(VOVworld) - Plus qu’un ustensile ménager indispensable, les fours en terre cuite ont une dimension presque spirituelle pour les Dao Khau. Inutile d’aller leur vanter le côté pratique et moderne d’un réchaud électrique ou d’une gazinière. Rien ne saurait détrôner ces vieux fours rudimentaires qui sont d’ailleurs omniprésents à Sin Ho, le fief des Dao Khau.
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Comme l’exige la tradition, les maisons des Dao Khau comportent trois travées… et autant de fours. Situé dans la travée latérale gauche, le plus grand four est appelé « tom do ». Il s’agit d’un four en argile sur lequel on met une grosse poêle qui sert à confectionner des gâteaux ou à distiller de l’alcool. Le plus petit, le « do lao », est installé dans l’autre travée latérale. Il fait office de chauffage. Le dernier, le « do ton », est construit dans la travée centrale. Les Dao Khau considèrent ce « do ton » comme un four sacré où demeure le génie du foyer. Pas question, par conséquent, de s’asseoir au-dessus de ce four, et encore moins d’en dénigrer le maître, ce qui reviendrait à commettre un crime de lèse-majesté… Tan Coai Loang, du hameau de Hoang Ho, un hameau rattaché au district de Sin Ho, nous raconte : « C’est là que réside notre génie du foyer. Il faut donc que ce soit très bien entretenu. Les Dao Khau ont plein de tabous autour de ce fameux four : il est interdit d’y faire sécher des layettes, les femmes ne doivent pas rester devant la porte… Et croyez-moi, ils ont la vie dure, tous ces tabous ! »
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Les Dao Khau choisissent toujours une journée faste pour construire ce four sacré. Ils croient qu’entre le 12ème et le 2ème mois lunaires ou bien les 9ème, 19ème et 29ème jour des autres mois de l’année lunaire, le génie doit quitter la maison pour revenir au ciel, et que c’est un moment propice pour faire des travaux.
Il faut préparer quatre planches de bois d’un mètre de long et de 60 centimètres de large, pour former le cadre. Après quoi, on modèle un monticule en terre dans lequel on perce deux cavités. Un four de ce genre peut servir pendant 15-20 ans.
« Il faut d’abord choisir un jour faste, nous fait savoir Cheo Nai Menh, du hameau de Ta Phin. Pour ce qui est des matériaux, on prend de l’argile jaune, bien lisse. Il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas de cailloux dedans, sinon le four risque d’exploser. Et puis vous savez, si on fait une belle maison au génie du foyer, la famille est mieux protégée ! »
Tous les évènements importants qui rythment la vie de la famille ont lieu dans la travée centrale, là où se trouve le foyer sacré. Pendant le Tet, il est absolument impératif d’entretenir la flamme en permanence. Le feu symbolise en effet les yeux des aïeux qui bénissent les membres de la famille. Pour le premier jour du Nouvel An lunaire, on décore le foyer avec des papiers rouges et on rend hommage au génie du foyer.
« Ce genre de four, on n’en trouve qu’à Sin Ho, indique Tan Kim Phu, un ethnologue Dao. C’est très pratique et très commode, mais aussi très important pour les Dao Khau, d’un point de vue spirituel, en tout cas. Pas la peine de leur parler de gazinières ou de réchauds électriques !... »
L’expression « chaleur du foyer » prend tout son sens chez les Dao Khau : ils aiment en effet à se réunir autour de l’âtre pour se raconter des épopées historiques et des contées de fées, ou pour entonner des airs folkloriques. Bien plus que de simples fours, vous dit-on…