(VOVWORLD) - Face au virage stratégique de l’administration américaine dans le conflit russo-ukrainien, les pays européens accélèrent l’élaboration de leurs propres plans pour assurer la sécurité de l’Ukraine et du continent à long terme.
Le sommet sur la sécurité de l’Ukraine, le 2 mars à Londres. Photo: EFE |
Les dirigeants de 16 pays européens, du Canada, ainsi que des responsables de l'Union européenne (UE), de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) et de la Turquie se sont réunis le 2 mars à Londres pour un sommet sur la sécurité de l’Ukraine, à l’invitation du Premier ministre britannique Keir Starmer.
L’Europe à un tournant historique
À l’issue des discussions multilatérales et bilatérales, Keir Starmer a annoncé que le sommet était parvenu à un consensus sur quatre points clés pour résoudre le conflit russo-ukrainien. Ces points incluent: le maintien de l’aide militaire à l’Ukraine, la garantie de sa présence dans les négociations, l’objectif de prévenir toute attaque future contre l’Ukraine et la création d’une «coalition volontaire» pour assurer une paix durable.
Dans l’immédiat, pour concrétiser le premier engagement, le Royaume-Uni accordera à l’Ukraine une ligne de crédit à l’exportation de 2,01 milliards de dollars pour l’achat de plus de 5.000 missiles anti-aériens fabriqués à Belfast, en Irlande du Nord.
Le Premier ministre Starmer à la Maison Blanche, le 27 février. Photo: AFP |
À moyen terme, le Royaume-Uni, la France et plusieurs autres pays ont convenu de travailler avec l’Ukraine sur un plan de sortie de crise. L’idée principale est de déployer une force de maintien de la paix européenne pour garantir un cessez-le-feu ou appliquer un éventuel accord de paix. Ce plan devrait être finalisé d’ici 7 à 10 jours, après de nouvelles réunions, avant d’être soumis à l’administration américaine.
“Nous avons convenu de nous retrouver très prochainement afin de maintenir l’élan des actions en cours et faire avancer ce plan commun. L’Europe est à un tournant historique: il ne s’agit plus de parler, mais d’agir, de se rassembler et d’unir nos forces autour d’un plan garantissant une paix juste et durable”, a indiqué Keir Starmer.
À l’issue du sommet, le président français Emmanuel Macron a fait une proposition marquante: l’instauration d’un cessez-le-feu temporaire d’un mois en Ukraine. Cette trêve inclurait l’arrêt des opérations militaires aériennes et maritimes ainsi que des attaques contre les infrastructures énergétiques des parties en conflit.
“C’est un prérequis car cette trêve dans les airs, sur les mers et sur les infrastructures énergétiques permettra d’attester de la bonne foi de Vladimir Poutine au moment où il s’engagera dans cette trêve. Et c’est alors que commenceront les vraies négociations pour la paix parce que nous voulons la paix, mais nous voulons une paix solide et une paix durable”, a précisé le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Réagissant aux résultats du sommet et aux propositions européennes, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a estimé que la paix n’était pas encore une véritable priorité pour les Européens et que leur plan risquait de prolonger les hostilités.
Les défis de la mise en œuvre
Le sommet de Londres a marqué la fin d’une semaine de diplomatie intense en Europe, avec des efforts pour résoudre le conflit russo-ukrainien et redéfinir l’architecture de sécurité du continent. Elle a été ponctuée par les visites d’Emmanuel Macron, le 24 février, et de Keir Starmer, le 27 février, aux États-Unis, ainsi que par une rencontre tendue à la Maison-Blanche, le 28 février, entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump.
Selon les observateurs, les signaux positifs envoyés depuis Londres atténuent l’impact de cette rencontre du 28 février, tout en renforçant le rôle de l’Europe dans la résolution du conflit. Une dynamique essentielle alors que le continent craint d’être marginalisé dans les négociations directes entre Washington et Moscou. Selon Bronwen Maddox, directrice de l’Institut de recherche Chatham House, “la coalition volontaire pourrait changer la donne dans les négociations de paix en cours. L’engagement fort de certains pays européens clés montre que l’Europe doit être un acteur central du processus. Il ne s’agit pas de revendiquer une place à la table des négociations, mais de reconnaître que l’Europe y a toute sa légitimité, au regard de son rôle et de ses contributions possibles.”
Le véritable défi pour l’Europe est la rapidité de mise en œuvre des engagements. Au-delà des enjeux sécuritaires liés à l’Ukraine, les dirigeants européens réunis à Londres ont insisté sur la nécessité de réarmer l’Europe en urgence, alors que les engagements des États-Unis envers le continent pourraient se réduire progressivement. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé que la Commission européenne présenterait bientôt un projet visant à assouplir les règles budgétaires de l’UE pour permettre aux États membres d’accroître leur budget militaire entre 3% et 3,5% du PIB, comme l’a proposé Emmanuel Macron. Ce projet pourrait être dévoilé dès le sommet européen du 7 mars à Bruxelles.
Toutefois, ce plan divise au sein de l’UE. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a dénoncé les décisions prises à Londres, notamment le renforcement du soutien militaire à l’Ukraine, qu’il qualifie de “faute grave et dangereuse”. Il a également averti que la Hongrie s’opposerait à toute hausse des dépenses militaires européennes.
Même l’initiative de création d’une "coalition volontaire" pour aider l’Ukraine se heurte à de nombreux obstacles. L’Italie, l’Allemagne et la Pologne, entre autres, ont déjà annoncé qu’elles n’y participeraient pas ou seulement sous réserve de garanties de sécurité de la part des États-Unis, un engagement que l’Europe peine encore à obtenir de l’administration Trump.