(VOVWORLD) - Le festival Katê, célébré chaque année au septième mois du calendrier Cham (du 25 septembre au 25 octobre dans le calendrier grégorien), est bien plus qu’une simple fête: c’est le cœur battant de la vie spirituelle des Cham. Mais au sein de cette grande célébration, la procession des palanquins et l’ouverture des tours en constituent l’essence même. C’est un rituel sacré qui, malgré les tumultes de l’histoire, traverse les siècles avec une constance émouvante, presque intacte.
La cérémonie de l’ouverture des tours sacrées. Photo: congthuong.vn |
Selon la tradition, le festival Katê se déploie en une série de cérémonies: la procession des palanquins divins, l’ouverture des tours sacrées, le bain des statues, l’habillement des divinités, et enfin, la majestueuse Grande Cérémonie. Tout commence à l’aube du premier jour du septième mois, après l’installation des tentes rituelles. Les officiants ajustent alors leurs tenues, préparent les palanquins ornés, les parasols, les éventails et les drapeaux colorés. Puis, dans un éclat sonore, les trompettes Saranai, les tambours Ginang et Paranung, et les cymbales résonnent ensemble, lançant la marche depuis les villages Cham jusqu’aux tours. Sur ce long parcours, la procession déploie un spectacle vivant: costumes éclatants, danses ancestrales rythmées par des instruments traditionnels, mouvements gracieux d’éventails, de tambours ou de cercles. Le long du chemin, une foule de villageois et de visiteurs se masse, admirative et vibrante, ajoutant à la ferveur ambiante.
La cérémonie d'habillage de la statue divine. Photo : congthuong.vn |
Dans cette procession, les hommes Cham revêtent des tuniques blanches, une écharpe immaculée drapée sur l’épaule. Les femmes, parées de hauts rouge-rosé et de pantalons blancs, portent également une écharpe blanche. Certaines portent des plateaux de bétel sur leur tête, d’autres agitent des drapeaux. Lê Xuan Loi, directeur du Centre de recherche sur la culture Cham, nous donne plus de précisions…
«Avant de partir, chaque foyer a invoqué ses ancêtres. Monter aux tours, c’est honorer la communauté entière. Ce rituel condense l’offrande collective: on apporte les vêtements du roi Po Klong Garai, on danse pour célébrer, on invite les divinités à rejoindre les tours et à recevoir les présents préparés par les Cham. C’est comme ça depuis des générations», indique-t-il.
À l’arrivée aux tours, la cérémonie s’intensifie. Le prêtre, la dame d’honneur et les dignitaires implorent les esprits pour ouvrir les portes sacrées et y déposer les vêtements divins. Le bain et l’habillement des statues, étapes empreintes de révérence, occupent une place centrale. Le prêtre orchestre ce rituel, sollicitant la bénédiction des dieux. Dàn Lanh, prêtre au service des traditions familiales Cham dans la province de Ninh Thuân, nous donne des détails…
«Trois figures clés animent ce rite: la dame d’honneur répartit les rôles, le musicien joue du kanhi pour appeler les esprits, et le prêtre offre les présents - gâteaux, volailles, cochons… Tous sont indispensables», nous dit-il.
Nai Van Vuong, un Cham de la commune de Phuoc Huu, dans la province de Ninh Thuân, enrichit cet éclairage:
«Lors de l’ouverture des tours, le prêtre dirige tout. Accompagné du musicien jouant du kanhi, il chante des hymnes épiques, égrenant les noms des rois et héros du Champa. Chaque nom s’accompagne d’un chant unique, porteur d’un sens propre: tel roi a construit des barrages, tel autre a étendu le territoire. Les paroles sacrées varient selon leurs exploits», explique-t-il.
À mesure que le prêtre chante, les statues sont dévêtues, lavées, puis parées de nouveaux habits. Dàn Lanh, toujours:
«Le musicien guide le rituel: ses notes au kanhi et ses cris signalent chaque étape - le bain par la dame d’honneur, le changement de robe, l’offrande des objets. Celui qui joue du kanhi doit maîtriser les rites et connaître par cœur les incantations pour mener la cérémonie», ajoute Dàn Lanh.
Une fois le bain et l’habillement achevés, les statues divines resplendissent dans leurs robes royales. La Grande Cérémonie peut alors commencer. Le prêtre, toujours au cœur du rite, offre les présents - disposés devant l’autel - en signe de gratitude. Puis vient la fête: à l’extérieur des tours, les chants et danses traditionnels s’élèvent, portés par les tambours Ginang et Paranung, et les trompettes Saranai. Ensemble, les Cham prient pour la clémence des dieux et des ancêtres, espérant pluies bienveillantes, récoltes abondantes, santé et prospérité pour leurs descendants.
Ces rituels, véritable cœur du festival Katê, incarnent son âme. À travers les siècles, ils demeurent un lien intact avec les racines et les traditions, guidant les générations Cham vers leur héritage.