Nguyễn Hồng Mỹ habite dans sa petite maison située au bord du fleuve Rouge, à Hanoi. Il a plutôt l’allure d’un artiste qu’un pilote. Quand il a su que j’étais journaliste et que je souhaitais faire un reportage sur lui, il m’a dit: « Je ne suis que le premier à avoir abattu un avion de combat américain, à bord d’un MIG 21, en 1972. Je ne suis pas un héro. Pourquoi vouloir parler de moi dans les médias?» C’est une fois après avoir commencé d’évoquer ses souvenirs du front, que son enthousiasme pris le dessus comme si c’était hier. Ses mains tremblantes ouvraient les albums de photos d’autrefois et ses yeux se remplir de larmes quand il évoqua ses compagnons d’arme tombés au champ d’honneur...

Nguyen Hong My est né en 1946 dans la province centrale de Nghe An. C’est en 1965, quand il était encore étudiant à l’Université d’économie à Hanoi, qu’il fut recruté comme pilote et envoyé avec 120 autres jeunes en ex-Union Soviétique pour être formé au métier de pilote. Sa formation aurait du durer 7 ans, mais comme le pays avait grandement besoin de ses pilotes, elle fut ramenée à trois ans. A son retour, Nguyen Hong My fit partie des 19 jeunes hommes vietnamiens à être pilote de MIG 21:

Je ne pensais pas que je serais choisi pour suivre cette formation de pilote. Dans mon école, il n’y avait que trois personnes choisies: Hoàng Văn Phú, Nguyễn Văn Bảy et moi.... A l’époque, nous étions très enthousiastes. Nous ne pensions pas du tout à nos propres intérêts. Tout ce que nous souhaitions, c’était de travailler bien et vite pour pouvoir terminer la formation dans les meilleurs délais afin de revenir au pays et  défendre la Patrie. Nos familles ne savaient pas que nous étions en formation à l’étranger pour devenir pilotes. Nous nous trouvions en ex-Union Soviétique mais nos lettres portaient toujours le cachet de la poste de Hanoi avec notre adresse Hanoienne.

En 1968, Nguyen Hong My est rentré au Vietnam avec un désir ardent de combattre. A peine un mois après son retour, lui et ses compagnons d’arme étaient déjà en vol. Les avions de combat pouvaient décoller de n’importe où: l’aéroport de Noi Bai, certes, mais aussi Vinh, Thanh Hoa ou encore Hai Phong. Mais début 1972, les Américains ont fait parvenir près de 1.000 avions stratégiques, 152 bombardiers B52 et 66 porte-avions. A l’époque, l’armée de l’air vietnamienne ne possédait elle que 180 MIG.

Les Etats-Unis avaient l’avantage du nombre, et sur une simple comparaison de moyens, nous n’aurions jamais pu les battre. Mais nous avions un bel avantage: nous combattions dans notre pays, dans notre ciel. Nous n’avions rien à craindre.

Le 17 janvier 1972, pour la première fois en tant que pilote, Nguyen Hong My fut confronté à un avion ennemi. My et un autre compagnon d’arme ont tiré 8 missiles mais aucun n’a touché sa cible. Deux jours plus tard, ils effectuèrent une autre sortie dans le ciel.

Ce jour-là, on a rencontré beaucoup d’avions américains. Au début 16, puis 8 autres. J’étais en équipe avec Lê Minh Dương. Puisque les ennemis étaient trop nombreux, nous devions nous séparer pour les combattre. J’ai vu un F4 à Hoa Binh, mais ce n’était qu’à Nghe An que nous avons pu l’abattre. Quand je me trouvais sur l’espace aérien de Thanh Hoa, le QG me dit de revenir car mon Mig était bientôt à sec, mais comme je n’avais pas réussi à l’abattre, et que cela me restait en travers de la gorge, je l’ai poursuivi jusqu’à Nghe An. A ce moment-là, tous les voyants clignotaient, m’avertissant qu’il ne restait plus de carburants. J’ai tiré sur l’avion ennemi en criant: «Feu», puis je suis retourné à Thanh Hoa… Les mécaniciens m’ont dit en arrivant que si le vol avait duré une minute de plus, mon avion se serait crashé.

Après son exploit dans le ciel de Nghe An, Nguyen Hong My a reçu une médaile de la main du président Ho Chi Minh. C’était le premier avion de combat américain abattu par les forces aériennes vietnamiennes. Toujours en 1972, le 16 avril, lors d’un combat en l’air, son MIG 21 fut touché par un F4 de l’armée américaine, dirigé par un certain Daniel Edwards Cherry. My s’en sortit avec les 2 bras cassés et il fut démobilisé. Il entama des études de langue, puis d’économie avant de se marier et donner naissance à deux enfants.

En 2007, en visite au Vietnam, le général américain Daniel Edwards Cherry chercha le pilote vietnamien qu’il avait abattu en 1972. En avril 2009, le général américain invita l’ancien pilote vietnamien Nguyen Hong My à se rendre aux Etats-Unis. A cette occasion, le gouverneur du Kentucky remis à Nguyen Hong My à titre honorifique, le grade de colonel. Le portrait de l’ancien pilote vietnamien fut même imprimé sur un timbre américain. Aujourd’hui, la petite maison de Nguyen Hong My à Hanoi est toujours remplie de rires d’enfants. Pour lui, c’est son plus grand bonheur.

Ce n’est que depuis peu de temps qu’on me connaît. On savait seulement que j’avais des pensions de retraite. Quand ils apprirent que mes pensions étaient d’environs 200 dollars, le général américain eut tellement de peine qu’il se mit à pleurer. Je lui ai dit que pour moi, c’était déjà bien car beaucoup d’autres personnes ayant été meilleurs que moi n’ont pas cette vie radieuse qu’est la mienne.

Rencontre entre Nguyen Hong My et Daniel Edwards Cherry