s américains. Il m’a félicitée et m’a encouragée à m’exprimer davantage sur les ondes. Lors de ces émissions, je me présentais toujours comme suit :
«Thu Huong parle aux militaires américains en campagne dans le Sud du Vietnam» (This is Thu Huong calling American Servicemen in South Vietnam), mais les GI’s américains m’appellaient Hanoï Hannah. Plusieurs journalistes étrangers m’ont interrogée sur ce pseudonyme. Je leur répondais que c’était peut-être parce que l’émission était diffusée depuis Hanoï. Hannah est un prénom de femme qui commence par un H comme mon prénom Thu Huong. Les soldats américains adoraient les jeux de mots. La manière dont les soldats américains m’appelaient ne m’intéressait pas, ce qui comptait est qu’ils écoutaient nos émissions en leur faveur.
En 1967, avec un groupe de collègues conduit par Monsieur Tran Lam, le directeur de la VOV, je suis allée au palais présidentiel pour présenter mes voeux de longévité au président Ho Chi Minh. Le président m’a offert une rose et j’ai pris des photos avec lui. Ces photos, je les garde comme un objet sacré. À cette époque-là, l’aviation américaine bombardait le Nord du Vietnam. Nous devions changer régulièrement les lieux de nos émissions et nous étions divisés en deux groupes : l’un évacué et l’autre qui restait pour travailler à Hanoï. En fait, ce qui était étrange, c’est que tous mes collègues préféraient rester à Hanoï alors que c’était extrêmement dangereux et qu’il y ait souvent des avertissements de bombardements. J’ai vu de mes propres yeux un avion américain prendre feu après avoir été touché par nos missiles (cet événement s’est produit pendant les avertissements de bombardement alors que nous étions dans les studios qui donnaient sur la cour et dont la fenêtre avait été démontée pour être peinte. Nous avons hurlé de joie !
Puis Saigon a été libérée. Je suis la speakerine qui a annoncé en direct depuis les studios la nouvelle de la victoire à 17 heures. Vu mes modestes contributions aux activités de la radio, l’État m’a décorée de la médaille de résistance anti-américaine, 1ère classe et du titre d’Artiste émérite en 1993.
Après la libération totale du Sud, la radio m’a autorisée, pour les raisons familiales, à travailler à la télévision de Ho Chi Minh-ville. Ça a été un véritable sacrifice que de quitter ce boulot que j’avais tellement aimé. J’ai dit au revoir à mes collègues dans les larmes et avec plein d’émotions. Je me souviens à jamais de mes collègues de la section anglaise qui m’ont accompagnées jusqu’à la gare de Hàng Co pour le train vers le Sud.
Je me permets de refermer mes souvenirs par les strophes d’une chanson du compositeur Hoang Hiep : «Où que je vis, je pense toujours à Hanoï». Hanoï, la capitale bien aimée, où sont diffusées tous les jours les émissions de la Voix du Vietnam pour la paix et l’amitié, vivra à jamais dans mon coeur et constitue le souvenir de la meilleure étape de ma vie./.