(VOVWORLD) - Le Parlement européen a finalement adopté, ce mercredi 10 avril à Bruxelles, le «pacte migratoire», fruit d'un difficile compromis sur un sujet qui alimente tensions et divisions entre les Vingt-Sept depuis une décennie. Ce «pacte sur la migration et l’asile», qui comprend une dizaine de législations, durcit les contrôles des arrivées aux frontières de l’Union européenne et met en place un système de répartition des réfugiés entre les États membres.
L’adoption de ce pacte marque en tout cas une avancée historique pour le bloc, qui se donne ainsi les moyens de relever l’un des plus grands défis auquel il est confronté.
Une avancée historique
Des migrants sont amenés au port de La Restinga, dans les îles Canaries, en Espagne, après avoir été secourus en mer. Photo d’illustration: AFP/AVI |
La réforme introduit un «filtrage» obligatoire des migrants arrivant aux frontières de l’Union européenne, en les enregistrant dans une base de données commune, Eurodac. Une «procédure à la frontière» est prévue pour ceux qui sont a priori les moins susceptibles d’obtenir l’asile: ils seront retenus dans des centres le temps que leur dossier soit examiné de façon accélérée, dans un délai maximum de sept jours. À l'issue de ce délai maximum, la personne concernée est soit orientée vers une procédure d’asile - classique ou accélérée - soit renvoyée dans son pays d’origine ou de transit.
Le nouveau système, qui remplace le règlement Dublin III, maintient le principe général en vigueur selon lequel le premier pays d’entrée dans l’Union européenne d’un demandeur d’asile est chargé de l’examen de son dossier. Cependant, le nouveau traité légifère sur le partage des responsabilités au sein de l’Union, obligeant les autres pays à participer à l’accueil et au relogement des migrants, des réfugiés ou des personnes ayant droit à une protection internationale. En cas de refus d’accueil de réfugiés, le pays est tenu de contribuer financièrement ou d’apporter des soutiens matériels et techniques aux pays qui sont en première ligne. Ce dernier point marque un changement particulièrement important. Il faut se souvenir en effet que les débats sur les «quotas» de réfugiés avaient provoqué de graves dissensions au sein de l’Union européenne lors de la crise des réfugiés de 2015-2016. De nombreux pays, comme la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie ou encore la Slovaquie, avaient résolument refusé d’accueillir des réfugiés tandis que l’Italie, la Grèce et l’Espagne, du fait de leur positionnement géographique, avaient dû en accueillir des centaines de milliers...
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. Photo: globeecho |
L’adoption de ce nouveau traité sur la migration et l’asile constitue un grand succès politique pour l’Union européenne à deux mois des élections au Parlement européen, prévues du 6 au 9 juin prochain. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a d’ailleurs salué comme il se devait l’adoption de ce pacte historique après 8 ans d’impasse.
«Nous avons validé un cadre législatif robuste de gestion de la migration et de l’asile. Ce pacte, qui est valable pour tous les États membres, place l’homme au- dessus de tout et garantit la sécurité des frontières extérieures de l’Union européenne, contribuant ainsi à assurer un équilibre entre solidarité et responsabilité», a-t-elle déclaré.
De nombreux autres dirigeants européens tels que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chancelier allemand Olaf Scholz ont également salué le nouveau traité, le qualifiant de «pas en avant» important pour l’Europe dans la prévention de la migration irrégulière. Matteo Piantedosi, le ministre de l’Intérieur de l’Italie, qui est sans doute le pays européen qui accueille le plus de migrants et de réfugiés, a également déclaré que le nouveau traité était un ensemble des «meilleurs compromis possibles» entre les pays de l’Union européenne à l’heure actuelle.
Des polémiques sur les droits des migrants
Le nouveau traité fait cependant grincer quelques dents. Si les dirigeants européens semblent s’en satisfaire, les organisations non gouvernementales opérant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, parmi lesquelles Amnesty International, le Comité international de secours (The International Rescue Committee) ou encore Oxfam, estiment que ce durcissement des réglementations est de nature à affecter les droits des migrants et des réfugiés qui fuient la guerre, les conflits et la pauvreté, et que le droit international est censé protéger. Certaines des dispositions du nouveau traité, notamment les dispositions relatives à la détention temporaire, à l’examen rapide des documents, à l’expulsion et au rapatriement, font aussi l’objet de nombreuses critiques...
En outre, beaucoup d’organisations non gouvernementales voient dans la signature de ce traité l’influence de plus en plus prégnante d’une certaine droite européenne… Johannes Rueckerl, lui, est le porte-parole de Seebrucke, une organisation non gouvernementale spécialisée dans la protection des droits des migrants.
«Nous nous opposons à ce nouveau pacte sur la migration et l’asile car il ne résout rien, pour les migrants, qui vont se retrouver confrontés à plus de dangers et dont les droits ne seront plus garantis», a-t-il fait observer.
Comme tout nouveau traité, le «pacte migratoire» qui vient d’être adopté à Bruxelles va devoir passer l’épreuve du terrain (entrée en vigueur en 2026), et ce n’est pas gagné d’avance car outre les organisations civiles, certains pays, comme la Pologne, y sont hostiles. À ceux-là, s’ajoutent un certain nombre de partis populistes ou d’extrême droite, qui ont le vent en poupe en cette veille d’élection au parlement, et qui réclament, quant à eux, des mesures beaucoup plus restrictives encore… Autant dire que la question migratoire n’a pas fini d’agiter l’Union européenne…