Photo: Bao Dong Thap
En général, c'est entre le 7ème et le 10ème mois lunaire, c'est-à-dire entre août et novembre, que commence la saison des hautes eaux dans le delta du Mékong. Loin d'être considérées comme une calamité naturelle, les crues qui se produisent alors font, en fait, partie du cycle de vie du fleuve.
Pour les habitants, ces crues sont un signal. Dès qu'elles arrivent, ils délaissent les travaux agricoles au profit de la pêche: avec la montée des eaux, les ressources aquatiques deviennent nécessairement beaucoup plus abondantes. Pendant ce temps-là, les terres arables sont laissées en repos, ce qui leur permet de se regénérer et de profiter des alluvions charriées par le fleuve.
Cette année, la montée des eaux du Mékong a rendu le sourire aux agriculteurs des provinces de Dong Thap, An Giang et Kiên Giang. Il faut dire que les millésimes précédents n'avaient pas été aussi rassurants, comme nous l'explique Huỳnh Văn Năm, un agriculteur de la province de Dông Thap.
« Les eaux qui montent, ça fait plein de poissons et de crevettes. Alors pour la pêche, c'est vraiment une aubaine! Les années d'avant, les eaux étaient montées, mais pas suffisamment, alors ça a été plus difficile... »
Il y a quelques semaines encore, le delta du Mékong était encore frappé de plein fouet par une sécheresse dévastatrice pour les prairies et les rizières, qui a même obligé certaines personnes à abandonner provisoirement leurs villages pour tenter de trouver du travail à Binh Duong ou à Ho Chi Minh-ville. Le village de Huỳnh Văn Năm, par exemple, était il y a deux semaines encore, un village quasiment mort: on y recensait une dizaine de personnes, tout au plus. Et puis le miracle est arrivé. Les arroyos ont repris leurs cours normal et les habitants, leur pêche traditionnelle. Huỳnh Văn Năm lui même s'en donne à coeur joie: avec 250 nasses, il réussit à capturer 16 kilos de petits crabes de rizière par jour. A 14 mille dongs le kilo, il y a bien de quoi pousser un "ouf" de soulagement.
Pham Kim Chi, qui habite dans un bourg reculé de la province de Dông Thap, éprouve, elle aussi, un véritable soulagement depuis fin septembre, date à laquelle les eaux ont commencé à monter.
« Ici, on ne vit que de la riziculture et de la pêche... Alors, la montée des eaux, c'est vital, pour nous! On creuse des bassins pour élever les pangas et les sillures. On utilise des nasses pour capturer des anguilles et des poissons qu'on va vendre sur les marchés ensuite. On ne peut pas vivre à moins de ça!... »
Depuis le début du mois d’octobre, les eaux ont monté dans la province de Dông Thap, nous a confirmé Vo Thành Ngoan, le directeur-adjoint du service provincial de l’Agriculture et du Développement rural, qui a également précisé que leur niveau était certes plus élevé que l’an dernier, mais plus faible que la moyenne des années précédentes.
Pour l'instant Dông Thap subit les caprices du fleuve. Alors, les riverains font face, avec un sens de l'adaptation tout à fait remarquable. A long et à moyen termes, les autorités provinciales prévoient de construire des infrastructures hydrauliques pour réguler les eaux. Sans doute ont-elles raison, même si, comme le dit le proverbe chinois, "il est plus facile de déplacer un fleuve que de changer son caractère."...