(VOVworld) - Le sacrifice du buffle - strang en langue Bahnar -, est une cérémonie rituelle dédiée aux forces célestes, qui revient à chaque moment marquant de la vie de la communauté.
Il y a une période faste pour ces sacrifices du buffle, qui se situe entre le 12ème mois de l’année lunaire et le 3ème mois de l’année qui suit, c'est-à-dire au moment où les récoltes sont terminées. Il convient alors de remercier les dieux et de s’attirer leurs bonnes grâces pour l’année à venir. Dao Minh Ngoc, du musée d’ethnographie de Dak Lak :
« C’est une grande fête, absolument sacrée pour les Bahnar. Elle s’accompagne d’une dizaine de rites annexes, tels que le culte dédié aux forces célestes, les danses au son du gong… »
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Une grande fête, en effet, qui dure trois jours et qui nécessite plusieurs mois de préparatifs. Certains sont désignés pour tresser des branches de rotins de façon à fabriquer une corde très résistante, absolument indispensable pour ficeler la bête lors de la cérémonie. D’autres partent chercher du bois polang dans des forêts lointaines pour façonner le gun sakapo, le mât du sacrifice. Il s’agit d’un pilier sacré de 5 mètres de hauteur, orné de motifs sculptés, de fleurs et de drapeaux, et coiffé d’un phénix en bois.
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Et le buffle, dans tout ça ? Il se doit d’être en forme pour remplir dignement sa fonction de « messager » auprès des dieux. Il est donc gavé et bichonné les jours qui précèdent la cérémonie qui sont aussi ses derniers, ce qu’il ignore béatement. Et c’est tel un sumotori qu’il est amené au pied du mât rituel, sous les vivats d’une foule enthousiaste. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance d’être offert en victime expiatoire : à chacun ses privilèges…
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Les rites préliminaires débutent dès le lever du soleil. Le maître des rituels, qui est naturellement un patriarche, processionne en faisant des prières, destinées à apporter santé et prospérité à toute la communauté villageoise. Après quoi, garçons et filles se rassemblent en cercle et dansent au rythme du gong. Mais ce n’est lorsque les jeunes hommes commencent à se livrer à des démonstrations d’arts martiaux que l’atmosphère commence à vraiment s’échauffer.
Les rites officiels débutent le lendemain. Trois chamans et deux patriarches se mettent devant l’autel pour lancer des incantations, proclamant ainsi que le buffle est désormais dédié aux Dieux. Quant aux villageois, ils font leurs adieux à la bête en chanson… « Pleurer pour le buffle », ainsi s’intitule cet adieu émouvant mais sans équivoque. « Cher buffle, tu étais avec nous pour nous aider aux champs… Aujourd’hui, nous t’envoyons rejoindre les Dieux », chante-t-on…
Ainsi va la vie chez les Bahnar ! Cruel destin que celui de leurs buffles qui n’est pas sans rappeler, soit dit en passant, celui des taureaux que l’on envoie se faire étriller dans quelques arènes ibériques le temps d’une corrida…
A la semaine prochaine, chers auditeurs, pour de nouvelles pérégrinations ethnico-chromatiques…