Les épopées-une originalité culturelle du Tay Nguyen

(VOVworld)- Couvert par les jungles touffues des hauts plateaux du Centre du Vietnam, le Tay Nguyen abrite de nombreuses ethnies minoritaires et autant de mystères. Il est réputé non seulement pour son espace culturel des gongs, ses fêtes de sacrifice du buffle, ses nuits d’ivresse mais aussi par ses épopées transmises de génération en génération. Il y a plus de 70 ans, des chercheurs français ont recueilli et publié l’épopée Đam San des Edes. A leur tour, les chercheurs Vietnamiens ont réussi à recueillir des épopées des Banars, des Jrais et des M’nongs, un énorme trésor culturel.


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A l’occasion des événements importants du village, les conteurs réunissent autour d’un feu les villageois désireux d’en savoir toujours plus sur les histoires ayant marqué leur régime matriarcal.
(Photo : Internet)


Les épopées du Tay Nguyen sont de véritables annales retraçant le processus de création et de développement socio-historique des ethnies locales. De la création de l’univers à la naissance de l’homme, des contes mythiques à des explications poétiques des moeurs et coutumes des autochtones, ces épopées constituent la grande saga du Tay Nguyen d’antan. Les plus célèbres d’entre elles sont Đam San et Khinh Du des Edes ; Dăm Noi, Xing Chion, Xinh Ch’nhiep des Banars ; ou encore « La saison champêtre de Bon Tiang », « La perche magique » des M’nongs. Ces épopées racontent souvent des exploits de héros ayant protégé le village des forces des ténèbres. A l’occasion des fêtes ou des événements importants du village, les conteurs réunissent autour d’un feu les villageois désireux d’en savoir toujours plus sur les histoires ayant marqué leur régime matriarcal. Les contes commencent ainsi : « Oh garçons et filles ! Que vous soyez proches ou loin, venez tous vous asseoir à côté de ce feu. Laissez-moi vous raconter cette histoire d’amour entre un garçon et une fille ! » Assis ou allongé, le conteur peut passer des nuits entières à raconter son histoire. Mais le lieu où il s’installe et l’espace qui l’entoure doivent être absolument solennels, et les auditeurs parfaitement silencieux.


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Y Blo, H’Nhé et Y Hil racontent des épopées aux vilalgeois
(Photo : L.Vân)




Les épopées du Tay Nguyen sont transmises oralement et la plupart a une origine folklorique. Certaines nécessitent jusqu’à cinq jours pour être racontées, cela dépend beaucoup de l’imagination du conteur et de l’état de sublimation dans lequel il peut se mettre. Il n’existe pas de mélodie fixe, le conteur pouvant se permettre une improvisation libre en termes de hauteurs et de longueurs des notes. Il peut à la fois chanter, conter, dialoguer et imiter les gestes des personnages, tel un acteur de théâtre. C’est un artiste polyvalent qui crée l’oeuvre chaque fois qu’il la raconte en mettant en scène des situations de suspense. C’est aussi un imitateur exceptionnel capable de reproduire des voix féminines, masculines, des voix de diables comme des voix de fées. C’est encore un commentateur pertinent qui ne rechigne surtout pas à donner sa remarque sur la personnalité de tel ou tel personnage ou sur l’évolution de l’histoire. Parlant d’histoire, les épopées du Tay Nguyen sont une combinaison entre exploits héroïques et amour de couple. C’est en tout cas ce que nous explique Y Wơn, un collectionneur d’épopées, à travers le fameux ouvrage Đam San des Edes :

« Cette épopée est l’histoire de Đam San qui a une femme douce qui s’occupe bien du ménage. Elle a une peau blanche comme le pétale d’une fleur. Chaque pas qu’elle fait attire le regard des hommes de l’est du village comme de ceux de l’ouest du village. Vue de devant, elle est d’une beauté sculpturale. De derrière, ses courbes n’en finissent pas d’hypnotiser les yeux qui les suivent. A chaque pas, sa jupe laisse apparaître sa cuisse qui brille telle une étincelle en pleine nuit. » Indique-t-il.

Avec plusieurs centaines de titres déjà collectionnés, les épopées du Tay Nguyen constituent une « encyclopédie » de la vie culturelle et spirituelle des ethnies des hauts plateaux. Cependant, de moins en moins de personnes s’y intéressent, alors que les conteurs se raréfient et que nombre d’entre eux risquent de passer dans l’autre monde en emportant le trésor qu’ils n’ont pas eu l’occasion de léguer aux descendants. Dans le but d’édifier une culture vietnamienne avancée mais empreinte d’identité nationale, l’Etat a décidé de financer le recueil, la traduction et la présentation des épopées du Tay Nguyen à d’autres peuples du monde. Au cours des 10 dernières années, 20 milliards de dongs ont été dépensés à cet effet. Le secteur culturel a réussi à enregistrer plusieurs centaines d’épopées, à ouvrir de nombreuses classes pour apprendre aux jeunes l’art de réciter ces longs poèmes, à introduire ces oeuvres à l’école et dans des festivals. Après l’espace culturel des gongs, les services compétents sont en train d’élaborer un dossier sur les épopées du Tay Nguyen pour qu’elles soient à leur tour classées par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel et oral de l’humanité.

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