(VOVWORLD) - Le 02 février, des retrouvailles exceptionnelles commémorant le 60e anniversaire du rapatriement des familles de «chân dang» - travailleurs vietnamiens de Nouvelle-Calédonie et de Vanuatu - ont eu lieu dans la ville portuaire de Hai Phong.
Photo: Ngoc San Roland Pham |
Plus de 500 personnes provenant des quatre coins du Vietnam et de ces deux territoires du sud de l’océan Pacifique ont participé à cette rencontre pleine d’émotion organisée par l’antenne de l’Association des Viêt Kiêu de la nouvelle Calédonie et du Vanuatu à Hai Phong et l’Amicale vietnamienne.
Des accolades, des larmes, des sourires... Des dizaines d’années ont passé et aujourd’hui, les participants ont tous des cheveux blancs. Ils échangent des nouvelles et se parlent des rapatriements, des moments difficiles que leurs parents, leurs frères et sœurs «chân dang», engagés de Nouvelle-Calédonie et de Vanuatu, ont vécu. Certains s’extasient devant les photos en noir et blanc des jeunes rapatriés qu’ils furent. Hoàng Van Tân a été rapatrié en 1961. Il se souvient…
«À cette époque, nous n’avions tous qu’un désir: retourner vivre dans notre pays d’origine. Là-bas, il fallait chanter l’hymne français sous le drapeau français. Quand on a vu le drapeau rouge à étoile jaune du Vietnam, on a ressenti une émotion violente», nous raconte-t-il.
Retour en 1945. Les engagés vietnamiens de Nouvelle-Calédonie ont terminé leur contrat mais ils ne sont pas rapatriés en dépit de la clause qui leur garantit le retour au pays... Certains d’entre eux sont dans le Pacifique depuis le début de la Seconde guerre mondiale. Ils ne se doutent pas encore que leur exil va durer beaucoup plus longtemps que prévu: 20 ans, au lieu des 5 ans initialement prévus. Il faut dire qu’entre-temps, une guerre a éclaté entre le Vietnam et la France, une guerre qui ne prendra fin qu’en 1954, suite aux accords de Genève. Mais leur combat à eux, à ces «chân dang», va durer encore quelques années. Ce n’est qu’au début des années 60 qu’ils pourront enfin regagner le Vietnam.
De 1960 à 1964, le bateau Eastern Queen effectue neuf navettes entre Nouméa et Haiphong, avec à son bord les trois quarts de la communauté |
C’est donc en 1960 qu’un premier navire, avec à son bord 551 personnes, jette l’ancre au port de Hai Phong. Mais certains Vietnamiens ont choisi de rester en Nouvelle-Calédonie… Eux et leurs descendants forment aujourd’hui une communauté unie, qui n’a jamais coupé les liens avec le Vietnam.
Des Vietnamiens qui ont choisi de rester en Nouvelle-Calédonie célèbrent en 1962 la fête nationale du Vietnam (le 2 septembre) |
«Cette commémoration est un peu le point d’orgue de notre déplacement. C’est très important, pour les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie, d’être présents aujourd’hui, au nom de ces liens qui les unissent à leurs frères et leurs sœurs revenus au pays. Les années passent mais l’Histoire qui nous rassemble… », nous confie Patrick Guillon, le président de l’Amicale des Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie.
Les 5.777 rapatriés des années 60 se sont rapidement réintégrés à la société vietnamienne. Beaucoup d’entre eux ont participé à la guerre qui faisait alors rage dans le pays. C’est le cas de Nguyên Thi Lô, rapatriée en 1964.
«Nous nous sommes engagés dans les combats pour la libération et l’indépendance du pays. Beaucoup d’entre nous se sont sacrifiés sur les champs de bataille. D’autres ont travaillé assidûment dans les usines pour le développement de l’économie nationale», nous explique-t-elle.
Mais revenons-en à cette rencontre de 2020. La diaspora vietnamienne de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu avait collecté de l’argent pour venir en aide aux personnes en difficulté. Ngoc San Roland Pham a ainsi parcouru différentes localités vietnamiennes pour remettre des cadeaux.
Ngoc San Roland Pham (à gauche) et Patrick Guillon (au centre) |
«Les dons de la diaspora ont été envoyés à l’Amicale et au Consulat… L’idée, c’est de venir en aide aux anciens rapatriés dans le besoin», nous explique-t-il.
Photo: Ngoc San Roland Pham |
Une rencontre en pleine d’émotion, donc, mais qui pourrait bien être la dernière du genre comme le fait observer Jean-Pierre Dinh, le consul honoraire du Vietnam en Nouvelle-Calédonie.
«La deuxième génération a déjà passé le cap des 70 ans», constate-t-il. «Moi-même, j’ai 72 ans... Quant à nos aînés, il leur reste sans doute peu de temps à vivre… Il y aura peut-être une autre commémoration dans cinq ans, mais après? Est-ce que les générations suivantes vont reprendre le flambeau? Rien n’est mois sûr. Il se pourrait bien que ce soit la dernière fois…»
Ainsi va l’Histoire, a-t-on envie de dire… Ainsi va l’Histoire du Vietnam au 20e siècle, une Histoire tissée de guerre et d’exils, mais qui paradoxalement a donné à notre pays une dimension universelle.