(VOVworld)- La maison longue est le lieu de vie traditionnel des grandes familles Ede. Elle se rallonge chaque fois qu’une membre de la famille se marie-Une membre puisque les Ede ont une tradition matrilinéaire. La plus longue maison connue dans l’histoire de cette ethnie est tellement allongée que lorsqu’on frappe un gong à un bout de la maison, à l’autre bout, le son n’est qu’à peine audible!
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La maison longue des Ede est une maison sur pilotis construite en bambou et en bois. Le plancher et les murs sont faits de vieux bamboux aplatis. Quant au toit, il est recouvert de paille. La maison est construite dans le sens nord-sud. Vue de loin, elle ressemble à un bateau, ce qui n’est pas sans rappeler l’origine maritime de cette ethnie. Nguyen Duy Thieu, directeur-adjoint du musée d’Ethnographie du Vietnam: «Plus la propriétaire est riche, plus sa maison est longue. Auparavant, on voyait des maisons extrêmement longues. Lorsque l’arrière-petite fille de la propriétaire se mariait, on continuait encore d’allonger la maison. Un document français que je possède atteste qu’à l’époque coloniale, il y avait une maison qui faisait plus de 200 mètres. C’était celle d’Ama Ha.»
L’espace de la maison, tout en longueur donc, est divisé en deux parties distinctes. La première partie, appelée Gah, occupe un tiers de cet espace, le reste s’appelle Ok. Gah comprend à la fois le salon, la cuisine, l’espace de vie commune, le lieu de culte et le lieu où les garçons dorment. C’est dans cette partie qu’on expose les objets précieux. Gah est séparé de l’autre partie, Ok, par deux piliers, l’un situé à l’est et l’autre, à l’ouest. Le pilier de l’est est le principal. A côté de ce pilier, se trouve un lit de planches sur lequel la cheffe de la famille s’installe lorsqu’il y a une réunion. A côté du pilier de l’ouest, on dispose un gros tambour et plusieurs gongs. Le tambour est mis au-dessus d’un banc de 0,5m de haut, de 10 à 20m de long, alors que les gongs sont placés en-dessous. C’est sur ce long banc que les musiciens vont jouer. A côté du mur, juste derrière le pilier de l’est, on expose des jarres. Dam Thi Hop, conservatrice du musée d’Ethnographie du Vietnam, nous présente la maison longue typique des Ede conservée dans son musée: «C’est une maison riche, une richesse visible à travers les objets exposés. Ici, c’est le salon où la famille organise les fêtes auxquelles sont conviés de nombreux voisins. C’est un salon pour ainsi dire très communautaire. On y expose beaucoup d’objets, de jarres d’alcool, de gongs, de marmites en cuivre… qui sont autant de biens très précieux pour les Ede. Plus les objets exposés sont nombreux, plus la famille est riche.»
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La richesse se traduit également dans les motifs gravés dans la maison: des éléphants, des crabes, des poissons. Dam Thi Hop: «Tout le monde ne peut pas graver des motifs d’éléphants. Seules les familles possédant de vrais éléphants peuvent se le permettre. Sinon, on trouve souvent d’autres motifs comme le varan, le dragon, le crabe ou la tortue… qui sont des animaux sacrés dans la croyance des Ede. On grave souvent le motif du varan sur l’entrait pour s’attirer la chance. Quant au dragon, il a des nageoires en forme de poisson, une moustache et des cornes bien élevées. Selon les spécialistes, il s’agit d’un motif original des Ede qui ne se mélange avec aucun autre motif ethnique.»
La maison longue n’est pas qu’un espace de vie, c’est aussi un point d’attache entre différentes générations d’Ede. Dans cet édifice, chaque nuit, toute la grande famille se réunit autour d’un foyer. Les femmes font du tissage ou de la broderie, les hommes réparent leurs charrues ou leurs pioches, les vieux racontent des épopées ou récitent des poèmes aux enfants… Toujours dans cet espace, les rites, les mœurs et coutumes des Ede sont préservés et valorisés. Ainsi s’allonge la maison, et avec elle, les traditions…