(VOVworld) – Deux semaines après la déclaration de la Russie d’abandonner son projet de gazoduc South Stream, les partenaires de ce projet avorté devaient se réunir ce mardi à Bruxelles. Le but : remettre sur les rails ce projet énergétique sensé assurer les approvisionnements en gaz de l’Europe et apporter à chacun un bénéfice considérable. Une solution adéquate pour ce blocus semble trop difficile à conclure pour l’instant.
Photo: AVI
South Stream, littéralement « Flux du Sud », était un projet de gazoduc paneuropéen qui, dès 2015, devait relier la Russie à l'Europe centrale. Ce gazoduc devait avoir une capacité de 63 milliards de mètres cubes de gaz par an. South Stream devait relier la Russie à la Bulgarie en passant sous la mer Noire, et via la Serbie, la Croatie, la Slovénie et la Hongrie, avant d’arriver en Autriche.
Elaboré par Gazprom, il était destiné à approvisionner l’Europe en gaz russe en contournant l’Ukraine, source de plusieurs conflits ayant provoqué des coupures d'approvisionnement de l'Europe. Mais le président russe a annoncé, au début du mois, l'abandon du projet. Il veut substituer à South Stream un nouveau projet passant par la Turquie, qui n’est pas membre de l’Union européenne.
Un arrêt - tous perdants
Les pays et les groupes économiques impliqués dans le projet sont aujourd’hui les grands perdants.
La Serbie a jusqu’ici investi 30 millions d'euros dans la construction de South Stream et espérait en gagner autant grâce aux frais de transport du gaz sur son territoire. Son ministre des Affaires étrangères Ivica Dacic a déclaré que l’arrêt du projet obligerait son pays à s’approvisionner en gaz grâce au gazoduc passant par une Ukraine en conflit.
L’Autriche, qui a construit sur son territoire des dépôts pétroliers, pourrait souffrir encore davantage.
La Bulgarie perdrait quant à elle le statut de pays transitaire, ce qui lui coûterait 600 millions d’euros par an, estime l’ex-ministre bulgare de l’Energie Rumen Ovcharov.
De son côté, la Hongrie serait obligée de chercher de nouveaux fournisseurs de gaz pour remplacer South Stream.
Les groupes économiques devront aussi payer cher. L’Italien Saipem - la société de services pétroliers- perdrait 1,6 milliards d’euros, alors que les éventuels dégâts subis par les autres compagnies européennes sont estimés à 2 milliards. Côté russe, le géant gazier Gazprom a déjà investi 4 milliards d’euros dans les travaux sur le territoire national.
Sur le long terme, la suspension de South Stream changerait non seulement la carte de sécurité énergétique européenne, mais impacterait également les relations russo-européennes, et les questions internes de l’Union européenne, d’une manière qui ne plaîrait certainement pas à Bruxelles.
Les raisons politiques et économiques
Le président russe a justifié l’abandon du projet par le refus de la Bulgarie, sous pression de l’Union européenne dont elle est membre, d’autoriser le passage de ce tuyau sur son territoire. Selon la Russie, la Commission européenne aurait estimé que South Stream viole la loi de la concurrence et va à l’encontre de la politique de diversification des sources d'approvisionnements énergétiques de l’UE. Mais en réalité, la vraie raison est le refus de l’UE de dépendre de la Russie sur le plan énergétique, maintenant que l’une et l’autre s’imposent des sanctions économiques.
En plus des divergences politiques, il existe aussi des causes purement économiques. En 2007, Gazprom a estimé que South Stream ne nécessiterait que 8 milliards d’euros, mais le chiffre a quadruplé cette année. Ce budget est jugé excessif pour le géant russe qui a besoin d’une aide financière du gouvernement. Une aide qui semble impossible compte tenu des embargos économiques occidentaux. En revanche, si l’on construit un nouveau gazoduc passant par la Turquie et menant vers l’Europe du Sud, les investissements ne s’élèveront qu’à 8 milliards d’euros comme les prévisions initiales.
Quelle opporturnité ?
Suite à l’annonce du président russe, Gazprom a déclaré samedi dernier qu’il se retirerait du projet South Stream en l’absence de conditions favorables des officiels européens. Mais en réalité, Moscou n’a pas encore annulé officiellement l’accord intergouvernemental avec les Etats-membres du projet. A l’exclusion de la société Saipem, le principal maître d’oeuvre, aucune partie n’a été avisée.
Selon l'expert de la société russe Finam Asset Management, Dmitri Baranov, le projet South Stream pourra être relancé si l'Union européenne revient sur sa position. Le Premier ministre bulgare Boyko Borisov a immédiatement répondu favorablement en envoyant son adjoint Tomislav Donchev et le ministre de l’Energie Temenujka Petkov à Bruxelles.
Maros Sevcovic, vice-président de la Commission européenne pour les questions énergétiques, a pour sa part indiqué que l'Union européenne n'avait pas encore annulé la réunion prévue entre les pays participant au projet South Stream le 9 décembre, malgré la déclaration russe d’abandonner le projet.
Est-il possible que South Stream soit remis sur les rails ? Cela dépend de la bonne volonté des parties.