(VOVworld) - Tous les chants populaires vietnamiens puisent leur origine dans le travail quotidien des habitants. Le vi et le giam, qui sont l’apanage des provinces voisines de Nghe An et de Ha Tinh, au centre du pays, ne font pas exception. Ils viennent d’être inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Photo: Nghe An
Les premiers chants vi et giam étaient bien plus simples que ceux qu’on entend aujourd’hui. C’étaient les confidences des filles qui tiraient des fils, qui tissaient ou qui allaient au champ… Avec le temps, ces chants sont devenus plus élaborés, tant sur le plan musical qu’au niveau des paroles. Selon l’ethnomusicologue Tran Quang Hai, le vi et le giam méritent d’être plus connus :
« Les chants populaires des provinces de Nghe An et de Ha Tinh sont méconnus au Vietnam. Peu de gens connaissent les caractéristiques du vi ou du giam. Le vi est en fait un chant alterné qui porte sur les activités quotidiennes comme le tissage, la confection de chapeaux coniques ou la récolte du riz… Il met en musique des genres poétiques chers aux Vietnamiens tels les fables, les mètres six-huit et double septs-six-huit. Quant au giam, c’est un chant individuel qui dispose de rythmiques différentes traduisant toute la richesse de la musique traditionnelle vietnamienne. Il est basé sur les échelles musicales de 5, 4 et 3 hauteurs, qui sont spécifiques aux Vietnamiens ».
Le vi est un chant libre sans rythme fixe ni mesure stricte. Le chanteur peut laisser libre court à sa créativité. Les seules restrictions sont la longueur des vers et la tonalité des syllabes. En revanche, le giam a un rythme précis, avec des temps forts et des temps faibles. Ça peut être un chant confidentiel, un chant qui raconte une histoire, qui présente des excuses ou qui donne des conseils… Le vi et le giam sont en tout cas tous deux interprétés par les habitants sur leurs lieux de travail : dans les villages d’artisanat, sur la rivière, dans la forêt, pendant les vacances agricoles ou les fêtes.
Les valeurs universelles de ces chants populaires ont convaincu les membres les plus exigeants du comité d’examen des dossiers de la Convention de 2003 de l’UNESCO. « Transmis de génération en génération dans les communautés de Nghe Tinh (mot composé de Nghe An et Ha Tinh- NDRL), les chants ví et giam occupent une place importante dans leur vie culturelle et spirituelle, reflétant leur identité culturelle et exprimant leur mode de pensée et leurs sentiments”, lit-on sur le site officiel de l’UNESCO.
Aussitôt après avoir lu les remarques du comité d’examen des dossiers, Marc Jacobs, représentant de la Belgique, l’un des 24 pays membres du comité intergouvernemental de la Convention de 2003, s’est montré particulièrement élogieux :
« Le document présenté par le Vietnam est excellent et intéressant à étudier. Je dois remercier ce pays pour la qualité de son dossier. »
Les paroles du vi et du giam reprennent le dialecte et les idiomes spécifiques des provinces de Nghe An et Ha Tinh et les praticiens les chantent avec le timbre de voix et l’accent typiques des locaux. Selon de nombreux spécialistes, il serait beaucoup plus facile de sauvegarder ces chants traditionnels que d’autres formes de patrimoine culturel immatériel pour plusieurs raisons : primo, ils font la fierté des autochtones ; secundo, les paroles sont très simples puisqu’elles sortent directement de la vie quotidienne; et tertio, leur interprétation ne requiert aucune sophistication particulière. Pour le professeur Nguyen Chi Ben, ancien directeur de l’Institut de la Culture et des Arts du Vietnam, membre du comité patrimonial national, ce sont les maîtres de chant qui préserveront le mieux leur art traditionnel.
« Les maîtres de chant sont la solution fondamentale. Il faut faire en sorte que les concours permettent de distinguer les vrais maîtres des simples praticiens. L’important est que ces maîtres transmettent tout leur savoir, pas uniquement par voie orale comme auparavant, mais à l’aide d’enregistrements sonores et audiovisuels, pour faciliter l’apprentissage. Mais ce qui est encore plus important, c’est de reconnaître officiellement leur statut de maîtres de chant pour qu’ils pratiquent dignement leur métier et transmettent leur précieux savoir. »
Toujours selon Nguyen Chi Ben, le Vietnam aurait intérêt à s’inspirer de l’exemple du Japon qui a attribué un certificat aux maîtres d’art en créant des conditions favorables à la pratique de leur métier. C’est la condition indispensable à la préservation des valeurs du patrimoine culturel immatériel de génération en génération, a-t-il conclu.