(VOVworld)- Ama H’Loan est de ces hommes rares, qui savent à la fois fabriquer des instruments et en jouer. Les habitants du village K’Thon, de la commune de Tan Loi, à Buon Ma Thuot, le surnomme «K’nia». Car à l’instar de cette espèce d’arbre reconnue pour sa longévité et son ombre généreuse, le vieil artisan déploie ses efforts pour préserver la culture de son ethnie Ede.
Ama H’Loan n’a aucune formation musicale. Il ne connaît pas les techniques du solfège. Et pourtant, à l’écoute des flûtes qu’il fabrique, on comprend que l’on a à faire à un artisan génial. C’est parce qu’Ama H’Loan donne de l’importance à des petits détails comme la languette, par exemple:
Ce n’est pas facile de faire une languette. Il faut parfois en rater des dizaines avant d’en réussir une. Moi, je réussis à chaque coup car je mets tout mon cœur à l’œuvre. Je pense à l’Oncle Ho qui disait: rien n’est difficile, pourvu qu’on soit patient.
Aujourd’hui septuagénaire, Ama H’Loan est un homme vaillant. Tout en bavardant avec nous, il s’échine sur une languette, la partie qui fait sonner la flûte. C’est un homme toujours actif; s’il n’est pas dans les rizières, il fabrique une flûte. Ce savoir-faire lui vient de ses ancêtres:
Comme mon père et mon grand-père, je suis autodidacte. D’abord, j’écoute beaucoup. Quand je connais les mélodies par cœur, j’essaie en tâtonnant. Petit à petit, j’apprivoise mon instrument.
Ama H’Loan joue depuis qu’il est enfant. Et il fait tout pour maintenir les valeurs culturelles de son ethnie Ede. Cela commence par préserver les instruments musicaux traditionnels. Au début, il n’était pas compris dans son village. On trouvait son loisir bien futile quand la priorité est de gagner sa vie. Mais à force de persevérance, l’homme a réussi son coup: pouvoir transmettre sa passion à la jeune génération:
J’étais secrétaire adjoint de la section de la jeunesse communiste Ho Chi Minh de la province de Dac Lac. Je savais donc ce qu’aiment les jeunes. Bien sûr les choses évoluent; on ne s’y prend pas de la même manière pour transmettre. Pour que les jeunes puissent à leur tour préserver notre tradition musicale, cela prend du temps.
Ama H’Loan est toujours disponible pour montrer comment jouer de la flûte traditionnelle. Il accepte aussi volontiers d’animer des ateliers ouverts par d’autres localités pour former des musiciens ou des facteurs d’instruments. Et ça marche! Il fait des émules parmi les jeunes. On a rencontré Y Luynh M’Loo, 24 ans, un jeune musicien de Buon Ma Thuot:
Il m’apprend à fabriquer des instruments. Il ne reste que quelques artisans comme lui qui donnent des cours. C’est difficile la fabrication des instruments. Il me montre comment choisir le bambou, le tailler pour obtenir les meilleurs sons. C’est un bon pédagogue. Souvent, j’invite d’autres personnes à suivre ses cours afin de sauvegarder ensemble les us et coutumes du Tay Nguyen.
La maison d’Ama H’Loan est remplie de sons de flûtes et de rires. Le vieil artisan est à son comble:
A présent, une dizaine de personnes maîtrise cet instrument. Je suis heureux. Bien sûr je voudrais que d’autres préservent notre culture.
Au fond, le vieil artisan ne souhaite qu’une seule chose, être le passeur entre une tradition musicale en voie de disparition et la jeune génération qui a tout intérêt à préserver sa culture ancestrale./.