(VOVWORLD) - L’Eirei est un chant
traditionnel des Ede. Ses rythmes entraînants en font le chant collectif par
excellence, dont les paroles sont comme des maillons liés les uns aux autres.
Les Ede
chantaient l’Eirei - Photo Dantri.com
|
Autrefois, les Ede
chantaient l’Eirei chaque fois qu’ils se rassemblaient, mais l’accompagnement
musical était utilisé uniquement à l’occasion de funérailles. L’instrument
consacré était alors le dinh nam, un instrument à vent composé de tubes de
bambou fichés dans une calebasse sèche. Aujourd’hui, la règle a changé. Il faut
dire que les Ede ont pris goût pour l’accompagnement musical, tant et si bien
qu’ils ajoutent parfois des voix au dinh nam.
Rarement chanté seul, l’Eirei
est surtout un chant alterné qui se décline en trois catégories : échanges
amoureux, éloge de la vie et enseignements destinés aux jeunes, et enfin,
devinettes.
Aussi ce chant ne
résonne-t-il pas exclusivement lors des rencontres galantes. Des gens du même
sexe peuvent également échanger par le biais de cette musique vocale. Mais
attention ! Tout le monde ne peut pas le chanter. Selon Azuon Nhuan, qui
est un artiste populaire du district de Cu Mgar, dans la province de Dak Lak,
seules les personnes éclairées par les divinités sont capables de composer des
vers susceptibles d’être chantés. Mais ces personnes doivent avoir en plus le
sens de la répartie, explique-t-il.
« Dans une
cérémonie de sacrifice de buffle ou de funérailles, lorsque les plus âgés
chantent le K’ut, qui est un air narratif sans rythme ni mélodie, les jeunes,
eux, sirotent de l’alcool avec des chalumeaux, nous dit-il. Quand ils sont
légèrement éméchés, ils commencent à jouer du dinh nam et chanter l’Eirei. Si
une fille s’intéresse à un garçon, elle lui lance un vers auquel il se doit de
répondre par un autre vers, en respectant évidemment la rime proposée. Ces
séances de chant ont donné lieu à bien des mariages. »
C’est grâce à
l’ouverture au monde et au tourisme que l’Eirei s’est libéré de son carcan
cérémoniel pour résonner partout et à tout moment, à chaque fête villageoise.
Plusieurs compositeurs s’en sont inspirés pour écrire des chansons très connues
des Vietnamiens comme « Si tu m’aimes encore, reviens à Buon Ma Thuot »
ou « H’ren monte au champ ». Néanmoins, à l’instar d’autres formes
musicales traditionnelles, l’Eirei authentique est menacé de disparition. C’est
en tout cas ce que semble redouter Linh Nga Nie Kdam, une compositrice Ede.
« Autrefois, même
les sanctions étaient prononcées en vers et lorsque les gens se rencontraient,
ils chantaient. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, déplore-t-elle. La
disparition de personnes capables de transmettre les chants traditionnels
risque de mettre fin à l’existence de ces derniers. »
Seuls les Ede pourront
renverser la situation et faire en sorte que leurs histoires continuent d’être
racontées en musique aux générations futures.