(VOVWORLD) - À l’initiative du président français Emmanuel Macron, une dizaine de dirigeants de pays de l’UE et de l’OTAN se sont réunis en urgence ce lundi 17 février à Paris pour aborder les défis sécuritaires et stratégiques auxquels l’Europe est confrontée. Cette réunion s’est tenue à peine un jour après la Conférence de sécurité de Munich, qui a mis en lumière de profondes secousses pour le continent. L’Europe, tenue à l’écart des négociations entre Washington et Moscou sur la fin du conflit en Ukraine, a également essuyé de vives critiques de hauts responsables américains, assorties de menaces de retrait des garanties de sécurité que les États-Unis assurent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Une nouvelle ère pour l’Europe
Le président français Emmanuel Macron (à droite) et le Premier ministre britannique Keir Starmer à l'Elysée (Paris), le 17 février. Photo: Reuters |
Le sommet d’urgence à Paris a rassemblé des pays que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qualifie de «volontaires et capables» pour participer à la construction de la future architecture de sécurité européenne. Parmi eux: la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, le Danemark (représentant les États baltes) et le Royaume-Uni, qui a quitté l’UE en 2016. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, était également présent.
Selon les observateurs, trois «nouvelles réalités» s’imposent aux dirigeants européens depuis la Conférence de sécurité de Munich: d’une part, les États-Unis et l’Europe ne partagent plus les mêmes valeurs, qui constituaient pourtant le socle de leur alliance transatlantique depuis 1945; d’autre part, l’Europe ne peut plus compter sur la protection américaine pour assurer sa sécurité; enfin, le plan américain visant à résoudre le conflit en Ukraine ne tient pas compte du rôle de l’Europe. Face à cette situation, l’Europe doit rapidement adapter sa vision et élaborer un plan d’action d’urgence pour préserver sa voix, non seulement sur la question ukrainienne, mais aussi dans la construction d’une nouvelle architecture sécuritaire pour le continent.
Bien que les discussions n’aient pas été rendues publiques, les dirigeants européens ont unanimement souligné que l’Europe traversait un moment décisif.
«C’est un moment unique, qui ne se présente qu’une fois par génération, pour la sécurité collective de l’Europe. Nous devons admettre que nous avons franchi le seuil d’une nouvelle ère, sans chercher à revenir à la sécurité du passé. Il est désormais temps pour l’Europe de prendre pleinement en charge sa propre sécurité», a déclaré le Premier ministre britannique, Keir Starmer.
Un autre consensus majeur du sommet concerne l’augmentation des dépenses de défense. Juste avant la réunion, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait appelé les États membres à assouplir les règles budgétaires pour donner la priorité aux dépenses militaires, tout en révisant le Pacte de stabilité et de croissance de l’UE afin de rendre plus flexible la règle des «déficits budgétaires inférieurs à 3% du PIB».
Fin 2024, les dépenses de défense des pays de l’UE dépassaient les 320 milliards d’euros. Mais selon Ursula von der Leyen, ce montant doit être considérablement revu à la hausse, un point également souligné à plusieurs reprises par le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. «Les pays européens membres de l’OTAN doivent augmenter leurs dépenses de défense. Si les contributions actuelles sont insuffisantes, elles devront être relevées jusqu’à près de 3% du PIB. Pour l’instant, je n’ai pas de chiffres précis, mais nous nous baserons sur les faits, les données et les processus de renforcement des capacités. Si la situation reste inchangée, l’Europe ne parviendra pas à atteindre ses objectifs de sécurité et sera vulnérable dans les 4 à 5 prochaines années», a-t-il indiqué.
Comment garantir la sécurité de l’Ukraine ?
La question de l’implication européenne dans la résolution du conflit en Ukraine a été largement débattue lors du sommet, sans aboutir à des conclusions concrètes. Après la réunion, le chancelier allemand Olaf Scholz a affirmé que les pays européens étaient d’accord pour ne pas reconnaître d’accord coercitif avec l’Ukraine. Toutefois, les opinions restent partagées quant à la manière dont l’Europe pourrait garantir la sécurité ukrainienne à l’avenir, d’autant plus qu’elle n’a pas été incluse dans les négociations entre les États-Unis et la Russie.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz. Photo: TTXVN |
La déclaration de Keir Starmer évoquant la possibilité d’envoyer des troupes britanniques en Ukraine a été accueillie avec prudence. La Pologne a exclu d’en faire autant, rappelant qu’elle assume déjà une lourde charge en matière de sécurité sur le flanc est de l’OTAN. De son côté, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a jugé inopportun d’aborder ce sujet à ce stade. «Il est trop tôt et totalement inapproprié de discuter de cette question en ce moment. Honnêtement, ces discussions me dérangent. On évoque différents scénarios sans tenir compte de l’Ukraine, des négociations de paix qui n’ont même pas encore commencé, alors que l’Ukraine n’a pas encore décidé si elle y participerait. C’est inapproprié et, pour être honnête, personne ne sait ce que l’avenir nous réserve», a-t-il insisté.
D’après Daniela Schwarzer, experte en politique et membre dirigeante de l’institut Bertelsmann Stiftung (Allemagne), l’Europe risque de rencontrer de nombreuses difficultés dans l’élaboration d’un plan d’action commun pour la sécurité de l’Ukraine si les États-Unis et la Russie trouvent un accord de paix. Elle souligne la forte dépendance des pays européens vis-à-vis des États-Unis, tant sur le plan politique qu’en matière de sécurité.
Selon elle, certains États, comme l’Italie, la Hongrie et la Pologne, qui entretiennent de bonnes relations avec l’administration Trump, ne souhaitent pas que l’Europe adopte des politiques susceptibles de nuire aux relations transatlantiques. À l’inverse, l’Allemagne et la France ont ouvertement critiqué plusieurs décisions américaines.
Un autre défi majeur réside dans la faiblesse des capacités de défense européennes. À l’heure actuelle, l’Europe ne dispose pas des ressources nécessaires pour assurer seule une mission de surveillance et de maintien de la paix en Ukraine si un tel scénario venait à se concrétiser.
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, fervent partisan de l’idée d’envoyer des troupes européennes en Ukraine après la fin du conflit, reconnaît que ce plan ne serait guère réalisable sans le soutien américain. C’est dans cette optique qu’il prévoit de se rendre aux États-Unis ce week-end pour tenter de convaincre le président Donald Trump de maintenir ses engagements envers l’Ukraine et la sécurité européenne.