(VOVWORLD) - District montagneux de la province septentrionale de Quang Ninh, Binh Liêu séduit, grâce notamment à ses paysages et à la musique traditionnelle des Tày qui y ont élu domicile. Ce peuple communique avec les divinités par le biais de leur chant rituel, le then, accompagné par le dàn tinh, sorte de luth à manche longue.
Photo baoquangninh.com.vn |
La légende qui accompagne l’origine du dàn tinh traduit bien la conception qu’ont les Tày de la finalité de la musique. La voici : il était une fois Xiên Cân, mélomane costaud, mais surtout… célibataire endurci. Il faut dire que Xiên Cân avait deux problèmes : il était trop pauvre et trop gourmand... N’acceptant pas sa condition, il construisit un escalier en pierre pour monter jusqu’au ciel, où il demanda de l’aide à Mère Hoa qui y régnait. Celle-ci lui offrit alors un luth dont les sept cordes étaient les cheveux d’une fée. Il en joua, et dès les premières notes, apparurent une forteresse, un champ de riz et… une belle femme. Xiên Cân fut tout content de pouvoir enfin se marier mais là, surgit un autre problème. Enchantés par sa musique, les villageois délaissaient leurs travaux champêtres. Mère Hoa descendit alors sur terre, arracha les sept cheveux de fée du luth et les remplaça par trois cordes en soie naturelle, donnant ainsi naissance au dàn tinh. La première de ces trois cordes est la «corde mère», celle qui représente la prospérité; la seconde, la «corde grand-frère», qui donne un son grave et qui appelle à la défense de la nation; et la troisième, la «corde petit-frère», qui donne un son aigu et qui symbolise l’amour.
Passer de sept à trois cordes n’a rien ôté au charme du dàn tinh, instrument indispensable au chant then, le chant rituel par le biais duquel les Tày communiquent avec les divinités, nous assure Luong Thiêm Phu, chef du club de chant then de Tinh Huc, une commune rattachée au district de Binh Liêu.
«Au tout début, je n’étais que chanteur de then, mais le dàn tinh m’a séduit à tel point que je me suis finalement mis à fabriquer cet instrument», raconte-t-il. «C’est devenu pour moi une joie de vivre, d’autant plus que mon travail contribue à la préservation de l’identité culturelle des Tày».
Photo Nguyen Trung Hà / Tap chi du lich |
Le dàn tinh mesure 117 cm de long. Sa caisse de résonance consiste en une calebasse séchée de 16 cm de diamètre. Le fruit cueilli doit être trempé dans de l’eau pendant 8 à 10 jours, avant d’être vidé, lavé et privé de sa membrane noire extérieure. Il sera ensuite mis à sécher puis coupé au niveau du tiers de sa longueur depuis la queue. La surface obtenue sera alors couverte d’une peau de python, d’une écorce d’aréquier ou d’un papier très élastique.
Désireux de transmettre son savoir et sa passion aux jeunes, Luong Thiêm Phu réunit tous les week-ends des enfants de sa commune pour leur apprendre à chanter le then et à jouer du dàn tinh.
Le dàn tinh des Tày a inspiré de nombreux artistes dont Dô Hoa An qui lui a consacré la chanson Parole du dan tinh qui est largement connue au Vietnam.
«Dans sa version simple, le dàn tinh des Tày compte seulement deux cordes, mais personne ne peut résister à son charme particulier», nous confie-t-il.
Depuis quelques années, le chant then et le dàn tinh attirent de plus en plus de mélomanes en dehors des communautés Tày et Nùng dont ils rythment la vie. La pratique rituelle impliquant ce chant et cet instrument a d’ailleurs été classée au patrimoine culturel immatériel national.